L’analyse de Fidel
Martin, Président d’Exoé,
La question des taxes douanières, ancien mais toujours redoutable levier de pouvoir, s’impose comme le véritable champ de bataille de la nouvelle économie mondiale. Ce n’est plus seulement une guerre tarifaire : c’est un duel pour l’avenir.
Une double impasse
D’un côté, les États-Unis
brandissent la menace d’un remède drastique : relever brutalement les droits de
douane sur les importations chinoises, jusqu’à 100 % selon certaines annonces.
De l’autre, la Chine impose à son
tour des restrictions ciblées, sur les technologies, les terres rares, les
exportations stratégiques, autant d’entraves au bon fonctionnement des chaînes
globales.
Résultat : une escalade tarifaire
qui ne sert ni le consommateur, ni l’industrie, ni la stabilité géopolitique.
Pourquoi cela
inquiète-t-il tant ?
1. Les chaînes de valeurs mondiales sont en péril. Une taxe sur
un composant ou une matière première peut entraîner une révision complète de la
production, des délais, des coûts.
2. L’effet domino est réel. Quand deux super-puissances
commerciales entrent en confrontation, d’autres pays sont forcés de choisir
leur camp ou de subir les conséquences collatérales.
3. Le risque d’une normalisation de l’« économie de conflit ».
Si faire reposer son commerce sur des menaces tarifaires devient la norme,
alors la prévisibilité et la confiance disparaissent.
Quelles sont les
conséquences ?
• Pour nos entreprises européennes, c’est l’accès aux
marchés, mais surtout l’accès à des fournisseurs et partenaires stratégiques.
• Pour nos consommateurs, c’est un surcoût, une
réduction de choix, et parfois le renoncement à des innovations.
• Pour l’économie mondiale, c’est une fracture
profonde : un monde divisé en blocs tarifaires ; un retour à la logique
confrontation plutôt qu’à celle de coopération.
Quelles seraient les
marches à suivre ?
• Transparence. Chaque mesure
tarifaire doit être explicitée : pour quel but, pour quel secteur, pour quelle
durée ?
• Réversibilité. Les taxes douanières ne
doivent pas devenir des outils permanents de politique économique intérieure,
masqués derrière le bouclier du protectionnisme.
• Dialogue structuré. Il ne suffit plus de «
négocier » dans un sommet ponctuel. Il faut un mécanisme multilatéral renforcé,
permettant de réguler les déséquilibres, d’anticiper les risques et de prévenir
les ripostes.
Je vois trois priorités
immédiates pour l’Europe :
1. Analyser et cartographier les vulnérabilités. Identifier les
secteurs européens dépendants de matériaux critiques ou de chaînes de valeurs
émergentes susceptibles d’être touchés.
2. Soutenir l’innovation locale. Face aux menaces
tarifaires, disposer d’une autonomie stratégique dans certains domaines
(technologies, énergies, production industrielle) devient un impératif.
3. Agir en médiateur. L’Europe peut jouer un rôle neutre mais ferme entre les États-Unis et la Chine.
En prônant la
stabilité, elle protège non seulement ses intérêts mais aussi ceux du commerce
mondial.
Pour conclure, la question des taxes douanières ne relève pas d’un simple ajustement fiscal.
Elle est aujourd’hui
l’arme silencieuse d’une rivalité géopolitique. Et dans ce combat, l’Europe, et
la France, ne sauraient rester spectateurs. Il est temps de repenser le
commerce non comme un terrain de joute bilatérale, mais comme un espace partagé
de prospérité et de stabilité.
Nous ne pouvons pas nous permettre que la taxe douanière devienne la nouvelle frontière invisible qui sépare les économies. Il est trop tard pour reculer ; mieux vaut agir maintenant, avec lucidité, détermination et vision.


