Connexion
/ Inscription
Mon espace
Tribunes & Témoignages
ABONNÉS
Partager par Linked-In
Partager par Xing
Partager par Facebook
Partager par email
Suivez-nous sur feedly

[Tribune] Robots intelligents : la prochaine frontière industrielle de l’Europe

Par Stéphane Bohbot, Fondateur & CEO d’Innov8 Group.

 

Nous vivons une transition industrielle qui n’est pas encore visible dans nos rues mais qui s’apprête à transformer radicalement nos usines, nos entrepôts, nos hôpitaux et nos villes.

 

Cette révolution n’est pas celle des smartphones, ni celle des réseaux sociaux, ni même celle de l’IA conversationnelle. Elle est celle des robots intelligents : des machines capables non seulement de se déplacer dans un monde humain, mais aussi de comprendre, d’apprendre et d’agir dans des environnements complexes, en interaction constante avec nous.

 

Dans les trois à cinq ans à venir, l’humanoïde intelligent pourrait passer du stade de démonstration à celui d’outil indispensable, comme l’ordinateur personnel dans les années 80 ou le smartphone dans les années 2000.

 

La course mondiale est déjà lancée. Le marché des humanoïdes devrait atteindre quinze milliards de dollars en 2030, contre environ trois milliards en 2025, avec une croissance annuelle de près de 39%.

En Europe, il passera de 500 millions de dollars en 2024 à plus de 3 milliards à cet horizon. Aux États-Unis, Tesla, NVIDIA, Meta ou Apple multiplient les initiatives. En Chine, Unitree, UBTECH, Fourier ou AgiBot avancent à grande vitesse. Pendant ce temps, l’Europe hésite encore à s’engager pleinement.

 

Le vrai défi n’est plus mécanique. Les humanoïdes savent déjà marcher, courir, manipuler, même si cela reste encore limité à des environnements contrôlés. Le verrou, c’est l’intelligence incarnée, cette IA capable d’apprendre de nouvelles compétences sans être réentraînée de zéro, d’adapter ses gestes à un environnement inconnu et de comprendre une instruction floue pour l’exécuter dans le monde réel.

Le point de bascule viendra le jour où un robot pourra recevoir une consigne simple – « apporte cette bouteille à cette personne » – et l’exécuter sans script ni supervision humaine. Des experts estiment que ce seuil pourrait être franchi dans les trois à cinq ans.

 

On parle beaucoup du besoin de données en robotique. Les capteurs et les environnements en produisent déjà en abondance. Le problème est ailleurs : il réside dans les modèles, ces architectures d’IA qui transforment les données en compétences utiles. La plupart sont encore trop spécialisés et exigent un réentraînement lourd pour chaque nouvelle tâche.

 

Contrairement aux modèles de langage, capables de généraliser à partir de briques acquises, les modèles robotiques ne capitalisent pas encore sur leurs acquis. L’avenir dépendra donc de la capacité à concevoir des modèles généralisables, capables de réutiliser des briques universelles comme l’équilibre, la préhension ou le déplacement pour apprendre plus vite et plus efficacement.

 

Face à ces enjeux, l’Europe a des atouts majeurs : la robotique de précision, l’IA embarquée, l’edge computing, la cybersécurité, les normes éthiques et la recherche académique de haut niveau. Mais ces forces restent fragmentées. Aucune région du monde ne peut, seule, couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur. L’Asie excelle dans le hardware, la miniaturisation et la production de masse ; l’Europe dans l’intégration logicielle, la sécurité et les standards industriels. Le futur de la robotique ne pourra être que coopératif.

 

C’est ce que nous démontrons déjà à travers le partenariat entre Innov8 Power et Unitree Robotics.

En associant l’expertise hardware d’un leader asiatique à la valeur ajoutée logicielle européenne, nous construisons des solutions adaptées aux besoins réels du marché. Cette alliance illustre le chemin à suivre : des coopérations équilibrées, où chaque partenaire apporte son savoir-faire, et où l’innovation s’accélère grâce aux complémentarités.

 

Dans les années 80, l’Europe a raté le virage du PC. Dans les années 2000, celui du smartphone.

Rater aujourd’hui la révolution des robots intelligents ne serait pas seulement une erreur économique :

ce serait une perte de souveraineté technologique.

Les robots intelligents ne remplaceront pas l’humain. Ils l’augmenteront. La question est de savoir si nous voulons être spectateurs ou bâtisseurs.

 

L’histoire industrielle ne repasse pas les plats. À nous de saisir cette opportunité, ensemble.

Lire la suite...


Articles en relation