Par Virginie Saks* et Francois Verrecchia, co-fondateurs de Compagnum, et Mathieu Dejouy, Délégué général du CNER, la fédération des agences de développement économique.
Face à un État central
sur sollicité, les entreprises doivent devenir moteurs de l’attractivité et de
la compétitivité locales
L’Etat a demandé un
nouvel effort aux collectivités territoriales pour le redressement des comptes
publics à hauteur de 4,6 à 4,7 milliards d’euros. L’État central, déjà
fortement sollicité et endetté, ne peut plus - et ne doit plus - porter seul le
financement et la planification du développement des territoires. La solution
réside désormais dans une gouvernance partagée, territorialisée et audacieuse.
Le développement
économique territorial de demain ne se décrète plus depuis Paris : il se
construit directement sur le terrain. Chaque jour, des dizaines de PME et
les ETI françaises contactent directement les territoires pour s’implanter ou
étendre leur site industriel. C’est là que se prennent les décisions
concrètes, que se déploient les projets, que se créent les emplois. Certes,
l’État continue d’orienter de grands projets d’implantation (Business France
pour les investissements étrangers tels que les data centers ou les projets
d’EPR…), mais une fois les grands fonciers négociés, ce sont les collectivités
et les entrepreneurs qui prennent le relais aux côtés de 131 agences
d’attractivité et de développement économique. Mais elles ne sont pas
éternelles… La disparition d’Essonne Développement ou plus récemment de
Solution & Co, agence de la Région Pays de la Loire, soumise aux
restrictions budgétaires, annonce une perte de ressources pour les entreprises
et le développement économique local.
Or, pour les
entreprises, l’investissement local est un actif stratégique au service de leur
compétitivité : elles forment, recrutent, logent localement… Airbus anime ainsi
une plateforme d’offres de logements pour ses jeunes collaborateurs. Lhyfe
ouvre la voie au financement citoyen de l’hydrogène vert, permettant aux
riverains de devenir partie prenante du succès industriel.
Cet engagement local
- en temps et en argent - se traduit par des résultats concrets : recrutements
et rétention des salariés, accélération des projets d’implantation,
raccourcissement des délais d’approvisionnement…. Mais cela ne suffit pas. Le
plus souvent, les actions des entreprises se font en pointillé et ne permettent
pas de relancer le modèle de développement territorial.
Il est temps que les
entreprises, de la PME au grand groupe, jouent un rôle systématique de chef de
file dans la gouvernance territoriale, en tant qu'acteurs à part entière, de la
start-up au grand groupe. Certaines agences fonctionnent déjà en “table commune”
avec les entreprises, permettant de challenger les politiques publiques locales
et d’éviter la logique descendante d’un développement imposé. Sur les
problématiques de recrutement, l’ADIRA, en Alsace, a lancé une démarche
collective de marque employeur territorial. De son côté, Attitude Manche a
expérimenté une approche similaire, démontrant qu’une marque employeur
territoriale forte devient un levier de compétitivité et d’ancrage économique.
A d’autres enjeux,
d'autres outils. Les pactes de filières locales permettent de renforcer les
chaînes de valeur locales et leur performance opérationnelle, ou encore
dynamisent l’écosystème d’innovation aux côtés des structures publiques
classiques (pôles de compétitivité, clusters…) Ces pactes lient les grands
donneurs d’ordre, les PME et les ETI ainsi que les territoires. Les thématiques
évoquées vont au-delà de la création d’emploi ou de valeur économique, jusqu’à
l’attractivité, la mobilité ou le logement. Ils ont une réelle valeur
économique mais aussi citoyenne. A l’heure où la situation politique ne fait
qu'opposer les Français les uns aux autres, les pactes locaux, au contraire,
les rassemblent autour d’enjeux du quotidien qui les concernent tous.
Le CNER, fédération
nationale des agences d’attractivité et de développement économique, agit comme
un véritable trait d’union entre les grands groupes et les territoires. Fort de
partenariats durables avec des acteurs majeurs tels que la Banque des Territoires,
EDF, RTE ou encore Veolia, le CNER crée un espace d’échanges où les stratégies
nationales rencontrent les réalités locales. Ces coopérations permettent
d’adapter les dispositifs d’accompagnement, de mieux comprendre les dynamiques
territoriales et d’accélérer la transition économique et écologique. Les grands
groupes trouvent un partenaire stratégique pour ancrer leurs actions dans les
territoires et renforcer leur impact concret au service du développement local.
Les 13 et 14 novembre prochains à Montpellier, les coopérations seront à
l’honneur au forum annuel du CNER qui s’intitule : faire territoire, faire
alliance.
Le territoire doit
ainsi se penser comme un écosystème économique et social où chaque acteur -
public, privé ou citoyen - contribue à une stratégie commune. La gouvernance
partagée ne doit plus être l’exception mais la règle. C’est ainsi que se
construira un modèle où l’investissement local n’est plus seulement un outil de
compétitivité, mais un levier de cohésion sociale, de résilience économique et
de renouveau industriel. La renaissance des territoires français passera par
cette alliance entre audace entrepreneuriale et vision collective, où chaque
projet, chaque emploi, chaque investissement renforce le tissu local et prépare
l’avenir.
*Virginie Saks est également Directrice exécutive de la filière industrie du futur de l'ESSEC et Senior Advisor de l'ESSEC sur l'industrie.


