Le
CNRS a lancé le 28 novembre 2024 une consultation citoyenne intitulée "Comment
les sciences peuvent-elles nous aider à construire le monde de demain ?"
via une plateforme numérique.
Par cette question,
l’organisme de recherche invite les citoyens à s’exprimer jusqu’au 31 janvier
2025, avec l’objectif affiché de renforcer le dialogue entre la recherche et la
société. L’objectif est louable, mais les moyens utilisés pour y parvenir sont
critiquables : le collectif Horizon TERRE propose une alternative et appelle à
une Convention citoyenne de programmation de recherche.
Les limites du
processus consultatif
Le collectif Horizon TERRE (HT) plaide depuis 2019 pour que l’orientation des budgets publics consacrés à la recherche scientifique soit déterminée par les citoyens. Dans une logique de rapprochement entre sciences et société, le CNRS, de son côté, décide de s’appuyer sur la plateforme Make.org, une
« Civic Tech » qui cherche
à rebattre les cartes de la décision et à donner plus de transparence au débat
public. Oui mais…
OUI, donner la parole
aux citoyens, trop éloignés des décisions scientifiques et techniques, répond à
une attente grandissante. MAIS le faire via une consultation numérique risque
de produire un effet contraire. Les citoyens éloignés du numérique restent
éloignés du débat. Les personnes qui souhaiteraient fournir des réponses
éclairées sont limitées par le cadre (limite de 140 caractères par
proposition). Enfin, la nature même de la consultation comprend le risque d’une
participation sans effet, en raison de l’opacité du traitement des
contributions.
En somme, pour reprendre le célèbre George Orwell, tous les citoyens sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres. La fracture numérique intervient, mais la fracture sociale joue aussi son rôle.
D’une part, l’injonction à participer ne
mobilise que certains groupes sociaux (ceux qui sont déjà sensibilisés),
d’autre part, ce genre de dispositif a pour effet de légitimer l’action de
l’institution qui le déploie tout en marginalisant les autres formes de
mobilisation.
Pour une convention
citoyenne de programmation de la recherche
La multiplication des
consultations déplace le débat public vers des espaces où les décideurs et
décideuses conservent un avantage structurel : par le contrôle des outils, des
modalités de participation, et des conclusions qu’ils en tirent. Alors, quelles
autres solutions existent pour démocratiser les choix scientifiques et
techniques ? Le collectif HT en propose une, un dispositif qui favorise la
diversité et le dialogue citoyen : la Convention citoyenne de programmation de
la recherche.
Cette procédure de
participation permet de dépasser certains des problèmes soulevés. Le tirage au
sort garantit une meilleure représentativité. L’espace délibératif en
présentiel évite le cadre restrictif de la plateforme numérique. L’intervention
d’experts aux avis contradictoires enrichit le débat. Le contrôle du processus
par une autorité indépendante écarte le danger d’instrumentation.
Le bien-fondé de ce
dispositif trouve un fondement historique avec les « conférences de citoyens »
organisées à partir de 1987 par le Teknologirådet (Office danois des
technologies), lesquelles ont permis aux citoyens Danois de fournir des
recommandations sur plusieurs sujets de société liés aux sciences et aux
technologies. Ce modèle, déjà transposé en France avec la « conférence de
citoyens » portant sur les OGM (1998), puis la Convention Citoyenne pour le
climat (2019-2020), et dans une dimension plus sociale avec la Convention
Citoyenne sur la fin de vie (2022-2023), mériterait d’être reconduit, avec
cette fois-ci quelques garde-fous. HT propose de renforcer la prise en compte
des délibérations citoyennes en leur conférant une valeur prescriptive sur 10%
des subventions publiques allouées à la recherche.
Horizon TERRE propose avec la Convention citoyenne un modèle participatif plus ouvert, plus transparent et adapté aux enjeux scientifiques et techniques. Il ne reste qu’à le faire vivre, et certains parlementaires s’y sont déjà engagés.