L’analyse d'Arnaud
Hacquart, président-fondateur d’Imodirect.
Un marché locatif en
chute libre
Jamais la France n’avait connu une telle dégringolade de l’investissement locatif. Il y a trois ans encore, on comptait près de 60 000 acquisitions dans le neuf ; il n’y en aura qu’environ 10 000 cette année.
Dans l’ancien, les achats sont passés de
150 000 en 2022 à environ 80 000 aujourd’hui.
Cette chute
vertigineuse n’est pas une statistique de plus : c’est l’un des moteurs de la
crise du logement, au moment même où l’accession à la propriété devient hors de
portée pour une part croissante des ménages.
Et le pire est
peut-être devant nous. Parmi les 3,5 millions de bailleurs particuliers qui
détiennent près de 7 millions de logements, nombreux sont ceux qui envisagent
désormais de vendre. Ils redoutent les interdictions de louer prévues par la
loi Climat et Résilience, doutent de pouvoir financer les travaux imposés, et
se sentent écrasés par une fiscalité devenue illisible.
Résultat : l’offre
locative se contracte, tandis que la demande explose. L’équation devient
intenable.
Un statut fiscal pour
restaurer la confiance
Le futur statut de
l’investisseur locatif apparaît dans ce contexte comme un outil de
stabilisation indispensable. Esquissé à l’Assemblée, supprimé, puis rétabli et
enrichi par le Sénat, l’amendement voté dimanche dernier apporte enfin une
vision structurée.
Il prévoit la
possibilité d’amortir le logement : 3,5% par an dans le neuf, 3% dans l’ancien,
avec des suramortissements lorsque le propriétaire pratique des loyers sociaux
ou très sociaux. Il double le plafond de déficit foncier imputable sur le
revenu global, porté à 21 400 euros. Il impose un programme de travaux
représentant au moins 20 % de la valeur du bien pour les logements classés E, F
ou G, avec amortissement à la clé. Il rétablit la possibilité de loger un
ascendant ou descendant, supprimée par les députés.
Rien dans ce dispositif
ne relève du « cadeau fiscal » : c’est un rééquilibrage vital pour éviter la
panne sèche d’un moteur essentiel du logement français. Car l’effondrement de
l’investissement n’est pas seulement une mauvaise nouvelle pour les locataires
: c’est aussi une perte de TVA, de droits de mutation et d’activité pour
l’État, les collectivités et toute une filière économique. Ne pas agir
coûterait beaucoup plus cher.
Moderniser la relation
locative : un chantier oublié
Le rapport
Daubresse-Cosson l’a montré : la crise ne se résume pas à la fiscalité. Des
mesures simples, attendues de longue date, doivent accompagner le statut.
La liste des charges
récupérables, figée en 1987, ne reflète plus la réalité des logements modernes.
La grille de vétusté, pourtant prévue par la loi ALUR en 2014, n’a jamais été
publiée, laissant bailleurs et locataires dans une zone grise propice aux conflits.
Les litiges sur les
dépôts de garantie restent la première source de contentieux : une solution
existe pourtant depuis des années, avec la possibilité de confier ces dépôts à
un tiers de confiance, même hors gestion professionnelle, afin d’objectiver toute
évaluation de dégradation.
Les parlementaires
avaient également recommandé que les administrateurs de biens proposent
systématiquement une garantie contre les impayés, afin de limiter les
situations de blocage qui, relayées médiatiquement, dissuadent massivement les
particuliers d’investir.
À cela s’ajoute une
réalité trop peu évoquée : le risque locatif entre particuliers, qui s’est
fortement aggravé ces dernières années. Loyers non déclarés, dossiers
frauduleux récupérés sur Internet, faux propriétaires, usurpations d’identité,
arnaques aux cautions… La location entre particuliers est devenue une véritable
jungle.
Enfin, les droits des
propriétaires en cas de squat ou d’impayés de mauvaise foi restent
insuffisamment protégés. Le nouveau ministre du Logement, Vincent Jeanbrun, a
exprimé sa volonté de corriger ces failles : il faudra aller au bout.
Une obligation de
résultat
L’enjeu dépasse la
relation bailleur-locataire. La France ne peut se permettre un marché locatif
paralysé : ce sont les étudiants, les jeunes actifs, les familles en transition
et les seniors qui en paient le prix fort.
Le statut de
l’investisseur locatif constitue un premier pas, mais il doit s’inscrire dans
un ensemble cohérent capable de restaurer la confiance, sécuriser les acteurs
et valoriser le rôle des professionnels de l’immobilier, garants d’un marché
sain.
Adosser à l’effet de
levier du crédit immobilier qui offre la possibilité de faire de
l’investissement locatif un moyen de construire son patrimoine pour préparer sa
retraite, protéger sa famille et participer à l’effort national de logement.
Le gouvernement, le
Sénat et l’Assemblée ne travaillent pas seulement à un dispositif fiscal : ils
s’attellent à l’une des conditions de stabilité sociale du pays.
L’heure n’est plus aux intentions : elle est à l’obligation de résultat.


