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[Découverte] Les insectes recyclent leurs bactéries symbiotiques quand leur bénéfice devient caduc.

Crédits photo : INSA LyonLes insectes ont mis en place une stratégie moléculaire qui leur permet d’ajuster le nombre des bactéries bénéfiques à leurs besoins physiologiques, et d’optimiser le rapport coût/bénéfice de la symbiose. Ils ont "appris" au cours de leur évolution à recycler leurs bactéries symbiotiques, et ils le font proprement ! 

C’est ce que viennent de montrer des chercheurs de l’INSA et de l’INRA dans un article paru le 18 septembre dans Current Biology. Ces travaux menés sur le charançon des céréales ouvrent la voie à de nouveaux moyens de lutte contre ce parasite.

Les résultats des recherches ont démontré que les insectes savent cultiver les bactéries symbiotiques, ajuster leur nombre à leurs besoins physiologiques, et les recycler quand leur bénéfice devient caduc. Ces travaux moléculaires s’ajoutent aux recherches biologiques menées sur le compromis coût/bénéfice établi entre les espèces biologiques associées (symbioses). Ils font écho au message sociétal sur la nécessité du recyclage biologique et l’optimisation des ressources naturelles pour un développement durable. Ils permettent aussi d’imaginer dans le futur de nouveaux moyens de lutte contre les infections bactériennes qui ne reposeraient plus uniquement sur le système immunitaire mais aussi sur la régulation des interactions métaboliques entre notre organisme et les bactéries pathogènes.

Héros de cette découverte : le charançon des céréales Sitophilus

Insecte ravageur des céréales, le charançon est en couverture du journal Current Biology, édition du 6 octobre 2014, et en avant-première dans la version On Line du 18 septembre. On savait déjà que cet insecte d’environ 3 mm vivait en symbiose avec les bactéries présentes dans son organisme. En poursuivant les investigations, cette équipe de chercheurs a maintenant démontré que cette présence bactérienne est régulée par l’insecte lui-même en fonction de ses exigences physiologiques pendant les périodes critiques de son développement.

Etape emblématique : sa dernière mue après laquelle il doit se reconstruire une armure, la cuticule, pour pouvoir affronter les conditions de l’environnement

Enfermé et protégé dans un grain de céréale dont il se nourrit pendant tous les stades larvaires, le charançon effectue ensuite une métamorphose avant de sortir du grain sous forme d’adulte. C’est alors qu’il va pouvoir se reproduire et réinitialiser ce cycle grâce à la ponte de nouveaux œufs dans d’autres grains, expliquant ainsi son pouvoir destructif sur les denrées céréalières. Une femelle peut pondre jusqu’à 300 œufs durant sa vie.

Le charançon doit trouver en grande quantité la matière première à la fabrication de sa cuticule après sa métamorphose en adulte : un acide aminé, la tyrosine, qu’il transforme par la suite en DOPA. Cette brique de construction de la cuticule lui est fournie par des bactéries symbiotiques qu’il domestique en son sein et qui ont la faculté de fabriquer la tyrosine. Dès la mue adulte, le charançon va multiplier de façon impressionnante ses bactéries symbiotiques, et ce jusqu’à l’achèvement de sa cuticule 5 à 6 jours plus tard. Une fois cette mission accomplie, les bactéries deviennent inutiles et leur maintenance coûteuse. S’engage alors un processus de recyclage organique. Dans ce cas précis, c’est la DOPA, molécule médiatrice, qui va en s’accumulant signaler au charançon la fin du processus de formation de la cuticule. Par le biais de l’autophagie (digestion intracellulaire) et de l’apoptose (mort cellulaire programmée), le recyclage de ces bactéries va s’effectuer proprement, sans inflammation, dispersion ni rejet dans l’organisme.

Du métabolisme aux processus immunitaires d’élimination des bactéries

De nouvelles voies dans la lutte contre les insectes ravageurs des cultures peuvent être désormais ouvertes. Après avoir mis en lumière le rôle de la réponse immunitaire dans le contrôle des bactéries symbiotiques chez le charançon (édition du 21 octobre 2011 de la revue Science), l’équipe du Professeur Heddi vient de découvrir que des mécanismes anciens, tels que l’autophagie et l’apoptose, sont impliqués dans l’élimination puis le recyclage des bactéries symbiotiques. Ces mécanismes sont activés par un état physiologique de l’insecte et médiés par des molécules métaboliques. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives de lutte ciblant la symbiose entre l’insecte et sa bactérie. Ces solutions, plus respectueuses de l’environnement, offriront des alternatives aux insecticides et pesticides. 

Sur un autre plan, "l’élimination rapide et sans inflammation de nombreuses bactéries représente un rêve pour la recherche en infectiologie. Ce travail constitue aussi une ouverture conceptuelle dans la lutte contre les bactéries pathogènes : comprendre comment le système immunitaire est connecté à d’autres processus cellulaires et métaboliques, et maîtriser la complexité de ce réseau d’interactions, permettrait d’apporter de nouvelles réponses dans la lutte contre les infections bactériennes", conclut le Professeur Abdelaziz Heddi, directeur de l’UMR INRA/INSA Lyon BF2i.

Références

On Line : Insects Recycle Endosymbionts when the Benefit Is Over, Current Biology 24 6 Octobre 2014.

Aurélien Vigneron, Florent Masson, Agnès Vallier, Séverine Balmand, Marjolaine Rey, Carole Vincent-Monégat, Emre Aksoy, Etienne Aubailly-Giraud, Anna Zaidman-Rémy, and Abdelaziz Heddi 

Biologie Fonctionnelle Insectes et Interactions, UMR203 BF2I, INRA, INSA-Lyon, Université de Lyon, 69621 Villeurbanne, France 

Adresse actuelle : Department of Epidemiology of Microbial Diseases, Yale School of Public Health, New Haven, CT 06520-8034, USA

Remerciements : Ce travail a été soutenu par l’INSA-Lyon, l'INRA, l’ANR-10BSV7-1701101-03 (ImmunSymbArt), et l’ANR- 13-BSV7-0016-01 (IMetSym).

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