Par Nicolas Le Provost, Directeur des solutions VR 360 chez Orisha Real Estate.
À l'ère du numérique, la profession de commissaire de justice intègre
des innovations technologiques qui redéfinissent les standards de la preuve.
Parmi elles, la visite virtuelle 360° ne constitue pas une simple amélioration,
mais un véritable saut qualitatif dans la manière de documenter et de présenter
une réalité matérielle. Elle renforce la perfection de la preuve, sécurise la
mission de l'officier public et offre une clarté inégalée à toutes les parties.
Cette évolution s'inscrit parfaitement dans le plan de transformation
numérique du ministère de la Justice, qui vise à rendre la justice "plus
accessible, plus rapide, plus efficace et plus transparente", comme l'a
souligné le Garde des Sceaux lors de sa présentation en 2023.
Une nouvelle dimension pour la preuve : de la fragmentation à
l'immersion
La principale rupture par rapport à un dossier photographique, même
exhaustif, réside dans le passage d'une vision fragmentée à une compréhension
globale et contextuelle.
Là où des centaines de photos exigent un effort mental de
reconstitution, la visite virtuelle offre une immersion instantanée. Elle
permet de saisir immédiatement la disposition des lieux, les volumes et les
relations spatiales entre les objets. Cette appréhension spatiale fidèle et
complète réduit drastiquement les risques d'interprétation erronée ou de biais
de sélection, volontaire ou non, lors de la captation. Le juge ou les parties
peuvent "se rendre" virtuellement sur les lieux, des mois ou des
années plus tard, avec une fidélité inégalée.
Une caméra 360° capture l'intégralité de l'environnement visible depuis
chaque point de captation. Ce principe de capture totale minimise le risque
d'oublier un détail qui pourrait s'avérer crucial par la suite, garantissant
ainsi une documentation visuelle d'une complétude supérieure. L'exhaustivité au
service de l'objectivité et de la sécurité juridique, en quelque sorte.
L'impact de cette technologie dépasse le cadre strictement probatoire.
Comme l'illustre l'initiative pionnière de la Cour d'appel de Lyon, qui a
développé la première visite virtuelle d'une juridiction, cette approche
révolutionne la façon dont les espaces judiciaires eux-mêmes peuvent être
appréhendés et compris.
L'intégrité technique : la force invisible de la preuve 360°
Au-delà de l'aspect visuel, la valeur probante de la visite virtuelle
repose sur des fondations techniques solides qui garantissent son authenticité
et sa traçabilité.
Chaque image 360° est enrichie de données essentielles comme la date,
l'heure de capture et les coordonnées GPS. Cet ancrage temporel et géographique
précis, appelé métadonnées, confère une authenticité incontestable aux éléments
constatés. Ces métadonnées constituent une empreinte numérique unique qui
permet de certifier l'intégrité de la preuve dans le temps.
Les fichiers sources de la visite peuvent être scellés numériquement et
consignés, garantissant qu'ils n'ont subi aucune altération. Cette sécurisation
cryptographique répond aux exigences les plus strictes en matière de preuve
numérique, un enjeu crucial dans un contexte où la fiabilité des constats de
commissaires de justice fait parfois l'objet de questionnements.
La technologie blockchain peut également être mobilisée pour horodater
et certifier l'authenticité des captures, créant une chaîne de confiance
inviolable entre le moment de la constatation et sa présentation devant les
tribunaux.
Un outil au service du commissaire de justice et de la sécurité
juridique
En renforçant la preuve, la visite virtuelle sécurise par extension la
responsabilité du commissaire de justice qui l'établit.
Face à une contestation, le commissaire de justice ne se contente plus
de décrire ; il peut montrer. La visite virtuelle devient le support visuel
irréfutable de ses constatations, lui permettant de "remonter le
temps" pour justifier son analyse. Cette capacité de démonstration
objective constitue un atout majeur dans un environnement juridique où la
contestation de la preuve devient de plus en plus sophistiquée.
L'emploi d'un outil aussi performant atteste de la volonté de précision
et de clarté dans l'accomplissement de la mission. Il facilite également la
collaboration avec des experts et avec les clients, qui peuvent analyser la
situation à distance avec un niveau de détail optimal. Cette dimension
collaborative répond aux nouveaux modes de travail hybrides qui se sont imposés
dans de nombreux secteurs, y compris juridique.
La visite virtuelle 360° permet aussi une meilleure préparation des
audiences. Les avocats peuvent étudier les lieux en détail avant l'audience,
les magistrats peuvent se familiariser avec l'environnement, et les parties
peuvent mieux comprendre les enjeux spatiaux de leur dossier.
Vers de nouveaux usages : le constat augmenté
La visite virtuelle n'est pas une finalité, mais une plateforme
technologique ouverte. Son potentiel réside aussi dans sa capacité à devenir un
véritable dossier interactif. Il est possible d'y intégrer des annotations
contextuelles, des documents complémentaires, des photographies haute
définition de détails spécifiques à leur emplacement précis, ou encore des
liens vers des vidéos explicatives.
Cette approche du "constat augmenté" transforme la visite
virtuelle en un hub d'informations centralisé, intuitif et dynamique. Les
parties peuvent naviguer dans l'espace tout en accédant instantanément aux
pièces du dossier correspondant à chaque zone géographique. Cette indexation
spatiale des éléments probatoires représente une révolution dans l'organisation
et la consultation des dossiers complexes.
L'intelligence artificielle peut également être mobilisée pour
automatiser certaines analyses, comme la détection d'anomalies ou la
comparaison d'états successifs d'un même lieu. Ces outils d'aide à la décision,
encadrés par l'expertise du commissaire de justice, ouvrent de nouvelles
perspectives pour l'analyse probatoire.
Une adoption progressive mais prometteuse
Si la technologie 360° trouve progressivement sa place dans l'écosystème
juridique, son adoption s'accélère grâce à la démocratisation des équipements
et à la simplification des processus de capture. Les coûts de production ont
considérablement diminué, rendant cette technologie accessible même pour des
constats de dimension modeste.
Cette évolution s'inscrit dans une tendance plus large de digitalisation
de la justice, où le numérique devient un levier d'efficacité et de
transparence. La visite virtuelle 360° s'impose progressivement comme un
standard de qualité, particulièrement dans les domaines où la visualisation
spatiale est critique : immobilier, accidents, dégradations, ou encore état des
lieux complexes.
Vers une preuve plus forte et plus transparente
En conclusion, la visite virtuelle 360°, encadrée par la rigueur et le
professionnalisme du commissaire de justice, devient un instrument puissant qui
apporte une meilleure compréhension pour le juge, une plus grande sécurité pour
les parties et une justification renforcée pour l'officier public.
En cela, on peut sans doute considérer qu'elle marque une évolution
fondamentale vers une preuve plus précise, plus transparente et, in fine, plus
difficilement contestable. Cette innovation technique s'inscrit parfaitement
dans la mission de service public de la profession : garantir la qualité et la
fiabilité de la preuve au service d'une justice plus efficace.
L'avenir de la profession de commissaire de justice se dessine ainsi à
l'intersection de la tradition juridique et de l'innovation technologique, où
l'expertise humaine reste centrale mais s'enrichit d'outils toujours plus
performants au service de la vérité judiciaire.
L'évolution technologique ne remplace pas l'expertise juridique, elle la sublime. Dans cette équation, la rigueur professionnelle du commissaire de justice demeure la garantie ultime de la qualité probatoire.


