Le
point de vue de Virginie Saks et Francois Verrecchia, co-fondateurs de Compagnum,
cabinet de conseil et d'étude sur la réindustrialisation.
Doit-on investir dans l’industrie ? Telle est la question que se posent, dans l’intimité, de nombreux élus.
A l’approche des municipales, comment choisir entre des logements,
demandés par les habitants ; de la logistique, demandeuse de foncier à proximité
des grandes agglomérations ; de l’activité économique de type zone commerciale
et artisanale… ou de l’activité industrielle, et dont les effets sur le
territoire ne s'observent qu’à moyen terme ?
Il est vrai que le
choix n’est pas simple. D’abord, parce que certains territoires connaissent mal
leur industrie. Ils disposent de bases de données partielles dans lesquelles
l’industrie se limite à la manufacture - la section C des codes NAF. Dans
laquelle on trouve aussi… le commerce de gros. Mais où l’on ne retrouve ni la
production d’énergie, comme Lhyfe (“licorne” de l’hydrogène vert en Vendée) ni
les bureaux d’étude transformés en start-up industrielle innovante, comme le
Pavé (reconditionnement industriel en Seine-Saint-Denis). Phénomène exacerbé en
Ile-de-France, où il s’avère d’autant plus difficile de cartographier les
usines vs. les sièges sociaux où l’on ne produit rien.
Ensuite, parce que les objectifs sont flous. S’agit-il de créer des emplois, et quels emplois ?
S’agit-il d’occuper des fonciers vacants suite à la crise du tertiaire ? Quelle
place pour l’innovation dans la stratégie industrielle ? Car certaines
situations sont ubuesques : des centres de R&D privés s’implantent sur des
fonciers stratégiques et ne génèrent aucune retombée locale par manque de
connexion au territoire.
Enfin, parce que leurs
administrés comprennent plus aisément des activités telles que l’artisanat, les
zones commerciales ou la production de vin. Premier exportateur mondial,
représentant 80% de la production de vin en Europe, les Français sont attachés
à leurs vignes… et on ne peut pas en dire de même sur l'industrie.
Pourtant, des
territoires tels que Grenoble ou Dunkerque misent des millions sur des
industries très innovantes pour dynamiser tout l’écosystème local. A titre
d'exemple, la collectivité du Grésivaudan investit elle-même dans des
programmes de R&D sur la filière semi-conducteurs, afin de pérenniser
l’emploi industriel et les retombées locales.
Aux territoires qui se
posent la question : quelques clés pour vous mettre le pied à l’étrier :
• Cartographiez votre
industrie,
en particulier les sites de production et le nombre de salariés employés dans
chaque site. Si les bases de données n’existent pas, reconstituez-les avec les
bases SIRENE en élargissant l’industrie aux codes de la production d’énergie,
d’eau et de transformation de matières premières. Ajoutez-y les données de la
CCI, enrichies avec des bases de données privées
• Identifiez vos forces
productives
en prenant de la hauteur sur l’ensemble de vos filières, y compris celles qui
ne sont pas dites industrielles. Tourisme, audiovisuel, tech… et dessinez des
ponts avec vos capacités industrielles
• Sondez les
entreprises locales,
avec au moins un donneur d’ordre et des PME / ETI qui désireuses d’être des
locomotives locales
Et à l’approche des municipales, n’oubliez pas de valoriser les collaborateurs de nos industries… ils votent, eux aussi.


