Benjamin
Brial, CEO et fondateur de Cycloid, fait le point sur l’essor de l’IA dans
l’ingénierie de plateformes et rappelle pourquoi l’expertise humaine demeure
indispensable.
Ingénierie de
plateforme : pourquoi l’IA ne remplacera jamais l’humain ?
80% des grandes entreprises prévoient d’intégrer l’IA dans leurs processus IT d’ici 2026, tandis que son marché mondial est attendu à plus de 500 milliards de dollars d’ici 2028.
Cette explosion souligne une question cruciale : jusqu’où l’IA va-t-elle transformer l’ingénierie des plateformes ? Car si certains vont jusqu’à prédire la fin de l’humain dans leur conception, leur déploiement et leur gestion, la réalité opérationnelle souligne toutes les limites de l’IA.
Face à des contraintes de robustesse, de sécurité et d’évolutivity, l’humain conserve un rôle indispensable, celui d’arbitre, d’architecte et de maître d’œuvre, afin d’en assurer le fonctionnement, l’évolution et l’optimisation.
Peu de cas d’usage vont
effectivement au-delà d’une simple assistance opérationnelle. Il suffit
d’observer le terrain : la plupart des cas présentés sous l’étiquette « IA
», que ce soit la génération de code, la création d’études de cas ou l’aide à
l’écriture de la documentation, sont déjà couverts par des méthodes plus
robustes, plus simples et plus faciles à gérer.
Oui, l’IA est précieuse
lorsqu’il s’agit d’accélérer certaines tâches, jusqu’au prototypage. Elle se
montre particulièrement efficace lorsqu’elle prend en charge des cas d’étude
récurrents, ou lorsqu’elle sert de levier de productivité.
Mais lorsqu’on passe à
l’échelle de la production, elle souligne toutes ses lacunes : le code
généré est rarement assez robuste, maintenable ou sécurisé, et nécessite
d’importantes reprises manuelles.
L’humain, garant de la
robustesse et de l’évolution des systèmes
C’est particulièrement
le cas dans l’ingénierie des plateformes, un métier complexe, qui va bien
au-delà de l’écriture de quelques dizaines de lignes de code, où la discipline
consiste non seulement à assembler des briques technologiques, mais également à
leur donner un sens, une cohérence globale et une capacité d’évolution. Elle
demande une expérience opérationnelle approfondie, une parfaite connaissance
des cas d’usage métier, et la capacité d’arbitrer des solutions concurrentes
afin d’offrir le maximum de valeur, tant sur le plan technique que business.
S'en tenir à l’IA sans
intervention humaine, c’est courir le risque d’accumuler de la dette technique,
d’accroître la complexité des systèmes et d’éroder vos compétences internes.
Cette expérience, ce regard critique, ce savoir-faire opérationnel sont pourtant
indispensables pour assurer leur pertinence, leur robustesse et leur pérennité
— et donc leur capacité à soutenir l’évolution des métiers sur le long terme.
Concilier innovation et
efficacité avec discernement
Le coût environnemental
et opérationnel de l’IA est lui-même un facteur trop souvent sous-estimé.
Chaque interaction avec un modèle génératif consomme de l’énergie, et lorsque
chaque développeur y a recours quotidiennement, l’empreinte globale prend des proportions
alarmantes d’autant plus dans un contexte déjà complexifié par l’accumulation
des cas d’étude, des déploiements et des outils.
Toutefois, l’IA garde
tout son intérêt en tant que levier d’aide ou d’accélération. Elle pourrait se
montrer particulièrement efficace lorsqu’il s’agit de générer de la
documentation, d’accélérer l’écriture de cas d’étude ou d’assembler des modules
réutilisables pouvant s’intégrer dans une plateforme de développement. C’est un
facteur de productivité et non une solution architecturale en soi.
Le véritable avenir de
l’ingénierie des plateformes appartient donc à l’humain : à sa capacité
d’arbitrer, d’assembler et d’anticiper, en définissant des modèles robustes,
des pratiques opérationnelles évolutives et des abstractions fiables. Oui, l’IA
peut renforcer cette expérience, à condition d'en faire un levier, et non un
substitut afin d’offrir aux équipes toutes les conditions pour innover et
gagner en efficacité sur le long terme.


