Babbel, méthode garantie pour parler une nouvelle langue, lève le voile.
Alors que le monde traverse une crise climatique sans précédent, les préoccupations environnementales n’ont cessé de croître ces dernières années. Les différentes COP (Conférences des Parties) organisées à travers le monde témoignent aujourd’hui de l’importance majeure de ces enjeux. Pourtant, si la lutte contre le réchauffement climatique repose sur des accords mondiaux, le langage joue un rôle crucial : certains concepts clés, souvent anglophones, perdent de leur force ou de leur précision dans la traduction, pouvant ainsi freiner la mobilisation et l'action climatique.
À l’occasion de la COP 30, qui se tiendra
au Brésil du 10 au 21 novembre, les linguistes de Babbel, l’application qui
favorise la compréhension mutuelle par le biais du langage, se sont intéressés
à plusieurs termes liés à l’environnement, passés dans le langage courant mais
dont le sens originel s’est parfois dilué au fil des traductions. Leur objectif
: inviter chacun à les employer à bon escient en redonnant à ces mots leur
signification première.
Noël Wolf, experte
culturelle et linguistique chez Babbel, explique : « Dans la
conversation mondiale sur le climat, les mots que nous choisissons ne sont
jamais neutres. Chaque terme porte en lui une histoire, un poids culturel et
une intention stratégique. Lorsque ces termes franchissent les frontières
linguistiques, leur sens peut évoluer subtilement ou radicalement, parfois en
atténuant l’urgence, parfois en institutionnalisant l’action, et souvent en
remodelant la perception du public. La véritable action climatique repose
autant sur la précision sémantique que sur le consensus scientifique. »
1. “Climate finance”
Le terme anglais « climate finance » associe climate (du grec klima, « inclinaison de la terre », puis
« climat ») et finance (du latin finis, « limite », puis « règlement d’une
dette »). Il désigne donc littéralement les ressources financières mobilisées
pour faire face au changement climatique. En anglais, l’expression garde une
dimension opérationnelle et stratégique, à travers des investissements, des
flux et des mécanismes concrets. En français, « financement climatique » peut
sonner plus institutionnel et technique, ce qui atténue parfois la perception
de l’enjeu politique et structurant du terme en anglais.
- Alternatives en français : Pour rendre l’enjeu plus clair et concret, des formulations comme
«
financements pour la transition climatique », « investissements pour le climat
» ou encore « fonds d’action climatique » peuvent être utilisées, soulignant
davantage l’idée d’action et de transformation.
2. “Carbon neutrality”
L’expression «
neutralité carbone » peut prêter à confusion : étymologiquement, neutralité
vient du latin neutralis, « ni l’un ni l’autre », et évoque un état d’équilibre
ou d’absence de parti pris. Dans le contexte climatique, ce terme suggère une
absence totale d’émissions, alors qu’il s’agit en réalité d’un équilibre entre
émissions et compensations, par exemple par la plantation d’arbres ou l’achat
de crédits carbone. Ce glissement de sens entretient l’idée idéaliste d’un «
zéro émission », alors qu’il s’agit plutôt d’une balance, davantage technique
que magique.
- Alternatives en
français :
Clarifier avec des formules comme « équilibre carbone » ou « zéro émission
nette », qui mettent plutôt l’accent sur le mécanisme d’équilibrage plutôt que
sur une absence totale.
3. “Sustainability”
En anglais, le terme « sustainability » (du latin sustinere, signifiant « soutenir, maintenir ») évoque un équilibre concret entre progrès et préservation. En français, le mot « durabilité » (issu de durabilis, et veut dire « qui peut durer ») prend une dimension plus abstraite, presque institutionnelle, et met l'accent sur la notion de temps plutôt que sur les limites écologiques. Le terme « soutenable » (traduction plus littérale de sustainable), privilégié dans d'autres pays francophones, est plus concret, car il renvoie à ce qui est
« supportable » par
les équilibres environnementaux et sociaux sur le long terme. Cependant,
certains le jugent insuffisant parce qu'il suggère une recherche de la limite
maximale que la Terre peut supporter, plutôt qu'une transformation profonde des
modèles de développement.
- Alternatives en
français :
Privilégier des formulations explicites qui rendent l’intention tangible, comme
: « avancer sans épuiser les ressources » ou « concevoir des modèles à faible
impact ». Ces formulations décrivent l’action plutôt que de s’en remettre à un
seul terme, et permettent de rapprocher le discours français de l’esprit
opérationnel du mot « sustainability ».
4. “Net zero”
Le terme anglais « net
zero » (net, du latin nitere, « lisser, rendre net » puis « net, pur ») et
zero, de l’arabe ṣifr, « rien ») décrit un équilibre entre émissions produites
et compensations, un concept clair pour les spécialistes. En français, la
traduction « zéro net » prête davantage à confusion et peut laisser penser à
une absence totale d’émissions, tout comme le terme « neutralité carbone ».
Cette ambiguïté linguistique est parfois exploitée dans les négociations pour
verdir les discours, montrant comment le choix des mots peut façonner
interprétation et responsabilité.
- Alternatives en
français :
Pour plus de clarté, des formulations plus explicites sont à favoriser, telles
que « équilibre carbone », « zéro émission nette » ou « neutralité nette », qui
insistent sur le mécanisme de compensation plutôt que sur l’éradication absolue
des émissions.
5. “Decarbonisation”
En anglais, « decarbonisation » dérive de de- (préfixe latin signifiant « enlever ») et carbon (du latin carbo, « charbon, carbone ») est un terme clair et mobilisateur, un mot directement associé à la réduction des émissions. En français, la situation est plus complexe : deux termes coexistent, « décarbonation » et
« décarbonisation ». Cette hésitation terminologique crée
une confusion supplémentaire avec « décarbonatation », un terme de chimie qui
désigne l'élimination des carbonates dans l'eau ou le sol, un processus
totalement différent. Cette multiplicité de termes proches rend le concept
moins accessible au grand public et dilue son impact mobilisateur, là où
l'anglais dispose d'un seul terme clair et direct.
- Alternatives en
français :
Afin d’apporter plus de clarté et de mobilisation, il est préférable d’utiliser
des formulations comme « réduction des émissions carbone », « transition
bas-carbone » ou « lutte contre les émissions carbone », plus compréhensibles
pour un public large.
6. “Tipping point”
En anglais, l'expression est un mélange de tip (du vieil anglais tippian, « basculer, pencher ») et point
(du latin punctum, « point, moment précis ») et porte une
charge émotionnelle forte tout en évoquant un danger imminent. En français, la
traduction « point de bascule » ou « point de basculement », bien que
techniquement correcte, reste un terme plus abstrait et scientifique,
principalement utilisé dans les cercles académiques et spécialisés. Cette
dimension technique peut créer une distance avec le grand public et atténuer le
sentiment d'urgence que le terme anglais véhicule spontanément.
- Alternatives en français : Pour plus de précision et d’impact, il est préférable d’utiliser des formulations comme « seuil critique » ou « point de rupture », qui conservent l’idée de danger imminent.


