Avis d’Expert par :
- Marina Ple, doctorante au sein du Laboratoire NIMEC de l’IAE de Caen, Université de Caen Normandie
- Mathilde Aubry, Enseignant-chercheur en économie, EM Normandie
- Sabrina Tanquerel, professeur associé, EM
Normandie
Les récents propos de Mark Zuckerberg et Elon Musk dénonçant une prétendue « émasculation » du numérique révèlent une vision dépassée du monde du travail. Loin d’être affaibli par un manque
d’« énergie masculine », le secteur reste profondément
marqué par des normes virilistes et des inégalités persistantes qui freinent
l’épanouissement des femmes et nuisent à la performance des entreprises.
En France, les femmes
ne représentent que 29% des effectifs du numérique et 16% des métiers
techniques, malgré un niveau de diplôme souvent supérieur à celui de leurs
homologues masculins. Leur progression est entravée par des stéréotypes de
genre, des microagressions sexistes et une culture compétitive masculine, qui
fragilise le climat de travail.
Loin d’être « castré »,
le secteur du numérique valorise encore une culture compétitive masculine, qui
met en avant l’endurance, la force et la primauté du travail sur la vie
personnelle. Contrairement à ce qu’affirme Mark Zuckerberg, la promotion d’une culture
d’« agression » et de compétition nuit autant aux hommes qu’aux femmes :
burn-out, harcèlement, perte de motivation et départs anticipés. La recherche
montre qu’un environnement plus inclusif, favorisant la diversité, est un
levier de performance et d’innovation pour les entreprises.
Plutôt que de
promouvoir un modèle dépassé, le véritable défi du numérique est de garantir un
cadre de travail équitable et sécurisant, où les femmes se sentent respectées
et valorisées. Car un secteur où la moitié de la population est marginalisée ne
peut être ni durable, ni performant. Encourager l’accès des femmes aux métiers
du numérique et leur offrir un cadre où elles se sentent respectées et
valorisées ne relève pas d’une démarche idéologique, mais bien d’un enjeu
stratégique.
Le numérique ne s’appauvrira pas en intégrant davantage de femmes. Il ne s’affaiblira pas en abandonnant les modèles de domination et d’exclusion. Bien au contraire, il ne pourra pleinement jouer son rôle moteur dans l’économie et la transformation du monde que s’il s’ouvre à tous les talents, sans distinction de genre.