Jean-Michel Laidin, associé Walter France,
explique comment, pour être rentables, les entreprises du bâtiment et des
travaux publics doivent être particulièrement vigilantes sur les indicateurs
clés, et tirer ainsi leur épingle du jeu.
La première analyse
incontournable consiste à être capable de ventiler son chiffre d’affaires entre
la partie matériau et la partie main-d’œuvre. Cette distinction permettra de
pouvoir faire ensuite les analyses nécessaires.
> Comment calculer
sa marge brute
Les entreprises du
bâtiment, comme toutes les entreprises d’ailleurs, doivent impérativement
connaître et analyser leur taux de marge brute. Qu’est-ce que la marge brute ?
Dans le secteur du BTP, c’est le chiffre d’affaires global, duquel on soustrait
la sous-traitance et le coût des matériaux. C’est ce qui permet de savoir si
l’entreprise va pouvoir générer du bénéfice, ou pas. L’évolution de cet
indicateur permet de comprendre ce qui s’est passé dans l’entreprise. Si cette
marge brute augmente ou baisse, encore faut-il connaître les raisons de cette
fluctuation. Les premières questions à se poser sont les suivantes : y a-t-il
eu davantage de matériau acheté que l’année précédente ? A-t-il été mieux ou
moins bien acheté ? A-t-il été mieux ou moins bien refacturé ?
> Comment analyser
la rentabilité de la main-d’œuvre ?
Il existe une manière
très simple de calculer le chiffre d’affaires réalisé grâce à la main-d’œuvre.
En effet, les entreprises ne peuvent pas tellement « jouer » sur les matériaux,
qu’elles doivent de toute manière acheter, et revendre avec une marge. Si un
artisan décide d’appliquer une marge de 10%, très logiquement, en ajoutant 10 %
au montant des achats des matériaux, il obtient le chiffre d’affaires matériau.
Il suffit donc de soustraire ce chiffre d’affaires matériaux du chiffre
d’affaires global pour obtenir le chiffre d’affaires main-d’œuvre.
Comment analyser ce
chiffre d’affaires réalisé grâce à la main-d’œuvre ? Le patron est censé
appliquer un taux horaire suffisant pour couvrir le coût chargé de sa
main-d’œuvre, c’est-à-dire incluant les charges sociales patronales et
salariales. Le chiffre d’affaires main-d’œuvre divisé par le nombre d’heures
passées sur le chantier permettra de connaître le prix de l’heure effectivement
facturé.
La comparaison entre le
taux horaire théorique et le taux horaire réellement facturé aux clients est
souvent très instructive. Si ce dernier est plus bas, l’entrepreneur devra
analyser les raisons de l’écart. Cela peut révéler des problèmes d’organisation
ou de rendement.
> Un conseil : viser
au moins 80 % d’heures facturées
Le rapport entre le
nombre d’heures effectivement facturées par rapport au nombre d’heures
travaillées ne doit pas être inférieur à 80%. Cette « déperdition »
relativement inévitable est due aux imprévus, aux tâches qui prennent plus de
temps que prévu, etc. L’entrepreneur doit bien évidemment avoir pour objectif
permanent de la réduire au maximum.
> La rentabilité
passe par une vigilance de tous les indicateurs
Pour ce faire,
l’entrepreneur doit surveiller de très près tous les indicateurs.
Il convient donc, pour
les matériaux, de bien définir son taux de marge et de l’appliquer. Certes, la
réalité peut être différente : par exemple un devis revu à la baisse pour
remporter un marché, ou des prix de matériau qui ont augmenté entre l’établissement
du devis et le début du chantier ; surtout lorsque l’on sait que le temps
écoulé entre le devis et le chantier peut être très long, de plusieurs mois,
voire plus d’un an. La mention concernant la durée de validité du devis, en ces
temps de fluctuation forte des prix des matériaux, peut être très judicieuse, à
condition, comme toujours, de bien l’expliquer au client ou au prospect en
amont si on veut avoir des chances qu’il accepte une revalorisation au moment
de signer.
Sur le coût horaire,
l’entreprise doit connaître précisément le « coût plancher » en-dessous duquel
il ne peut pas descendre, et la marge qu’il veut réaliser. Bien évidemment, il
devra se positionner par rapport à la concurrence et disposer d’une marge de
manœuvre, mais sans jamais sacrifier sa rentabilité minimale.
> Raisonner en
forfait, une autre possibilité
Une autre solution
consiste à définir un prix au m², au mètre linéaire, en m3 pour les sacs, ou
encore en palettes, selon l’activité. Par exemple, pour poser un mètre carré de
carrelage, il est intéressant d’étudier quelle est la dose de colle nécessaire,
le temps à passer, etc, afin de disposer de ces standards.
Après avoir établi un
devis avec la méthode des matériaux et du temps passé, l’entrepreneur pourra le
comparer à cette dernière méthode pour vérifier la cohérence de ses prix.
> Satisfaire le
client sans sacrifier la rentabilité
L’artisan est par
nature consciencieux ! Il veut donner satisfaction à son client. Si bien monter
un mur et poser le carrelage droit sont des prérequis indiscutables, attention
en revanche aux nouvelles demandes du client en cours de chantier, ou à des
exigences de dernière minute qui peuvent faire totalement déraper la
rentabilité.
Conclusion de Jean-Michel Laidin : « L’entrepreneur doit avoir le souci constant de sa rentabilité et être capable d’analyser finement ses coûts et sa marge. Quant à la satisfaction client, c’est très louable, mais cela ne doit pas être fait « coûte que coûte ». Si la qualité doit être au rendez-vous, la rentabilité aussi ! »