L’auto-entrepreneuriat,
grâce à des démarches simplifiées et à un régime fiscal allégé, attire un
public très diversifié. Mais qu’en est-il réellement des revenus tirés de cette
activité ?
Pascal Ferron,
président de Walter France et fondateur du site dédié aux auto-entrepreneurs,
MonEntrepriZ, décrypte les enseignements clés du dernier rapport de l’Insee sur
les revenus des indépendants.
Hors agriculture, les
effectifs des non-salariés ont augmenté de 72% entre 2008 et 2022, démontrant
l’engouement des Français pour l’entrepreneuriat, surtout quand il est exercé
en autonomie, sans avoir de salariés à encadrer. Et près de la moitié des
non-salariés étaient, en 2022, des micro-entrepreneurs actifs, atteignant le
nombre de 1,8 million. Le succès de ce statut simplifié s’amplifie d’année en
année malgré les coups de griffes successifs qui égratignent ce statut.
> Des revenus
mensuels modestes mais en progression
Le revenu moyen d’un
micro-entrepreneur actif s’élève à 670 euros par mois en 2022, en légère hausse
par rapport aux années précédentes (+43,7% depuis 2013 en euros constants).
Cette moyenne cache cependant de fortes disparités sectorielles et
individuelles et surtout prend en compte ceux qui sont très proches de
l’inactivité, au moins temporaire.
Dans certains secteurs,
les revenus mensuels moyens dépassent les 900 euros, notamment dans la
construction (920 euros), les activités immobilières, ou encore l’ingénierie et
les services financiers (plus de 1 000 euros). À l’inverse, les micro-entrepreneurs
actifs dans la livraison à domicile, les services artistiques ou l’enseignement
tirent en général moins de 500 euros mensuels de leur activité.
Pour rappel, le statut
de micro-entrepreneur est plafonné par la loi à 72 600 euros HT pour les
prestations de service et à 176 200 euros HT pour les activités commerciales,
permettant à nombre d’auto-entrepreneurs qui exercent leur activité à temps
plein de se rémunérer tout à fait correctement. Le projet de rabaissement de
ces seuils qui avait été envisagé en début d’année est pour l’instant, fort
heureusement, reporté sine die.
> Des écarts de
revenus frappants
Le rapport de l’Insee
révèle un niveau d’inégalité très élevé chez les micro-entrepreneurs : les 10%
des micro-entrepreneurs les mieux rémunérés gagnent plus de 1 750 euros par
mois, tandis que les 10% les moins rémunérés ne dépassent pas 20 euros.
Cette dispersion
extrême s’explique par la diversité des profils. En effet, de nombreux
auto-entrepreneurs exercent leur activité en complément d’un emploi salarié,
pour pouvoir tirer des revenus de leur passion ; il peut s’agir également
d’étudiants qui exercent à temps partiel, de retraités qui complètent ainsi la
faiblesse de leur pension, ou de salariés qui monétisent une partie de leur
temps libre sur une activité passion ou tremplin...
Beaucoup
d’auto-entrepreneurs exercent ainsi à temps très partiel, voire de manière plus
qu’occasionnelle, ou ponctuelle. Les moyennes de rémunération sont, pour cette
raison, peu significatives, et en tous cas difficiles à extrapoler ou même à
comparer aux niveaux de rémunération des salariés.
Parmi les 10%
d’auto-entrepreneurs qui se rémunèrent le mieux, certains qui travaillent à
temps complet, et qui ont opté pour ce statut pour sa simplicité
administrative, et parce qu’ils ont fait le choix de travailler seuls,
exploitent au maximum les seuils autorisés de chiffre d’affaires. Dans ce cas,
ils peuvent atteindre des rémunérations annuelles de 50 à 65 000 euros pour des
cas extrêmes et assez techniques qui se dirigent progressivement vers le
dépassement de seuils.
> L’enseignement et
la culture : des secteurs dynamiques, mais précaires
Certains secteurs
concentrent un grand nombre de micro-entrepreneurs sans pour autant générer des
revenus conséquents. Dans l’enseignement, par exemple, les revenus médians sont
de 350 euros par mois. Dans les arts et spectacles, une part importante des
actifs touche moins de 500 euros mensuels. Ces domaines attirent souvent des
professionnels passionnés ou en reconversion, qui exercent leur activité en
marge d’un autre emploi.
> Un statut adapté
aux débuts, mais pas à toutes les ambitions
L’analyse des données
met en lumière un usage différencié du statut de micro-entrepreneur. S’il
constitue un excellent tremplin vers l’entrepreneuriat pour les jeunes, les
actifs en reconversion ou les retraités en activité partielle, il montre ses
limites dès lors que l’activité se professionnalise. Au-delà d’un certain
volume d’affaires, les seuils de chiffre d’affaires et la fiscalité forfaitaire
peuvent devenir contre-productifs.
Il devient
indispensable dans cette situation de mener une réflexion stratégique sur le
changement de statut, notamment vers l’entreprise individuelle classique ou la
création de société (EURL, SASU), afin d’optimiser à la fois la fiscalité et
les revenus.
> Perspectives et
conseils pour les auto-entrepreneurs
En 2022, trois
micro-entrepreneurs sur dix sont pluriactifs, ce qui démontre que le statut est
souvent utilisé comme complément de revenu. Pourtant, dans certains secteurs à
faible investissement de départ (comme les services numériques ou le conseil),
des revenus stables et durables peuvent être atteints.
Le statut de
micro-entrepreneur reste une formidable porte d’entrée dans l’activité
indépendante, mais il doit être envisagé comme une étape et non une finalité,
en particulier pour ceux qui ambitionnent de vivre pleinement de leur activité.
Pour Pascal Ferron : « Certes, ce statut connaît un réel succès, jamais démenti depuis son origine, mais c’est un équilibre fragile que les politiques ne doivent pas bousculer, surtout par incompréhension. Pour les professionnels qui souhaitent aller plus loin, ils auront tout intérêt à faire appel à des experts qui pourront les conseiller sur le meilleur statut juridique pour prendre la relève du statut de micro-entrepreneur, établir des projections de chiffre d’affaires, de rentabilité et de revenus, et pour une optimisation fiscale et sociale. »