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[Tribune] Manque de considération des métiers du service à la personne

Par Guillaume Richard, PDG du groupe OuiCare, acteur du secteur des services à domicile en France

On n’est jamais mieux servi que par les autres !

Les métiers du « care », de l’attention porté à l’autre, souffrent d’un manque de considération. Qu’elles soient auxiliaires de vie, garde d’enfants, assistantes ménagères, ces femmes (car ce sont essentiellement des femmes) ont des métiers essentiels, mais sont bien souvent invisibles.

Pire, leurs compétences professionnelles ne sont pas reconnues et leur métier se trouve ainsi dévalorisé. Normal, n’importe qui peut le faire.

Telle personne a eu des enfants, elle peut donc s’occuper des enfants des autres.

Telle autre vivait avec ses grands-parents âgés. Elle peut donc s’occuper de nos aînés.

Telle autre est souriante, fiable et surtout très sympa : elle peut donc tout faire !

Car dans le « care », tout savoir-faire est ignoré au profit du savoir-être qui devient l'alpha et l'oméga des compétences nécessaires pour s'occuper d'une personne âgée ou d’un enfant.

A l’instar d’Omar Sy dans "Intouchables" : aucun savoir-faire mais un savoir-être parfaitement adapté à la personne handicapée dont il s'est occupé.

Pourquoi cette négation des compétences ?

Très certainement parce que nous pensons tous que nous sommes les personnes les mieux placées pour s'occuper de nos parents âgés ou de nos enfants, simplement parce que nous sommes et restons les personnes qui les aimons le plus.

Et comme nous ne sommes pas des professionnels de ces sujets, nous nions toute professionnalisation, tout savoir-faire au profit du savoir-être, de l’affectif.

Ce qui fait qu’en tant que particulier employeur, nous pouvons employer toute personne sans la moindre compétence professionnelle, sans le moindre diplôme, du moment qu'il ou elle est sympa.

Ce qui fait également que je peux me transformer en aidant et qu’on m’y encourage. Aucune compétence, mais plein d’amour à donner.

Or, que l'enfant se transforme en unique aidant de son parent, par exemple dans le cadre d'un congé pour le faire, n'est absolument pas souhaitable.

En effet, c'est à la fois psychologiquement destructeur et dangereux pour la personne âgée et pour son enfant.

Ainsi, ce n'est pas parce que notre maman nous a fait notre toilette intime quand nous étions petits que nous devons faire la sienne. L'enfant ne doit pas devenir le parent de son parent. C'est psychologiquement destructeur pour le parent et l'enfant.

Au-delà, c'est dangereux car des compétences professionnelles sont nécessaires dans de très nombreuses situations du quotidien : comment soulever une personne âgée sans lui faire mal ? Comment prévenir une escarre ? Comment réagir devant des situations de violence liées à des pertes cognitives ? …

C’est pourquoi, la meilleure des combinaisons pour le bien-être d'une personne âgée, c'est de confier à un professionnel les gestes et actions techniques, qui nécessitent compétences professionnelles et savoir-faire, et garder pour soi l'affectif, les moments de partage et de convivialité avec ses parents âgés. De même avec un enfant.

Au-delà et surtout, en reconnaissant que les métiers de l’aide à domicile nécessitent de réelles compétences professionnelles et un savoir-faire qui s’apprend, on permettra la reconnaissance de ces métiers. Ce qui ouvrira la voie à une valorisation de ceux-ci. Car si tout le monde peut faire votre travail, celui-ci n’a que peu de valeur et il est légitime de le rémunérer faiblement.

De nombreuses professions ont réussi à démontrer que le particulier n’était pas le meilleur pour réaliser certaines tâches qui étaient mieux effectuées par des professionnels. C’est le cas par exemple de la coiffure : on peut se couper les cheveux ou couper ceux de ses proches, mais le résultat est rarement à la hauteur de ceux qui ont suivi une formation.

Aux professionnels de l’aide à domicile de réussir à expliquer la valeur ajoutée de leurs actions s’ils veulent valoriser leurs métiers et les intervenants qui effectuent les prestations.

Aux pouvoirs publics également de protéger les personnes fragiles en exigeant que ceux qui veulent exercer ce métier détiennent des compétences professionnelles (diplôme ou examen).

Ce qui permettra à la fois un meilleur service et une meilleure reconnaissance de ces métiers, car on n’est jamais mieux servi que par les autres, à condition que ces autres soient des professionnels compétents et valorisés.

Ne faisons donc pas l’économie de la considération et reconnaissons enfin les compétences professionnelles de tous les salariés du « care ».

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