L’ACPR attire l’attention des
organismes financiers sur les exigences réglementaires et bonnes pratiques
destinées à prévenir l’utilisation de comptes à des fins de blanchiment du
produit de fraudes ou d’escroqueries.
Dans un contexte de
hausse des arnaques financières et autres fraudes, l’ACPR publie un rapport
identifiant les zones de vulnérabilité exploitées par des acteurs illicites
pour faire transiter par des comptes bancaires les produits de ces opérations
frauduleuses à des fins de blanchiment.
L’étude s’est
concentrée sur la réception sous la forme de virements de fonds suspectés de
provenir d’escroqueries ou de fraudes au cours des années 2022 et 2023, sur une
sélection de treize établissements exposés à ce risque. A la suite de ces
travaux, l’ACPR appelle les organismes financiers, et notamment les banques en
ligne, à rester vigilants concernant l’utilisation de « comptes rebonds » à des
fins de blanchiment d'escroqueries et de fraudes.
Les « comptes rebonds », ou comptes de passage, consistent à utiliser un compte bancaire ou de paiement pour recevoir les fonds d’une victime, avant de les transférer rapidement vers d’autres comptes, notamment ouverts à l’étranger.
Ce mécanisme
de blanchiment permet de dissimuler la destination réelle des fonds et
complique la récupération des sommes (via un rappel de fonds ou une saisie
judiciaire par exemple).
L’ACPR relève que ce
phénomène a augmenté significativement sur la récente période : les
établissements ayant contribué à l’étude ont ainsi fermé en 2023 plus de 70 000
comptes français suspectés d’être des comptes rebonds, qui auraient vu
transiter près d’un milliard d’euros sur leur (courte) durée de vie. Près de 70%
de ces comptes avaient d’ailleurs moins d’un an d’existence.
Le soupçon de
blanchiment d’escroquerie ou de fraude peut découler de la réception d'une
demande de rappel du virement par son émetteur (recall), d'une réquisition
judiciaire ou d'une demande des autorités, ou encore du dispositif interne de
surveillance des opérations de l’organisme.
Les bonnes pratiques et
points d’attention mis en avant par l’étude de l’ACPR traitent plus
spécifiquement du pilotage et de la gouvernance des dispositifs de gestion de
ce risque, de l’identification des clients lors de l’entrée en relation et de
la connaissance des relations d’affaires, puis des dispositifs de surveillance
des opérations et examens renforcés, avant d’aborder la conception des produits
et services.
Conformément à
l’approche par les risques prévue par la réglementation, les organismes
financiers plus particulièrement exposés à ces « comptes rebonds » sont invités
à tirer parti des conclusions de ces travaux pour renforcer leurs procédures et
dispositifs internes, lutter contre ce phénomène et ainsi prévenir
l’utilisation de leurs services par des réseaux criminels à grande échelle. Le
rapport liste pour chaque thématique (entrée en relation, connaissance de la
clientèle, détection des opérations atypiques, etc.), les leviers opérationnels
à mobiliser à cette fin.
Ce rapport a fait
l’objet d’échanges au sein de la Commission consultative Lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) de l’ACPR,
afin de sensibiliser l’ensemble des professionnels aux risques de comptes
rebonds et d’enrichir l’étude de leurs retours d’expérience. Les bonnes
pratiques et points d’attention formulés dans ce rapport s’adressent en
priorité aux organismes financiers particulièrement concernés par ce risque,
mais peuvent nourrir aussi les travaux de la place. Ils seront également
partagés par l’ACPR avec ses homologues européens et internationaux, avec qui
elle coopère activement, cet enjeu majeur dépassant les frontières hexagonales.
Chiffres clés :
En 2022
- Les 13 organismes
financiers sélectionnés pour l’enquête avaient reçu environ 50% du montant des
virements déclarés à la Banque de France par les établissements teneurs de
compte des victimes de fraude aux moyens de paiement.
- Déduction faite de la
part des acteurs étrangers, non supervisés par l’ACPR, ayant reçu de tels
virements, les 13 organismes sélectionnés, supervisés par l’ACPR, concentraient
près de 90% de ces virements suspects.
En 2023
- 661 millions d’euros de virements reçus ont été identifiés a minima comme suspects par les organismes financiers interrogés, soit une hausse de 45% en un an (+204 millions d’euros, par comparaison à
457 millions d’euros en 2022).
- Entre 2022 et 2023, le nombre de relations d’affaires identifiées comme récipiendaires d’au moins un virement suspect a quant à lui augmenté de 31% (de 101 000 à 133 000).



