Après une année de
stagnation, la profession se trouve face à un triple défi : composer avec un
environnement instable, redéfinir sa proposition de valeur et affirmer son
utilité sociale.
L’étude de Syntec Conseil 2025 révèle ainsi un écosystème en
pleine recomposition.
Un marché qui stagne,
dans un climat d’instabilité généralisée
L’année 2024 a été
stable pour l’ensemble des sociétés du Conseil et des Études. Un résultat en
demi-teinte, qui doit toutefois être replacé dans un contexte
exceptionnellement porteur post-Covid.
Dans le détail, le
Conseil en stratégie et management affiche une croissance nulle en 2024, tandis
que les sociétés d’études progressent timidement (+1%). Dans le conseil en
recrutement, le besoin reste présent, mais le segment est pénalisé par la
paralysie des PME face aux incertitudes. Cette activité recule de 12% en 2024.
Enfin, le conseil en évolution professionnelle conserve une belle dynamique
(+13%), portée par les transitions numériques, sociétales et réglementaires.
Par ailleurs, les
acteurs interrogés lors de l’étude évoquent une conjoncture fortement dégradée.
L’environnement est décrit comme « mauvais et modifié », marqué par une
accumulation de tensions politiques, géopolitiques, sociales, climatiques et
énergétiques. La notion de « perma-crise » s’impose dans les verbatims : une
succession de chocs devenue permanente. Les clients, eux, font preuve d’une
frilosité extrême, tétanisés face à la décision, malgré la persistance de leurs
besoins. Ce climat anxiogène pèse sur la capacité des entreprises à se projeter
dans des chantiers prospectifs ou de transformation, touchant directement
l’activité de conseil.
2025 : entre espoir de
rebond et vigilance
L’activité globale
attendue en 2025 est quasi stable, même si on note quelques disparités entre
les segments. Le conseil en recrutement prévoit en effet une chute de -10%,
illustrant une forte contraction de la demande dans un contexte de gel des
embauches. Le secteur des études, anticipe, quant à lui, une évolution comprise
entre -2 et +2%. De même, le conseil en stratégie et management table sur une
baisse possible (entre -2 et +1%). Quant au conseil en évolution
professionnelle, qui avait connu une croissance à deux chiffres en 2024, il
prévoit une stabilité en 2025 avec une projection de 0%.
Vers un changement de
posture : l’ère du conseil incarné
Les attentes des
clients évoluent. Ils ne recherchent plus uniquement une expertise
méthodologique ou stratégique, mais un accompagnement humain, incarné, capable
d’agir vite et d’adapter finement les approches. Le Conseil est désormais perçu
comme un levier d’adaptation rapide, un catalyseur d’actions plus qu’un
producteur de diagnostics.
Il est également
attendu sur sa capacité à structurer les projets, à maintenir un cap
opérationnel clair, à renforcer les compétences internes. La personnalisation
devient un impératif : les offres packagées doivent être déconstruites,
réécrites, ajustées en fonction du contexte client. Les livrables sont
challengés sur leur capacité à générer des effets concrets à court terme.
Et, le secteur
s’organise pour répondre à ces nouveaux besoins. Il fait comme toujours preuve
de résilience, démontrant ainsi sa capacité à accompagner les clients, à
transformer ses modèles de service pour intégrer de nouvelles valeurs et de
nouvelles technologies.
Ce que les entreprises
attendent des consultants en 2025 : des livrables courts, actionnables et
business-driven ; un accompagnement incarné, avec des équipes disponibles,
constantes et davantage seniors ; une connaissance sectorielle fine et une
posture de co-construction ; une capacité à s’adapter aux aléas budgétaires
(décalages, redécoupages) ; un équilibre subtil entre industrialisation des
offres et sur-mesure opérationnel.
La RSE devient un axe
stratégique de transformation
En 2025, la RSE n’est
plus un supplément d’âme mais un critère de légitimité, de différenciation et
de compétitivité, désormais totalement intégrée dans les valeurs du conseil. 93%
des cabinets ont ainsi engagé des actions pour réduire l’empreinte de leurs
missions (contre 82% en 2023). 35% disposent d’un comité RSE rattaché à la
direction générale, 70% ont engagé une réflexion sur leur raison d’être, et 17%
sont désormais des sociétés à mission ou en voie de l’être.
L’offre RSE se
structure rapidement : 60% des cabinets disposent d’une offre commerciale dédiée,
37% intègrent systématiquement la RSE dans leurs missions. Le conseil
accompagne ses clients sur des périmètres variés : stratégie bas carbone,
transformation réglementaire liée à la CSRD, gouvernance éthique.
47% des cabinets
détiennent désormais un label ou une certification RSE, et 41% envisagent une
adhésion à la Convention des Entreprises pour le Climat. Ces engagements, bien
qu’encore inégalement répartis, traduisent une prise de conscience réelle. Mais
des tensions émergent : fatigue administrative, manque de dispositifs adaptés aux
petites et moyennes structures, perception ambivalente des obligations
réglementaires.
IA générative : entre
promesses d'efficacité et risques de désincarnation
Après avoir réalisé
leur transformation digitale et celle de leurs clients, les sociétés du conseil
et des études installent l’IA générative dans leurs pratiques professionnelles.
Les outils comme ChatGPT ou Copilot sont intégrés pour gagner du temps sur les
tâches rédactionnelles, la synthèse ou la production de documents. Les jeunes
consultants en tirent un bénéfice immédiat, mais soulignent la crainte d’une
perte d’apprentissage.
La transformation des
organisations est en marche. Certaines sociétés remodèlent leur pyramide :
équipes plus petites, plus seniorisées, mieux outillées. La valeur ajoutée du
Conseil se déplace vers l’interprétation stratégique, la scénarisation, le
recul.
Avec l’IA, la valeur
attendue par les clients est challengée. Ils n’attendent pas forcément une baisse de
prix ou une réduction des délais de livraisons, mais comptent sur une
expertise, « une couche d’intelligence humaine » délivrée par des consultants
qui ont du recul sur leur écosystème. En
sollicitant les sociétés de conseil et d’études, ils espèrent des livrables
encore plus précis : le gain de temps réalisé par l’IA doit être alloué à une
analyse et des recommandations toujours plus poussées.
Le regard des jeunes
consultants
Les métiers du conseil
et des études restent les premiers pourvoyeurs d’emplois pour les jeunes
diplômés. Le métier de consultant est d’ailleurs valorisé à l’entrée :
formateur, responsabilisant, stimulant. Si ce choix de carrières est d’abord un
choix pragmatique, dans la suite logique de leurs études, le métier attire les
débutants pour ses possibilités d’évolution rapide. Au quotidien, la diversité
des missions d’études et de conseil apporte la promesse d’être challengé et
d’échapper à la routine.
En 2025, les attentes
des jeunes demeurent similaires à la croissance soutenue post-covid : formation structurée,
reconnaissance, encadrement accessible, alignement éthique. L’équilibre vie
pro/vie privée devient un critère de choix prédominant, au même titre que la
qualité des missions.
« Le Conseil doit désormais conjuguer impact, agilité et exemplarité. Dans une situation de recomposition permanente, notre rôle n’est plus seulement d’éclairer, mais d’agir aux côtés des entreprises. C’est à cette condition que nous resterons utiles, crédibles et écoutés », conclut David Mahé, Président de Syntec Conseil.