Alors que l’Union
européenne s’apprête à assouplir les exigences de reporting extra-financier, de
nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un recul en matière de transparence et
d’engagement des entreprises sur les enjeux de durabilité.
La Corporate
Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui devait initialement renforcer
l’évaluation des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG),
voit son champ d’application considérablement réduit. Les nouvelles
orientations prévoient d’exclure 80% des entreprises concernées, en ne
s’adressant désormais qu’aux structures de plus de 1 000 salariés, contre 250
auparavant. En parallèle, les obligations de reporting ESG seront allégées de
70% des indicateurs initialement prévus. En France, le Sénat a repoussé le
calendrier d'application de la CSRD. Cette décision reflète les défis
rencontrés par les entreprises pour s’adapter à ces nouvelles obligations de
transparence.
Si cette évolution peut
apparaître comme un soulagement administratif, elle questionne la crédibilité
des engagements durables pris par les entreprises et affaiblit la capacité du
marché à comparer les performances RSE sur des bases objectives.
Un frein à la
transition durable ?
Le risque est double.
D’un côté, la réduction du nombre d’entreprises soumises à ces obligations
limite la capacité du marché à évaluer et comparer les engagements RSE. De
l’autre, l’affaiblissement des critères de reporting pourrait favoriser un
retour à des approches plus narratives, moins fondées sur des données tangibles
et comparables.
« Il est essentiel
d’avancer vers un modèle de transparence renforcée, où la performance d’une
entreprise ne se mesure pas uniquement à son bilan financier, mais aussi à son
impact environnemental et sociétal », souligne Valentine du Payrat,
Directrice Executive chez AU Group.
Le rôle clé du secteur financier
Face à cet
assouplissement réglementaire, les acteurs financiers assureurs-crédit,
banques, fonds d’investissement ont un rôle stratégique à jouer. Leur capacité
à intégrer les critères ESG dans leurs décisions de financement et
d’accompagnement des entreprises sera déterminante pour maintenir une dynamique
d’engagement et encourager une transition durable.
Assureurs-crédit : une
évolution lente mais nécessaire vers l’intégration des critères ESG
La prise en compte des
critères ESG par les assureurs-crédit progresse, mais reste contrastée.
Certains acteurs intègrent désormais des évaluations extra-financières dans
leur analyse de risque, tandis que d'autres restent réticents face à l'absence
de normes homogènes. En effet, en valorisant les entreprises les plus
vertueuses sur le plan ESG par des conditions d’accès au crédit ou à
l’assurance plus favorables, les acteurs financiers peuvent transformer une
contrainte réglementaire affaiblie en levier de compétitivité durable.
« Aujourd’hui, un
assureur-crédit analyse une entreprise principalement sous l’angle de sa
solidité financière. Il devient impératif d’inclure des indicateurs de
durabilité dans l’évaluation des risques et de créer ainsi une démarche
vertueuse. Nos clients pourraient être récompensés en bénéficiant de meilleures
conditions financières ou contractuelles mais également leurs fournisseurs
grâce à un crédit fournisseur plus avantageux », poursuit Valentine
du Payrat.
Vers un engagement
volontaire des entreprises ?
Si l’évolution de la
réglementation assouplit les contraintes, elle n’exonère pas pour autant les
entreprises d’une démarche proactive. Les pressions des investisseurs et des
consommateurs pourraient jouer un rôle déterminant dans l’adoption de standards
ESG solides, même en l’absence d’obligation légale stricte.
Les prochains mois seront décisifs pour observer dans quelle mesure les entreprises et les institutions financières s’approprieront ces enjeux. La transition durable ne peut être l’apanage des seules grandes entreprises. Elle doit concerner l’ensemble du tissu économique. AU Group, dans le cadre de son rôle de conseil vis-à-vis du risque clients, s’engage pleinement dans cette démarche, en accompagnant ses clients dans la mise en œuvre de solutions ESG concrètes et en contribuant à l’émergence d’une finance responsable, facteur de résilience, de performance et de transition. Plutôt que de se limiter à une réaction défensive face à un contexte réglementaire plus flou, les entreprises et institutions financières ont l’opportunité de s’engager dans une dynamique de progrès volontaire. En faisant des critères ESG un pilier central de l’analyse de risque, elles peuvent contribuer à structurer un nouveau référentiel de confiance, au bénéfice de l’ensemble de la chaîne économique. Le chemin semble encore long.