Morningstar publie un rapport sur la consolidation
de l'industrie européenne de la gestion d'actifs sur les dix dernières années,
axé sur les 100 plus grandes sociétés de gestion d'Europe.
Monika Calay, directrice de la recherche sur les gérants au Royaume-Uni chez Morningstar, rappelle : « Le secteur européen de la gestion d'actifs est confronté à une pression concurrentielle croissante, notamment de la part de grandes sociétés américaines. Alors que des transactions très médiatisées, telles que l'acquisition d'AXA Investment Managers par BNP Paribas et le projet de fusion de Natixis Investment Managers avec Generali Investments, pourraient donner l'impression d'une accélération de la consolidation dans le secteur de la gestion d'actifs, notre analyse de l'activité de fusion-acquisition parmi les principaux gestionnaires d'actifs en Europe révèle une autre conclusion.
La
consolidation en Europe reste limitée, la plupart des sociétés privilégiant la
croissance organique - élargissement de l'offre de produits, des capacités et
de l'efficacité opérationnelle - plutôt que les fusions-acquisitions.
Lorsque les entreprises
ont procédé à des fusions-acquisitions, notre étude montre qu'elles n'ont pas
toujours apporté d'améliorations significatives en termes de performance des
investissements ou de réduction des coûts pour les investisseurs. La pression
sur les frais - en particulier pour les produits passifs - reste intense pour
toutes les stratégies. La réduction des frais tient davantage aux forces du
marché qu'à la consolidation.
À l'avenir, les sociétés focalisées sur l'innovation, la transformation numérique et les solutions personnalisées plutôt que sur la taille devraient sortir gagnants. Une consolidation sélective peut se poursuivre, mais les stratégies de croissance agiles et axées sur le client sont probablement mieux positionnées pour façonner l'avenir du secteur. »
Principales conclusions du rapport
• Nous avons classé chaque entreprise dans l'un
des trois profils de croissance stratégique :
Développeurs organiques (55 sociétés), Consolidateurs (28 sociétés) et
Acquéreurs opportunistes (16 sociétés), en fonction de leur activité de
fusion-acquisition au cours de la dernière décennie. Cette répartition montre
que, bien qu'une partie importante des gestionnaires d'actifs européens
s'engagent dans des activités de fusion-acquisition, la majorité d'entre eux
privilégie toujours la croissance organique par rapport aux opérations
d’acquisition.
• À l'heure actuelle, la plupart des
fusions-acquisitions consistent en de petites transactions, les grandes opérations
de transformation restant rares. Par conséquent, le rythme réel de la
consolidation a été mesuré et opportuniste.
• Les gestionnaires d'actifs procèdent à des
fusions-acquisitions
pour réaliser des économies d'échelle, accéder à de nouveaux marchés et
segments de clientèle sans le long processus de développement organique. Les
entreprises utilisent également les fusions et acquisitions pour acquérir
rapidement des capacités d'investissement spécialisées, en particulier dans les
produits alternatifs et les domaines émergents tels que l'investissement
durable. Enfin, la consolidation aide les entreprises à se positionner en tant
que fournisseurs de solutions globales à une époque où les investisseurs
institutionnels et les distributeurs réduisent leur liste de prestataires en
matière de gestion d'actifs.
• Les avantages de la consolidation mis en
avant par les négociateurs sont souvent difficiles à concrétiser dans la
pratique,
les différentes parties prenantes - actionnaires, clients et employés - pouvant
tirer des résultats différents d'une même transaction. La consolidation soulève
cinq défis majeurs en matière d'intégration : une divergence culturelle, une
complexité accrue du leadership, une perte de talents, des risques liés à la
rationalisation des produits, ainsi que des économies d'échelle pouvant nuire à
la performance.
• Ces défis détournent souvent les dirigeants
et le personnel des équipes d'investissement de leur responsabilité première, qui est de générer de
la performance pour les clients et les détenteurs de fonds, ce qui explique la
prudence des analystes de Morningstar lorsqu'ils évaluent des sociétés qui
subissent des changements organisationnels importants.
• Les analystes de Morningstar ont plus souvent
attribué des notes positives pour le pilier
« Société » aux Développeurs
Organiques qu'aux Consolidateurs. Cette tendance reflète le fait que les
Développeurs Organiques ont généralement des pratiques plus respectueuses des
actionnaires et une culture d'investissement plus forte que les sociétés
engagées dans de fréquentes fusions-acquisitions.
• Notre analyse de trois grandes fusions
européennes dans le domaine de la gestion d'actifs montre que les avantages de
la consolidation restent souvent insaisissables, même pour les
actionnaires des entreprises. Alors qu'Amundi a maintenu des flux positifs
après les opérations de fusion avec, Janus Henderson et Aberdeen ont connu des
sorties soutenues avant de procéder à des dépréciations d’actifs. Aucune n'a
réussi à améliorer sa rentabilité de manière significative. Pour que les
fusions-acquisitions soient couronnées de succès, il faut un alignement
stratégique sur les marges économiques, une tarification appropriée et une
exécution cohérente, autant d'éléments qu'il convient de mettre soigneusement
en balance avec les alternatives d'investissement internes.
• En examinant la performance des
investissements dans l'ensemble du secteur, notre analyse n'a pas révélé de
différences significatives entre les développeurs organiques, les consolidateurs ou
les acquéreurs opportunistes. Nous avons examiné le nombre de fonds gérés
activement qui ont à la fois survécu et surperformé les alternatives passives
comparables au cours des cinq dernières années, à partir de 2019. Dans
l’ensemble des groupes, les résultats ont été largement similaires - les fonds
de chaque groupe (actif/passif) ont obtenu des résultats comparables dans les
catégories actions et obligataires. Cela suggère que l'activité de fusion-acquisition
n’a pas d'incidence significative sur les résultats des fonds pour les
investisseurs, bien que l'impact spécifique de la consolidation reste difficile
à isoler des autres facteurs affectant la performance.
• Les économies présumées liées à la
consolidation ne semblent pas se traduire systématiquement par une baisse des
frais pour les investisseurs, toutes catégories de produits confondues. Le
positionnement d'une entreprise sur le marché, sa proposition de valeur et sa
gamme de produits semblent influencer les structures de frais plus fortement
que sa croissance par acquisitions ou organique.
• Par ailleurs, les frais des fonds passifs
convergent pour les 3 groupes de sociétés, indépendamment de leur activité de
consolidation, ce qui suggère que la forte concurrence sur un marché banalisé
impacte davantage la tarification que le mode de développement des entreprises
par acquisition ou de manière organique.
Actifs sous gestion des 100 premiers gestionnaires d’actifs européens par type de stratégie de développement et type/domicile de fonds (en milliers de milliards USD)
Taux de succès des fonds actifs à surperformer les fonds passifs par classe d’actifs et approche de développement stratégique (2019-2024)