Le point de vue de Faïz Hebbadj, Président de Norma Capital.
L’examen du projet de loi de finances pour 2026 a brièvement fait émerger une proposition marquante :
la création d’un « impôt sur la fortune improductive ».
Elle a ouvert un débat
sur la manière dont l’épargne contribue à l’économie, en opposant des actifs
jugés plus ou moins « utiles » à l’activité, voire pas du tout !
Mais derrière cette
distinction, finalement écartée, une question centrale demeure : comment
mobiliser durablement l’épargne des Français pour financer les besoins de long
terme du pays ?
À cet égard, les SCPI
occupent une place essentielle. Par leur nature même, elles financent des
immeubles exploités, génèrent des revenus, soutiennent l’emploi local et
participent à la vitalité des territoires. Elles ne constituent ni une épargne
dormante ni un patrimoine figé : elles transforment directement l’épargne
privée en actifs concrets, durables et utiles. Le débat actuel est donc
l’occasion de rappeler une évidence souvent sous-estimée : les SCPI sont un
outil de mobilisation de l’épargne au service de l’économie réelle.
Selon les dernières
données de l’ASPIM et de l’IEIF (Source ASPIM : Collecte et performance des
fonds immobiliers grand public au 3ème trimestre 2025), le marché montre
d’ailleurs des signaux de stabilisation après deux années de tensions : 1,1
Mds€ de collecte nette au 3ème trimestre (+38% par rapport au 3ème trimestre
2024), 4 Mds€ collectés depuis le début d’année (+18% au 31 octobre 2025) soit
une capitalisation des SCPI qui s’élève à 87,97 Mds€ à la fin du 3ème trimestre
2025. La reprise reste sélective mais elle souligne une réalité : lorsque la
gestion est disciplinée et diversifiée, les SCPI démontrent leur capacité à
traverser les cycles et à être utiles.
En revanche, un
phénomène s’accentue une nouvelle fois. Près de 80 % des investissements du
3ème trimestre ont été réalisés hors de France, non par désintérêt du marché
national mais en raison d’un différentiel fiscal bien identifié : les revenus
fonciers français supportent l’impôt sur le revenu ainsi que 17,2 % de
prélèvements sociaux, tandis que ces derniers ne s’appliquent pas toujours aux
revenus de biens immobiliers situés à l’étranger.
Le résultat est clair : une part majoritaire
de l’épargne française finance aujourd’hui la croissance de nos voisins plutôt
que celle de nos territoires.
Ce constat interroge au
moment où la France fait face à des besoins massifs : rénovation énergétique,
établissements de santé, structures éducatives, infrastructures logistiques,
services aux entreprises. Autant de secteurs où les SCPI investissent déjà, sur
des horizons longs, en finançant des actifs exploités et indispensables au
fonctionnement de l’économie.
Le sujet n’est donc pas
de trancher entre épargne “productive” ou “improductive”. Le véritable enjeu
est de restaurer une cohérence entre les ambitions affichées — flécher
l’épargne vers l’économie réelle — et les incitations fiscales qui produisent
aujourd’hui l’effet inverse.
Rétablir une neutralité
entre investissements français et européens ne reviendrait pas à alourdir la
charge des épargnants. Ce serait, plus simplement, permettre que leurs choix
reflètent une logique économique plutôt qu’un biais fiscal.
Sans cet alignement, la
France continuera de voir son épargne soutenir d’autres économies au moment
même où elle en a le plus besoin.
À l’heure où l’on débat de “fortune improductive”, il serait paradoxal d’affaiblir l’un des rares leviers de financement de long terme pleinement ancrés dans les territoires. Aucune économie ne se construit durablement sans infrastructures, sans emplois locaux et sans capitaux capables de s’inscrire dans le temps long. Les SCPI participent déjà à cet équilibre. Il est temps de le reconnaître.


