Par Barthelemy de
Badts, consultant RH, Factorial
La transparence
salariale s’impose de plus en plus au sein des entreprises quelle que soit
leurs tailles. Entre les exigences accrues des talents, les réglementations en
faveur de l’égalité salariale et la quête de sens des nouvelles générations, il
devient impératif que les personnes en charge de la direction financière (DAF)
et des ressources humaines (RH) s’alignent sur ce sujet. Si dans la majorité
des cas il s’agit de la même personne, les structures en développement et/ou
bien établies doivent également se coordonner pour traiter ce sujet.
Loin d’être un simple
acte de communication, la transparence des salaires est une stratégie gagnante,
notamment pour ces gestionnaires qui doivent concilier performance financière
et attractivité de l’entreprise.
Un bénéfice partagé,
au-delà des salariés
La transparence
salariale est l’affaire de tous. Si les salariés y trouvent une source de
motivation supplémentaire et perçoivent une meilleure équité, les avantages
pour les DAF sont tout aussi significatifs. Pour y arriver, la méthode la plus
simple et la plus attendue au regard des réglementations à venir reste
l’établissement d’une grille salariale claire et transparente. Cet outil simple
permet d’avoir une meilleure gestion des investissements salariaux, évite
d’éventuels écarts injustifiés, et limite les tensions salariales. En effet,
cette grille permet de mettre le doigt sur des disparités (justifiées ou non)
et d’accompagner les évolutions de carrière de l’ensemble des salariés. De ce
fait, un DAF pourra piloter plus efficacement les augmentations et les primes –
voire même les anticiper s’il travaille main dans la main avec les RH en charge
du sujet. Pour ces derniers, les bénéfices de la transparence salariale sont
bien connus, car elle favorise notamment la marque employeur et renforce le
lien de confiance entre les salariés et la direction. En valorisant la
politique de rémunération transparente et équitable, l’entreprise apportera un
gage de confiance supplémentaire pour attirer de nouveaux talents et fidélisera
plus facilement ses collaborateurs qui pourront se projeter dans l’avenir.
Par ailleurs, en 2026,
les entreprises devront appliquer une directive européenne imposant davantage
de transparence salariale. Bien que cette réglementation touche les entreprises
de plus de 100 salariés, elle ouvre la voie à une adoption généralisée par
l’ensemble des entreprises. De ce fait, l’anticipation de ce changement –
motivée par la conformité légale ou l’accord avec ce nouveau besoin sociétal –
ne pourra qu’être bénéfique pour toutes les parties concernées.
Évoluer pour éviter de
perdre des salariés
Pour déployer
efficacement cette politique de transparence, la collaboration entre les
gestionnaires DAF et RH est essentielle. Quelle que soit le nombre des
effectifs ou sa typologie, la construction d’une grille salariale peut sembler
épineuse et fastidieuse pour ces professionnels déjà très sollicités. Bien que
le sujet des salaires soit de plus en plus abordé par les salariés entre eux,
beaucoup y voient un sujet tabou et refusent d’ouvrir cette boîte de Pandore
pour « préserver la paix sociale ». Ce pari ne tient plus la route, car tôt ou
tard les nouvelles générations de salariés parleront de leurs rémunérations (et
celles des autres). S’ils perçoivent des
écarts, sans explication claire, cela pourrait engendrer de vives tensions au
sein de l’entreprise, voire entraîner des départs dans des conditions
difficiles. Il est donc essentiel d’adopter une approche transparente et
d’encadrer la discussion avec des données précises, chiffrées et factuelles.
La première étape est
élémentaire :
il faut prendre le temps de cartographier l’ensemble des rémunérations
existantes avec un audit interne pour identifier les écarts et comprendre leurs
origines. Avec cette vision d’ensemble, il est alors plus simple de définir une
grille salariale claire et compréhensible. Puis, en intégrant des critères
objectifs comme l’ancienneté, les compétences ou la performance, ce support
servira de ligne directrice pour accompagner les évolutions au sein de
l’entreprise. À partir de ce document sans équivoque, les managers (hors de ces
services) pourront également devenir des relais pédagogiques sur la politique
salariale. Ils pourront ainsi expliquer la politique de rémunération à leurs
équipes et répondre aux questions individuelles. Les salariés quant à eux bénéficieront
d’une meilleure visibilité sur les perspectives d’évolution au sein de
l’entreprise ; ce qui participe au maintien de leur engagement. Dans un récent
sondage, 48% des salariés interrogés estimaient que leur entreprise ne leur
offrirait aucune promotion cette année ; un constat partagé par ceux qui se
déclaraient profondément attachés à leur travail (31%).
Maintenir le cap vers
les objectifs clairs
Pour évaluer l’impact
de cette démarche, en plus de la grille en elle-même, plusieurs indicateurs
doivent être suivis. De prime abord, on peut penser au taux de satisfaction des
collaborateurs sur la politique salariale. Cela peut être mesuré via des enquêtes
internes par exemple. Si ce taux diminue
au fil de l’année, un ajustement des politiques RH peut être envisagé afin
d’anticiper et prévenir toute situation délicate. Par ailleurs, si la grille
salariale permet de limiter les écarts injustifiés entre les salariés d’une
même catégorie, elle permet aussi de mettre en évidence les écarts de
rémunération entre les catégories de salariés. Via les filtres de genre,
d’ancienneté ou encore de compétences, il est possible de faire cette analyse
des différences de salaires et d’agir pour une meilleure harmonisation le cas
échéant.
Outre la grille
salariale en tant que telle, il est important pour une entreprise de garder un
œil sur les taux d’attrition et d’acceptation des offres d’emploi. Ces
indicateurs permettent de connaître l’impact sur l’attractivité de
l’entreprise. Dans un contexte économique incertain, la mobilité des talents
semble se complexifier. En effet, 58 % des salariés déclarent préférer rester
dans leur entreprise par peur du changement ; ce qui illustre un certain
attachement des acquis (conditions de travail, fonctionnement, avantages, etc.)
et une appréhension face à l’inconnu du marché du travail. Étant donné que
l’acquisition de talent génère un coût bien supérieur pour une entreprise que
de conserver ses salariés, l’utilisation de ces KPIs sont donc des outils
pertinents pour les gestionnaires qui souhaitent concrétiser au mieux leur
stratégie.
Plutôt qu’un risque, la transparence des salaires doit être vue comme une opportunité stratégique. En favorisant une meilleure compréhension des logiques de rémunération, elle permet d’optimiser la gestion financière, d’améliorer la cohésion interne et de renforcer la compétitivité de l’entreprise sur le marché du travail. Les DAF et les RH ont donc tout intérêt à s’unir pour construire un modèle vertueux où transparence rime avec performance.