Analyse et
Synthèse de L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
Résumé
La croissance du bilan
des banques françaises, financée par des émissions de titres et une
augmentation des dépôts, provient principalement du portefeuille de titres et
des prêts aux institutions financières.
Le total de bilan
prudentiel agrégé des six principaux groupes bancaires français a enregistré
une progression en 2024 (+3,4 %) et s’établit à 8 801,5 Md€.
L’année 2024 a
notamment été marquée par l’évolution de l’encours de titres de dettes détenus
qui s’élève à 933 Md€ (+17,1 % sur un an) qui explique 1,6% de la progression
du bilan. Les deux tiers sont des titres d’administrations publiques [APU] (616
Md€), comprenant notamment 158 Md€ vis-à-vis d’APU françaises (+22 %) et 150
Md€ vis-à-vis d’APU américaines (+33 %). L’ensemble des expositions aux APU
domestiques (titres de dettes et prêts aux APU françaises) demeure toutefois
limité : il représente 3,5 % du bilan et 74 % des fonds propres CET1, soit une
proportion plus faible que pour la moyenne des principales banques de la zone
Euro (resp. 4,4 % du bilan et 85,6 % des fonds propres CET1).
Le PNB progresse
significativement et atteint un plus haut niveau historique, tiré par les
revenus de commissions, d’activité de marché et autres revenus.
En 2024, les revenus
des principales banques françaises sont historiquement élevés, le Produit Net
Bancaire (PNB) enregistrant une croissance de 8 % pour atteindre 158,7 Md€,
après un recul en 2023.
Cette croissance
provient des revenus hors intérêts, notamment les commissions (+5,5 %, à 57,7
Md€) et les revenus des activités de marché (+6,5 %, à 21,5 Md€), ainsi que les
autres revenus d'exploitation bancaire. La croissance des commissions, qui
représentent un peu moins de 40 % du PNB, concerne toutes ses composantes et
illustre les bénéfices d’un modèle d’affaires diversifié : les services de
paiement (27 % du total), les ressources distribuées telles l’assurance-vie (25
% du total) et la gestion d’actifs (20 % du total). Cette progression est
directement liée aux volumes sous-jacents : 4 780 Md€ d’actifs sous gestion
(+14 %) et 1 239 Md€ de ressources distribuées (+5 %).
En revanche, la Marge
Nette d'Intérêts (MNI) s’inscrit en léger recul (-0,5 %, à 63,6 Md€), après une
chute de 8 % en 2023 et demeure inférieure en volume aux années précédentes.
Ainsi, malgré les baisses des taux directeurs opérées par la Banque Centrale
Européenne (BCE) en 2024, le niveau de la MNI des banques françaises s’explique
par l’inertie de la transmission de la hausse antérieure des taux d’intérêt.
Sur l’ensemble de
l’année, le coût moyen du passif a progressé légèrement plus rapidement (+22
points de base, pdb), sous l’effet notamment du coût des titres de dette émis
nécessaires au financement du bilan, que le rendement moyen de l’actif (+20
pdb), qui s’explique par la part importante d’encours à taux fixe et la moindre
demande de nouveaux crédits. Cette évolution devrait néanmoins connaître une
inflexion, avec les effets différés du cycle baissier des taux d'intérêts
amorcé en 2024, permettant également la reprise de la demande de crédits, sous
réserve néanmoins du niveau d’incertitudes élevé.
In fine, le ratio PNB /
Bilan moyen progresse significativement et s'établit à 1,80 %, son plus haut
depuis 2020.
La progression
maîtrisée des charges d’exploitation et la hausse contenue du coût du risque
permettent une amélioration de la rentabilité.
Les charges
d’exploitation restent maîtrisées (+2,3 % sur un an à 108 Md€) et représentent
1,24 % du bilan moyen, une proportion stable et inférieure à celle des pairs de
la zone euro (1,38%). Cette évolution maîtrisée s’explique notamment par la
baisse des contributions au fonds de garantie des dépôts et de résolution (de
3,5 à 0,5 Md€ en 2024 (. Ainsi, le coefficient d’exploitation s’améliore à 68,1
% (-3,8 pp) grâce à un effet de ciseau positif, que l’on prenne en compte ou
non la contribution au FGDR.
Le coût du risque
connaît une progression notable tout en restant contenue, passant de 10 Md€ en
2023 à 12,1 Md€ en 2024 (+20,7 %). Cette hausse provient principalement du
portefeuille de crédits aux SNF (+28,3% à 6,6 Md€) et se concentre sur les
encours en défaut (niveau 3 IFRS9), avec le provisionnement de dossiers de
place. A contrario, le coût du risque sur les ménages se replie de 11,1 % à 6,1
Md€. Le coût du risque total représente 27 pdb des encours clientèles, contre
42 pdb pour les pairs de la zone euro. Cette différence peut s’expliquer en
partie par la prépondérance des crédits à taux fixe en France, qui préserve la
capacité de remboursement des emprunteurs des hausses de taux.
L’évolution du PNB,
combinée à des charges d’exploitation maîtrisées et un coût du risque en
progression mais contenu, entraînent une croissance des résultats : +22,9 %
pour le résultat d’exploitation courante à 38,6 Md€ ; + 11,7 % pour le résultat
net à 36,1 Md€. Les indicateurs de rentabilité se redressent : le rendement sur
actifs (RoA) progresse de 4 pdb à 0,42 % et le rendement sur capitaux propres
(RoE) progresse de 51 pdb à 6,73 %. Néanmoins, depuis 2022 – année de début de
remontée des taux, l’écart de rentabilité avec les pairs de la zone euro
demeure (RoA de 0,8%, RoE de 11,8 %).
Tout en restant
limitée, l’augmentation du risque de crédit s’est poursuivie en 2024, année
marquée par un contexte macroéconomique incertain. Le niveau de provisionnement
est prudent.
Les incertitudes
politiques et géopolitiques pèsent sur le risque de crédit. Les portefeuilles
des groupes bancaires français se montrent néanmoins résilients et la
détérioration de leur profil de risque de crédit reste contenue.
Le montant d’encours de
prêts non performants (non performing loans – NPL) progresse sur un an de +2,1
%, à 113,3 Md€. En revanche, le montant des encours de prêts augmentant
également (+1,5 %), le taux de NPL (hors dépôts auprès des banques centrales) reste
stable à 2,4 % fin 2024 :
- Le taux de NPL des
encours aux ménages se détériore à la marge (+11 pdb) et atteint 2,17 % (Graphique
19), niveau plus faible que celui des pairs de la zone Euro à 2,31 %.
- Le taux de NPL des
encours aux SNF est quant à lui relativement stable à 3,62 % malgré la
hausse des défaillances d’entreprises. Les encours aux petites et moyennes
entreprises (PME) restent néanmoins marqués par un taux de NPL en hausse de +32
pdb sur l’année. Seuls deux secteurs affichent désormais des taux de NPL supérieurs
à 8 % (hébergement et restauration ; services de bâtiments et travaux publics)
alors que le taux de NPL du secteur de la santé a significativement diminué du
fait de la sortie du défaut d’un dossier de place significatif dans le secteur médico-social.
Les cinq secteurs dont les encours de prêts sont les plus importants (activités
immobilières ; industrie manufacturière ; commerce ; activités financières et
d’assurance ; activités spécialisées, scientifiques et techniques) présentent
des ratios de NPL inférieurs à 5 %.
Une situation
prudentielle en solvabilité et en levier toujours solide.
Le ratio de solvabilité
de fonds propres de base de catégorie 1 [Common Equity Tier 1, CET1] des six
principaux groupes bancaires français s’élève à 15,6 % à fin 2024, stable par
rapport à fin 2023. La hausse des fond propres CET1 (+4 %, à 425,2 Md€) est
compensée par l’augmentation actifs pondérés par les risques [RWA] au
dénominateur (+4,4 %, à 2 730 Md€).
La hausse des fonds
propres CET1 reflète principalement la capacité de mise en réserve des
résultats. Les banques françaises ont également renforcé leurs instruments de
fonds propres additionnels de catégorie 1 (Additional Tier 1 ; AT1) avec l’émission
nette de 4 Md€, ainsi que leurs instruments de fonds propres de catégorie 2
(Tier 2 ; T2) augmentant de 4,8 Md€.
L’augmentation des
actifs pondérés de près de 4,4 % provient principalement des RWA au titre du
risque de crédit (+4,7% à 2 370 Md€, Graphique 37), qui représentent
l’essentiel des RWA totaux (87%), mais également des RWA pour risques
opérationnels (+10% à 261 Md€). Enfin, les RWA au titre des activités de marché
représentent près de 7 % des RWA totaux et augmentent légèrement (+0,8 %).
Les banques françaises
présentent une situation de liquidité stable et une structure de financement
diversifiée. Le risque de taux est maîtrisé.
Les ratios
réglementaires de liquidité des six groupes bancaires français s’établissent
au-dessus du seuil de 100 %, avec des marges relativement confortables. Ainsi,
le ratio de liquidité à court terme [liquidity coverage ratio – LCR], qui est
un ratio à horizon d’un mois avec des hypothèses stressées par construction de
sorties et d’entrées de trésorerie, ressort à 145,9 % (-1,1 pp) en moyenne
annuelle. Cette évolution s’explique par la diminution conjointe des actifs
liquides au numérateur et des sorties nettes de trésorerie au dénominateur. Le
ratio de financement stable à long terme [net stable funding ratio – NSFR],
s’établit pour sa part à 114,6 %, en légère diminution de 60 pdb, sous l'effet
d'une moindre augmentation des ressources de financement (+4,2 %) que des
besoins de financement (+4,7 %).
La situation de
liquidité en USD des six groupes français apparaît solide (Graphique 52). Le
ratio LCR en USD moyen à fin 2024 s’améliore sur un an de +11,3 pp, pour
s’établir à 112,3 %. Le ratio NFSR USD se dégrade en revanche (-4 pp), à 90,3
%. Si la règlementation n’impose pas d’exigence contraignante pour les ratios
de liquidité en devises, les banques doivent néanmoins s’assurer de leur
capacité à financer leurs activités en devise. Les stratégies de financement
peuvent différer entre les groupes, certains obtenant des financements
importants en USD mais préférant en transformer une partie en Euros via des
produits dérivés (Swap).
Les banques françaises
ont une structure de financement diversifiée et équilibrée entre :
- les « financements de
gros » [wholesale funding] non sécurisés, issus des opérations avec les
entreprises financières et non financières (43 %),
- les financements de
gros sécurisés (23 %) et,
- les dépôts de la
clientèle de détail (35 %). La part des financements en USD affiche une légère
augmentation, à un niveau de 21,9 % fin 2024.
En 2025, les banques
françaises demeurent exposées aux effets d’un environnement macroéconomique et
financier marqué par une très grande incertitude et une forte volatilité.
En mars 2025, la Banque
de France a revu à la baisse sa projection de croissance annuelle (- 20 pdb)
pour l’année en cours, soit une croissance réelle du Produit Intérieur Brut de
0,7 %. Cette révision intégrait les hypothèses de la loi de finance 2025 du 14
février, mais ne prenait donc pas encore en compte les propositions de la
Commission européenne visant à augmenter les dépenses militaires, ni l’ensemble
des annonces de l’administration américaine relatives aux droits de douane
survenues ultérieurement. Ces dernières ont notamment entraîné, en avril 2025,
une baisse des cours sur les marchés actions et une forte volatilité. Elles ne
font qu’amplifier le niveau d’incertitude de l’environnement macroéconomique
international dans lequel évolue les institutions financières.
Concernant les banques
françaises, plusieurs points d’attention seront à suivre :
- Leur capacité à effectivement développer
leur marge nette d’intérêt. Si le coût du passif devrait se réduire après la
nouvelle baisse des taux directeurs de la BCE en avril, l’évolution de la
demande, qui est un des éléments clés du rendement de l’actif, reste soumise à
l’environnement macroéconomique ;
- La maîtrise du risque de marché et de
contreparties en lien avec la volatilité très élevée sur les marchés financiers
et les interconnexions croissantes entre les banques et les autres institutions
financières ;
- L’évolution du risque de crédit vis-à-vis
des SNF, alors que certains secteurs pourraient être particulièrement touchés
par les hausses des droits de douane décidées aux US ou en réponse à ces
derniers ;
- Le financement en devises ;
- L’évolutions des indicateurs de marché
(actions, spread de crédit), en amélioration fin 2024, et qui ont montré une
capacité d’absorption du choc d’avril 2025 satisfaisante (Graphique 60 ;
Graphique 62) ;
- L’impact de la mise en œuvre effective de la
transposition des accords de Bâle III au sein de l’Union européenne
(CRDVI/CRR3) qui va modifier les niveaux de ratios de solvabilité.
Enfin, les aléas géopolitiques se traduisent également par une exacerbation du risque d'attaques cyber, déjà très élevé, et par un recul de la coopération internationale sur les mesures d'atténuation des risques climatiques et environnementaux.


