Instabilité géopolitique et arbitrages financiers - Assurance-vie : faut-il vraiment tout clôturer ?
Par Guillaume Aksil, avocat spécialiste en droit des assurances, Cabinet
Lincoln Avocats Conseil.
La guerre en Ukraine,
la montée des tensions sino-américaines, l’inflation persistante, la
dégradation de la dette française, la fiscalité incertaine… À ces incertitudes
s’ajoute un mot que l’on croyait réserver aux romans de science-fiction : la «
guerre économique ». Elle est bien là, diffuse mais réelle, et commence à
éroder la confiance des épargnants.
Dans ce contexte, une
question, encore taboue il y a quelques mois, circule désormais dans les dîners
et les cabinets de gestion patrimoniale : faut-il clôturer ses contrats
d’assurance-vie ? Est-il temps de sortir et de sécuriser ses avoirs autrement ?
L’illusion du refuge
absolu
Pendant des décennies,
l’assurance-vie a bénéficié d’une image de stabilité. Placement long terme,
fiscalité favorable, grande souplesse : l’idéal français. Mais la réalité
économique a changé. Le rendement réel des fonds euros, une fois corrigé de
l’inflation, est souvent négatif. Et les unités de compte exposent à des
marchés volatils, parfois liés à des zones géopolitiquement sensibles.
Clôturer ? Pas forcément. Mais
réinterroger sa stratégie, absolument. L’assurance-vie n’est pas dangereuse par
nature, elle l’est si l’on y reste les yeux fermés.
Le vrai sujet : la
liquidité en cas de choc
La liberté de rachat,
pierre angulaire du contrat, n’est pas sans limite. L’ACPR peut, en cas de
crise systémique, suspendre temporairement les retraits. Le scénario n’est plus
hypothétique. Un mouvement massif de panique pourrait entraîner un gel, comme
cela a été envisagé pendant certaines crises bancaires. Dans un monde instable,
la promesse de « récupérer son argent à tout moment » mérite donc nuance.
Clôturer pour ne pas
être coincé ?
Ce serait confondre prudence et précipitation. Mais diversifier, oui.
Réintroduire une dose de liquidité immédiate dans son allocation globale, via
des supports alternatifs ou des placements hors assurance, est aujourd’hui une
mesure de bon sens.
Fiscalité : l’épée de
Damoclès
La fiscalité de
l’assurance-vie reste attractive… jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus. Certains
députés ou experts appellent à une révision des abattements successoraux ou à
une taxation plus progressive des rachats. À l’heure des déficits publics
abyssaux, l’épargne des Français est dans le viseur.
Faut-il attendre que le
législateur change les règles pour agir ? Non. Une stratégie patrimoniale
éclairée doit intégrer dès aujourd’hui des scénarios fiscaux défavorables, et y
préparer ses actifs.
La clôture n’est pas la
solution miracle
Clôturer ses contrats
n’efface pas le risque. Cela génère un impact fiscal immédiat, une perte
d’antériorité, et oblige à replacer les sommes perçues sur des supports pas
toujours plus sûrs. L’assurance-vie reste un outil précieux… à condition d’en
reprendre le contrôle.
Réorienter ses
supports, arbitrer entre fonds euros, unités de compte, produits structurés ou
investissements directs, revoir ses clauses bénéficiaires (voir l’arrêt de 2
avril 2025 de la Cour de cassation qui assouplit les règles concernant le
changement de bénéficiaire), ajuster ses horizons : tout cela est plus utile
qu’une clôture brutale.
En période de guerre
économique, ce n’est pas l’assurance-vie qu’il faut abandonner, mais la gestion
passive.
L’épargnant de demain n’aura pas besoin de panique, mais de stratégie. Et pour cela, il doit être informé, conseillé, et prêt à ajuster sa trajectoire. Fermer ses contrats ? Parfois. Mais le plus souvent, il faut surtout les rouvrir… les yeux grands ouverts.