Le point de vue de Silvia
Versiglia, Directrice Juridique chez Orisha Real Estate.
Le secteur immobilier
traverse une transformation majeure. Algorithmes prédictifs, IA générative
capable de créer des visites virtuelles ou de rédiger des compromis de vente…
ces outils redéfinissent le métier et soulèvent des questions juridiques inédites.
Face à ces innovations, qui assume la responsabilité lorsqu’une IA se trompe ?
L’IA générative :
opportunité et vigilance
En 2025, l’IA ne se
limite plus à l’analyse des tendances ou à l’optimisation de la gestion
locative. Elle génère du contenu, conseille les investisseurs et simule des
biens virtuels réalistes. Cette évolution pose une question centrale : l'agent
immobilier qui utilise ces outils reste responsable de tout ce qu'il valide et
diffuse, tant à l'égard de ses clients sur le plan contractuel (article 1231-1
du Code civil), qu'envers les autres parties concernées (acquéreurs potentiels,
candidats locataires, etc.…) au titre de sa responsabilité civile
extracontractuelle (article 1240 du Code civil).
Même si l’AI Act cible
principalement les fournisseurs et développeurs d’IA, les professionnels de
l’immobilier ne sont pas hors de cause. Leur responsabilité reste engagée
lorsqu’ils s’appuient sur l’IA pour estimer un bien, rédiger des documents ou
sélectionner des locataires. La vigilance et le contrôle humain sont
essentiels.
Risques juridiques à
connaître
• Responsabilité algorithmique : un outil d’estimation
ou de rédaction erroné peut avoir des conséquences financières importantes. La
jurisprudence tend à reconnaître une responsabilité partagée, mais le
professionnel doit exercer un contrôle rigoureux.
• Biais et discrimination : un algorithme de
scoring locataire ou d’évaluation immobilière peut discriminer certaines
populations, violant les principes de non-discrimination (loi n°89-462 du 6
juillet 1989). L’utilisateur doit s’assurer que les outils respectent ces
obligations.
• Propriété intellectuelle : les créations générées
par IA (plans, visites virtuelles) posent la question des droits d’auteur. Si
l’IA ne peut être titulaire de droits, la collaboration avec l’humain doit être
documentée pour protéger la créativité et la valeur ajoutée du professionnel.
Recommandations
stratégiques pour 2026
Pour utiliser l’IA en
toute sécurité et limiter les risques :
1. Audit des outils IA : recenser et évaluer
tous les outils utilisés dans l’activité professionnelle afin de comprendre
leurs limites et risques. Un conseil juridique spécialisé est recommandé.
2. Formation continue : sensibiliser les
équipes aux capacités et limites de l’IA, et aux implications juridiques liées
à son utilisation.
3. Contractualisation avec les fournisseurs : vérifier que les
contrats clarifient les responsabilités, exigent des garanties de conformité
réglementaire et des mécanismes de traçabilité.
4. Documentation et traçabilité : tenir un registre des
usages et décisions de l’IA pour démontrer la diligence exercée en cas de
litige.
5. Transparence avec les clients : informer les clients
lorsque l’IA intervient dans l’estimation, la rédaction ou le conseil.
En conclusion, l’agent immobilier est un véritable expert augmenté. En effet, l’IA est une opportunité pour le secteur, mais elle ne remplace pas le jugement humain. L’agent immobilier devient un expert augmenté, capable d’intégrer l’intelligence artificielle dans une relation de conseil responsable, transparente et éthique. Prudence et discernement restent indispensables pour que cette révolution technologique bénéficie à tous.


