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[Expertises] Réformer le crédit d’impôt sur les Services à la Personne : une fausse bonne idée aux lourdes conséquences sociales

L'analyse de Frank Nataf, Président de la Fédésap (Fédération des Services à la Personne et de Proximité).

 

Alors que le Gouvernement cherche à économiser 40 milliards d’euros dans le budget de l’État et les comptes de la Sécurité Sociale en 2026, les Services à la Personne ne doivent pas faire les frais d’une réforme aux effets dévastateurs, si Bercy va au bout des ajustements qu’il envisage.

 

Auditionnée le 28 mai dernier par la commission des finances de l’Assemblée nationale, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a jugé « utile » une proposition de recentrage du crédit d’impôt sur les Services à la Personne, 2ème niche fiscale la plus importante (6,7 Mds € en 2024), après le crédit d’impôt recherche. L’idée : limiter le dispositif aux jeunes parents et aux personnes âgées en perte d’autonomie.

 

Ce recentrage, s’il devait être mis en œuvre, reviendrait à déséquilibrer tout un secteur d’intérêt général. Car les Services à la Personne, ce ne sont pas que des « aides de confort ».
C’est un secteur stratégique : 3 millions de salariés, 4,7 millions de ménages utilisateurs, un marché de 20 milliards d’euros et une projection de 250 000 emplois supplémentaires nécessaires d’ici 2030, qui s’explique par le vieillissement de la population française et le souhait de 9 Français sur 10 de rester à domicile le plus longtemps possible.

 

« Il faut remettre l’église au milieu du village, souligne Frank Nataf. Ce secteur est fragile, à faible rentabilité, mais à très forte utilité sociale. »

 

Un dispositif fiscal qui rapporte plus qu’il ne coûte

 

Contrairement à certaines idées reçues, le crédit d’impôt n’est pas un « cadeau fiscal ». Chaque euro investi par l’État génère entre 1,20 et 1,50€ de retour pour les finances publiques, sous forme de recettes directes (TVA, cotisations sociales, impôt sur les sociétés) et indirectes (ex. personnes âgées en perte d’autonomie maintenues à domicile, ce qui permet des dépenses évitées en Ehpad). Supprimer la dépense fiscale, c’est aussi supprimer les recettes. Cela n’a donc pas de sens économiquement.

 

Un rempart contre le travail dissimulé

 

Sans le crédit d’impôt, des centaines de milliers de ménages risquent de recourir à des pratiques non déclarées. Les études sur le secteur estiment qu’en l’absence d’incitation fiscale, le taux de travail dissimulé grimperait entre 30 % et 60 %.

 

« Les besoins ne disparaîtront pas du jour au lendemain si les aides fiscales sont moindres, prévient Frank Nataf. Ils seront simplement couverts par de l’emploi non déclaré : ménage, jardinage, aide à domicile, garde d’enfants... »

 

Un retour du chômage

 

Les effets collatéraux seraient nombreux : une remontée du chômage, la destruction d’emplois à domicile occupés majoritairement par des femmes peu qualifiées, et une régression sociale. Les Services à la Personne sont fortement sensibles au coût pour l’usager.  Le crédit d’impôt divise par deux le coût pour le particulier : sans lui, la demande baisse mécaniquement. Toucher au crédit d’impôt, c’est gâcher 20 ans de structuration du marché, amorcée par la loi Borloo en 2005.

 

Une attaque contre les classes moyennes

 

Contrairement aux clichés, les grands perdants ne sont pas les foyers les plus aisés :

•   39% des utilisateurs du dispositif sont non imposables ;

•   27% des bénéficiaires vivent avec moins de 28 000€ bruts par an (2 300 euros par mois).

•   Les personnes de plus de 80 ans représentent 42% des utilisateurs et de loin la principale classe d’âge ayant recours aux services à domicile.

 

« Les classes moyennes, celles qui travaillent, qui paient des impôts et qui tiennent le pays debout, commencent à en avoir ras-le-bol. Ce crédit d’impôt, il faut le préserver pour elles », martèle Frank Nataf.


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