Le
point de vue d’Isabelle Saladin, Présidente d’I&S Adviser.
Dans la tempête économique actuelle, maîtriser la loi Dutreil et faire des analyses techniques, financières et juridiques ne suffit plus. Pour sécuriser le potentiel et la croissance de l’entreprise après la transmission, les dirigeants sont de plus en plus souvent épaulés en amont par des operating partners.
Transmettre une entreprise, ce n’est pas juste la vendre et passer à autre chose. Si certains ont pu le croire, ce n’est plus du tout le cas, a fortiori dans le contexte économique de 2025. Revoir son approche est donc indispensable, surtout avec près de 700 000 entreprises qui changeront de mains dans les
10 prochaines
années selon le chiffre annoncé courant mars 2025 par Véronique Louwagie,
ministre déléguée en charge des PME.
L’environnement
économique mondial actuel, fait d’incertitudes et de changements continus des
règles du jeu, oblige à comprendre et à travailler sur la dimension
opérationnelle en ayant une vision business et managériale de l’entreprise.
Être un tacticien de la vente ou du rachat ne suffit plus pour réussir.
Travailler seul ou avec uniquement l’appui d’experts techniques non plus.
Au-delà de la
technique, de la création de valeur
Au-delà d’une opération
financière et juridique, la transmission est en effet une opération de création
de valeur. Elle n’a de sens qu’en permettant la réalisation de la vision et des
perspectives de développement élaborées par le repreneur, ce qui demande
qu’elle soit structurée en conséquence et en tenant compte de l’environnement
et de l’état des marchés. L’enjeu est de sécuriser ses perspectives de
développement futures. Si cela est fait, alors la valeur créée dépassera la
rentabilité générée pour l’acquéreur.
Cependant, trop souvent
encore, dans les faits, faute de préparation opérationnelle, aucune richesse
n’est générée, ni pour l’entreprise (sous-valorisation, ralentissement de la
croissance, absence de retour sur investissement, perte de chiffre d’affaires,
etc.), ni pour ses collaborateurs (désengagement des collaborateurs,
enchainement de démissions, destruction d’emplois, etc.). L’entreprise peut
même être exposée à des risques, par exemple de mauvais alignement stratégique
et de baisse de performance.
Le recours croissant à
« ceux qui l’ont déjà fait »
Pour éviter ces
écueils, de plus en plus de dirigeants, cédants et repreneurs, se font épauler
par des professionnels « qui l’ont déjà fait ». Les acteurs des M&A
impliqués sur les opérations de transmission recommandent eux-aussi de plus en
plus souvent aux dirigeants de se faire accompagner par des operating partners.
Le mouvement a démarré dans les entreprises ayant ouvert leur capital et dont
les stakeholders étaient attentifs à la mise en évidence du potentiel de
l’entreprise et à la valorisation de ses actifs.
D’où que vienne
l’impulsion, l’operating partner, en tant qu’ex-chef d’entreprise, complète la
vision et l’analyse comptables de l’entreprise (bilan, résultat d’exploitation,
marge et valeur comptable) avec ce qui relève de son organisation (services, implantations,
etc.) et de ses processus. Son regard et son approche instillent du pragmatisme
et de la projection au projet de transmission.
Un appui précieux, que
l’on soit cédant ou repreneur
Il peut aider le cédant
à formaliser les “composants stratégiques” de l’entreprise : la proposition de
valeur, l’offre et son évolution, l’approche “sales & marketing”, et
l’organisation cible pensée au service de la croissance et de la valorisation.
Intervenir sur la structuration opérationnelle est clé pour mettre en œuvre
tout de suite le plan de développement. C’est la façon la plus efficace de
montrer que le projet est réaliste, réalisable et générateur de valeur – i.e.
de chiffres d’affaires et de rentabilité.
Quand il intervient
auprès du repreneur, il va par exemple l’aider à se projeter, lui donner un
aperçu de ce qu’il peut construire, de la façon dont l’entreprise va servir ses
plans à 2/3 ans pour ensuite s’accorder avec le cédant sur une juste valorisation.
Dans les deux cas, il
est souvent sollicité pour élaborer un diagnostic opérationnel (que certains
appellent OBR pour « operational business review ») qui va compléter les audits
financiers (IBR) et juridiques traditionnellement établis.
Il arrive qu’il détecte
des risques opérationnels susceptibles de freiner une transformation de
l’entreprise ou de ralentir l’exécution de la stratégie du repreneur, apportant
une aide précieuse au dirigeant fondateur de PME qui cherche à donner un nouvel
élan à la société qu’il a créée tout en valorisant ses actifs dans un projet
plus ambitieux et audacieux.
L’operating partner
peut enfin recommander des actions pour rendre les collaborateurs davantage
acteurs du projet, en analysant et en valorisant leurs expertise et
savoir-faire dans la nouvelle configuration, en réfléchissant à la façon dont
ils vont contribuer à l’intégration des 2 entités, en servant la dynamique
d’innovation et de réinvention de l’entreprise, etc.
In fine, l’apport d’une expertise opérationnelle non seulement sécurise la transmission, mais aussi maximise son impact pour les deux parties. Travailler sur cette dimension souvent méconnue et moins maîtrisée sécurise la phase post-transmission et multiplie les chances de pérennisation des entreprises et de création de valeur à moyen terme.