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Covid-19 : des mesures budgétaire nécessaires...

... mais à partir d’un déficit structurel excessif 

Cette pandémie va offrir à la France une parenthèse dans ses engagements européens en matière de respect du déficit public. L’UE a en effet déclenché la « clause de circonstance exceptionnelle » prévue à l’article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012 (TSCG).

Eric Pichet, Professeur et Directeur du MS Patrimoine et Immobilier de KEDGE, analyse ici les comptes enjolivés de l’Etat et estime le coût réel de cette crise sanitaire sans précédent.

Le coût des aides aux entreprises et aux ménages pèsera sur le déficit public qui devrait être proche de 5% du PIB en 2020, au lieu des 3% maximum du PIB imposés par Bruxelles en temps normal et des 3,9% annoncés par Bercy, soit plus du double de la loi de finances 2020 votées… fin décembre 2019 (2,2%).


Un déficit structurel 2020 bien plus élevé qu'annoncé

Pour Paris, ce répit est d’autant plus bienvenu que la Commission européenne s’était inquiétée de la trajectoire du déficit structurel français dans un document de novembre 2019. Celui-ci devait selon Bruxelles se réduire de 0,6% par an pour atteindre l’objectif de moyen terme de 0,4%, alors que le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 l’estimait officiellement stable en 2019 et 2020 à 2,2% du PIB.


Un déficit conjoncturel artificiellement gonflé

Pour estimer le déficit structurel, il faut s’appuyer sur deux notions intermédiaires : le taux de croissance potentiel du pays et l’écart de production.

- Le taux de croissance potentiel du pays est le taux qui correspond à une utilisation optimale des facteurs de production (travail et capital). Depuis quelques années, le gouvernement l'estime prudemment à 1,25% par an, alors que l'impact favorable des réformes du début du quinquennat le rapproche de 1,5%.

- L’écart de production représente l’écart de production accumulé, en pourcentage du PIB, au cours d’un cycle économique. Ainsi en France les dépenses publiques représentant environ la moitié du PIB et l'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB étant à moyen et long terme de 1, un écart de production cumulé sur un cycle de 1% se traduit donc par un manque à gagner en recettes de 0,5%, et donc d’un déficit conjoncturel de 0,5%. En retranchant ce déficit conjoncturel au déficit nominal on obtient finalement le déficit structurel.

En fait, depuis l'entrée en vigueur du Traité qui a complété le Pacte de stabilité en 2012 les gouvernements successifs ont pris la fâcheuse habitude d’enjoliver leur politique budgétaire afin de gonfler artificiellement le déficit conjoncturel car il réduit mécaniquement d'autant le déficit structurel envoyé à Bruxelles.


Quelques retouches sur le budget lors du changement de gouvernement

En septembre 2016, à l'occasion de la présentation du PLF 2017, le gouvernement annonçait un déficit structurel 2014 de 1,1% du PIB pour 2020 (je l’estimais alors autour de 3% du PIB). A l'occasion du changement de gouvernement en mai 2017, Bercy a subrepticement mais significativement corrigé son évaluation en la doublant à 2,2% du PIB dans le PLF 2018.

L’estimation gouvernementale pour 2020 d’un déficit structurel à 2,2% est de nouveau manifestement sous-évaluée comme l’a relevé la Commission européenne qui le chiffre au même niveau que mes calculs, soit plus proche de 3%.


La réalité des chiffres post-crise

Le projet de loi de finances rectificatif présenté le 18 mars 2020 se base sur l’hypothèse optimiste d’un confinement limité à un mois et estime à seulement 11,5 Mds€ les dépenses supplémentaires, soit 0,5% du PIB.

Côté recettes, le gouvernement prévoit, sur la base d’un PIB en baisse de 1% en 2020 contre une prévision en hausse de 1,3% de décembre 2019, un manque à gagner en recettes de 1,2% du PIB et donc un déficit budgétaire nominal pour 2020 de 3,9% alors que des calculs plus réalistes sur la chute du PIB et l’élasticité des recettes au PIB aboutissent à un niveau proche de 5%.

Quant au déficit structurel que le gouvernement estime stable à 2,2% du PIB du fait des circonstances exceptionnelles du moment, il restera sans doute supérieur à 3% soit, avec l’Italie, le pire de la zone euro.

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