«
Étude Ifop pour la CGT réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 2
au 4 avril 2025 auprès d’un échantillon national représentatif de 2023
personnes, représentatif de la population résidant en France métropolitaine
âgée de 18 ans et plus ».
Au moment où les
discussions sur la réforme des retraites de 2023 reprennent au sein du conclave
lancé par le Premier ministre, la question du report de l’âge légal, de la
soutenabilité du système et de ses modalités de financement revient au cœur du
débat public.
Afin de mieux
comprendre le regard des Français sur les mesures en vigueur et les
alternatives actuellement portées par les différents acteurs sociaux, l’Ifop a
mené pour la CGT une grande enquête auprès d’un échantillon représentatif de 2
000 Français.
Résumé de l’étude
Cette étude met en
évidence la résilience de l’opinion publique française face à un contexte
international de plus en plus tendu : crises géopolitiques, retour de Donald
Trump, nouveaux tarifs douaniers et augmentation des budgets de défense en
Europe. Autant de bouleversements qui, en théorie, auraient pu entraîner un
glissement des priorités dans l’opinion publique, notamment en faveur de la
sécurité ou d’un recentrage budgétaire. Pourtant, ces tensions n'ont pas
infléchi significativement le jugement des Français à l'égard de la dernière
réforme des retraites, ni affaibli leur attachement au modèle par répartition.
Même dans un contexte où l’actualité internationale pourrait justifier une
redéfinition des priorités, le passage de l’âge légal à 64 ans suscite toujours
une opposition massive, assortie d’un soutien large et transversal à
l’organisation d’un référendum.
L’enquête fait également apparaître une nette préférence pour des solutions de financement alternatives,
perçues comme plus équitables : fiscalisation des dividendes, égalité salariale
femmes-hommes, hausse des cotisations patronales… À l’inverse, les pistes
impliquant un allongement de la durée de travail ou un recours à la
capitalisation continuent d’être source de méfiance pour une majorité de
citoyens.
Les chiffres clés de
l’enquête
- En cas de référendum
sur la réforme des retraites adoptée en 2023, deux électeurs sur trois (65%)
voteraient en faveur de l’abrogation de la réforme qui a élevé l’âge de la
retraite à 64 ans.
- Dans leur ensemble,
seuls 34% des Français estiment qu’il faut maintenir l’âge légal de départ à la
retraite à 64 ans et 5% qu’il faut l’augmenter : la grande majorité
d’entre eux (61%) souhaitant un retour à 62 ans.
- L’idée d’un retour de
l’âge légal à 60 ans baisse quant à elle de manière significative (-15 pts depuis 2022)
mais elle reste nettement majoritaire dans l’opinion : 56% des Français s’y
montrent favorables, chiffre qui monte à 66% chez les salariés.
- Il faut dire
qu’aujourd'hui, la perspective de partir à la retraite est une source
d’inquiétude pour un actif sur deux (50%), soit une proportion largement
supérieure à celle observée par l’Ifop à la fin des 30 glorieuses (30% en
1971).
- Cette appréhension
tient probablement au fait que la majorité des actifs (54%) estiment qu’ils ne
seront pas en état de travailler à temps plein jusqu’à 64 ans, la crainte d’être
licencié avant 64 ans étant d’ailleurs partagée par plus de 4 salariés du privé
sur dix (43%).
- Dans ce contexte, le
système par capitalisation ne suscite la confiance que de 29% des Français, cette solution étant
pourtant régulièrement mise en avant lors des débats sur la réforme des
retraites.
- Pour financer le
retour de l’âge légal à 62 ans, les Français se disent en revanche
massivement favorables à la taxation des dividendes versés aux actionnaires
(82%), ainsi qu’à la hausse des cotisations patronales (76%).
1 - Un plébiscite pour
l’abrogation en cas de referendum sur le sujet
Les résultats de
l’enquête confirment la persistance d’un fort soutien à l’idée d’un référendum
sur la réforme des retraites adoptée en 2023. 68% des Français se déclarent
favorables à l’organisation d’une telle consultation, un chiffre stable par
rapport à février 2020, où ce taux s’élevait à 67%.
Si ce référendum était
organisé, le pourcentage de votes exprimés en faveur de son abrogation
s’élèverait à 65%.
Le rejet de la réforme
s’avère particulièrement prononcé chez les jeunes générations. Parmi les moins
de 25 ans, 78% des votes exprimés se porteraient sur l’abrogation. De manière
comparable, la proportion de votes exprimés favorables à l’abrogation atteint
83% parmi les ouvriers, une catégorie particulièrement concernée par la
pénibilité du travail et l’usure professionnelle.
Sur le plan politique,
le rejet transcende les clivages idéologiques traditionnels. Il est très marqué
chez les individus se situant à gauche (81%), mais également fortement présent
dans les rangs de l’extrême droite (83%).
2 - Une majorité solide favorable au retour à 62 ans
Une majorité de Français continue de souhaiter un retour à l’âge légal de
départ à la retraite à 62 ans : 61% des personnes interrogées se prononcent en
faveur de cette solution, tandis que 34% préfèrent maintenir l’âge à 64 ans, et
5% souhaitent l’augmenter encore. Le soutien au retour à 62 ans est
particulièrement marqué chez les ouvriers (73%) et les employés (77%), ainsi
que chez les personnes déclarant exercer un travail physiquement assez pénible
(76%) ou très pénible (70%).
Concernant l’option
d’un retour à la retraite à 60 ans, 56% des Français y sont favorables en 2025,
contre 71% en 2022, ce qui marque une baisse de 15 points en trois ans. Ce
soutien reste néanmoins majoritaire, en particulier chez les ouvriers (76%), les
employés (75%) et les personnes exerçant un métier jugé physiquement assez
pénible (78%).
Ces résultats
traduisent un attachement persistant à des âges de départ jugés plus justes,
notamment par les catégories les plus exposées à la pénibilité du travail. La
baisse du soutien au retour à 60 ans suggère toutefois un déplacement
progressif du consensus vers le seuil de 62 ans, perçu comme un compromis plus
réaliste.
3 - Un sentiment d’inquiétude qui domine la perspective du départ à la retraite
Lorsqu’ils sont interrogés sur leur perception du départ à la retraite, 50% des
actifs déclarent l’envisager avec inquiétude, contre 32% qui y associent un
sentiment de satisfaction. Ces résultats marquent une nette inversion de
tendance par rapport à la fin des 30 glorieuses, où seuls 30% exprimaient de
l’inquiétude, tandis que 46 % se disaient satisfaits à cette perspective.
Cette évolution traduit
une profonde appréhension dans la manière dont les Français envisagent leur fin
de carrière. Un actif sur deux estime ne pas être en mesure de travailler à
temps plein jusqu’à 64 ans (54%), une proportion qui atteint 60% chez les femmes,
et 66% chez les ouvriers, davantage exposés à des conditions de travail
physiquement pénibles. Par ailleurs, 43% des salariés sous contrat de droit
privé estiment que leur entreprise ne les maintiendra pas dans ses effectifs
jusqu’à cet âge, laissant entrevoir un risque d’instabilité professionnelle
susceptible d’alimenter ce sentiment d’inquiétude généralisé.
4 - Un rejet des
solutions régressives et du système par capitalisation
Les Français portent un jugement clair sur les solutions envisagées pour
garantir la soutenabilité du système de retraite par répartition. Une très
large majorité rejette les options jugées régressives par les syndicats :
seulement 39% se déclarent favorables à un recul de l’âge de départ à la
retraite, et la baisse du montant des pensions est quasi unanimement refusée
(que 13% des répondants se déclarent favorables).
Dans ce contexte, moins
d’un Français sur trois (29%) déclare faire confiance au système par
capitalisation, une solution pourtant régulièrement mise en avant lors des
débats sur la réforme des retraites. Il convient de souligner que le terrain de
l’enquête s’est déroulé avant la crise boursière provoquée par l’annonce de
nouveaux tarifs douaniers par le président américain. Un tel événement, survenu
postérieurement, aurait probablement renforcé la défiance des Français à
l’égard d’un système dépendant des marchés financiers.
Enfin, les Français se
montrent massivement favorables à plusieurs mesures censées contribuer à la
soutenabilité du système de retraite et permettre de financer un retour à la
retraite à 62 ans.
Ainsi, 82% d’entre eux soutiennent la mise à contribution des
dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires, tandis que 86 %
approuvent le recours à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes
comme levier de financement. Par ailleurs, 80% se déclarent favorables à des
actions pour limiter le temps partiel subi et à des politiques renforcées de
lutte contre le chômage. Ces niveaux d’adhésion très élevés témoignent d’un
attachement fort à des solutions solidaires, redistributives et structurelles. Nicola
Gaddoni, Ifop
Le point de vue de la
CGT sur les résultats de l’étude
Alors que le
gouvernement a délibérément fait le choix d’enterrer les concertations, en
fermant la discussion sur l’âge de départ à la retraite et l'abrogation de la
réforme de 2023, la CGT a fait le choix de s'adresser directement aux salariés
: campagne de terrain, meetings, matériel d'information... et le constat est
unanime. Ce sondage vient confirmer ce que la CGT revendique : 61% des Français
estiment qu’il faut revenir à la retraite à 62 ans (dont 68% des salariés).
Dans le contexte social
et économique actuel, où les riches sont toujours plus riches, et où les
efforts reposent toujours sur les travailleurs et travailleuses, y compris
précaire ou privés d’emploi, et les retraités, cette réforme vient accentuer
les craintes et inquiétudes sur les fins de carrière. En effet, 54% des actifs,
et en particulier les femmes (60%) et les ouvriers (66%), ne s’imaginent pas
travailler jusqu’à 64 ans. Pire encore, 4 salariés sur 10 craignent d'être
licenciés avant 64 ans.
La réforme 2023 crée un
vice social, mais aussi démocratique. Le gouvernement a autoritairement
appliqué une réforme largement rejetée, et que 68% des Français souhaitent voir
soumise à référendum.
Dans ce cadre, et sans
surprise, le sondage vient confirmer ce que demande la CGT depuis 2 ans : 65%
des Français voteraient pour l’abrogation de la réforme en cas de référendum.
La réforme des retraites est un enjeu de démocratie, elle doit donc être
soumise au vote des Français ou à celui des parlementaires.
Enfin, et contrairement
à la doctrine que le gouvernement et le patronat tentent de nous imposer, les
Français sont très majoritairement favorables aux propositions de la CGT de
financement du système de retraite par répartition. Alors que 71% des Français
rejettent la capitalisation (que la crise boursière américaine vient confirmer
comme un système dangereux et instable), les mesures portées par la CGT sont
convaincantes : les Français sont très largement favorables à l’élargissement
de l’assiette des cotisations via :
- l’alignement des
salaires entre les femmes et les hommes (86%)
- l’augmentation
générale des salaires (78%)
- la soumission à
contribution des dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires
(82%)
- l’augmentation de 1
point des cotisations patronales (76%)
Ce sondage confirme que la question de l'abrogation de la réforme des retraites, même 2 ans après son application, reste très largement impopulaire. A contrario, le sérieux et la popularité des propositions de financement de la CGT démontrent qu'un autre modèle social est possible. La CGT appelle le gouvernement à entendre les voix majoritaires pour l’abrogation de la réforme 2023 et organiser une conférence de financement pour le retour à 62 ans, puis 60 ans (avec des départs anticipés pour prendre en compte la pénibilité, y compris dans les métiers féminisés).