L’étude « consommation française de produits
agricoles importés : quels impacts, quelles solutions ? », réalisée par le
BASIC, commandée par Greenpeace France, Max Havelaar France et l’Institut
Veblen, montre l’urgence d’un changement de modèle et la nécessité de
régulation
Une étude inédite menée
par le BASIC pour Greenpeace France, l’Institut Veblen et Max Havelaar France
révèle l’impact massif des importations agricoles à destination de la France
sur les droits humains et l’environnement. Derrière des produits du quotidien
comme le cacao, le café, le riz, la banane, l’huile de palme ou encore la
vanille, se cachent des réalités préoccupantes pour les populations, les
écosystèmes des pays producteurs et le climat. Face à ces constats, la mise en
œuvre des réglementations européennes du Pacte vert visant justement à
renforcer les exigences pour les produits importés sur le marché européen,
apparaît comme une urgence ! Pourtant, le débat bat son plein pour baisser leur
ambition avec la proposition du paquet omnibus et la course pour signer
l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur.
Cette étude évalue les
impacts socio-économiques (travail des enfants, travail forcé, niveau de vie)
et écologiques (climat, eau, biodiversité) des principales filières
d’importation agricoles vers la France. Elle analyse également le potentiel de
trois législations européennes essentielles à venir pour améliorer la
durabilité des chaînes d’approvisionnement (déforestation importée, devoir de
vigilance et travail forcé) et a contrario les risques liés à la mise en œuvre
de l’accord de commerce avec les pays du Mercosur.
Des filières
d’importation aux impacts humains et écologiques massifs et négligés
Un système qui perpétue
pauvreté et abus sociaux
● Six filières majeures – cacao, vanille,
riz, huile de palme, sucre de canne, café – concentrent les violations des
droits humains : travail des enfants, travail forcé, salaires indécents.
● Dans ces six filières, les travailleurs
perçoivent moins de 60% d’un revenu vital: vanille, huile de palme, sucre de
canne, jus d’orange, riz, cacao.
● Deux filières
concentrent des impacts majeurs sur l’environnement : cacao et soja ont un
impact important sur le climat, d’importants taux de déforestation et de
pollution des eaux.
Des impacts écologiques
étendus et durables
L’étude met en lumière
les conséquences environnementales majeures de ces filières :
● Climat : Le cacao est la filière la plus
émettrice de CO₂, suivi du soja (importé en grande quantité),
puis du café et de l’huile de palme.
● Déforestation : Trois filières sont
particulièrement concernées : soja, huile de palme et cacao, participant à
faire de ces trois produits les plus contributeurs au changement climatique.
● Eau : Le soja, le riz et le jus d’orange
sont les trois filières les plus consommatrices. Le cacao, le soja et le café
sont les filières les plus polluantes (eau grise), en raison des modes de
production et des volumes importés. La vanille a l’impact le plus important sur
l’eau, rapporté à la tonne produite.
Cas emblématiques de
précarité extrême
● Tomates (Maroc) : Conditions de travail
indignes, notamment pour les ouvrières agricoles, avec des cas d’agressions
sexuelles. Les revenus sont très faibles (65 % du niveau de revenu décent). La
culture sous serre pèse sur les ressources en eau et les écosystèmes locaux,
dans un contexte de sécheresse croissante.
● Soja (Brésil) : Accaparement des
terres des peuples indigènes, cas de violations du droit du travail et de
travail des enfants, discriminations, risques sanitaires. Il est lié à une
déforestation massive dans le Cerrado, à des émissions de gaz à effet (GES) de
serre très élevées et à une consommation d’eau bleue parmi les plus importantes
de toutes les cultures importées.
● Avocat (Pérou, Kenya)
:
Revenus imprévisibles, violations des droits syndicaux, agressions sexuelles,
accaparement des terres. La culture accentue les tensions sur la ressource en
eau dans des régions déjà en stress hydrique.
● Vanille (Madagascar)
: Les
producteurs ne perçoivent que 40 % du niveau de vie décent. La culture est
également très polluante pour les ressources en eau.
● Cacao (Côte d’Ivoire, Ghana) : La culture est la plus liée à la déforestation en Afrique de l’Ouest.
Le cacao
est également une source majeure d’émissions de GES et de pollution des sols.
Marqué par la pauvreté structurelle des producteurs, le travail des enfants et
un accès très limité aux droits sociaux.
● Huile de palme
(Indonésie, Malaisie) : La culture est responsable de la destruction
massive des forêts tropicales, d’émissions de CO₂ importantes et de
pertes de biodiversité. Les conditions de travail y sont souvent précaires :
bas salaires, exposition à des produits chimiques et conflits fonciers.
Les leviers de
transformation : régulations européennes et commerce équitable
Des outils
réglementaires européens à mettre en œuvre sans tergiverser
Trois textes issus du
Pacte vert européen peuvent améliorer durablement les pratiques des entreprises
agro-industrielles et la traçabilité des chaînes d’approvisionnement :
● Le RDUE (règlement contre la déforestation)
● La CS3D (directive sur le devoir de vigilance
des entreprises)
● Le règlement Travail Forcé (interdiction
d’entrée sur le marché européen pour les produits issus de l’esclavage moderne)
L’analyse montre que
ces textes, s’ils sont bien combinés, couvrent l’ensemble des enjeux identifiés
par l’étude. Ils ont un potentiel d’amélioration majeur, à condition que leur
mise en œuvre soit rigoureuse, contrôlée et ambitieuse.
Rejeter l’accord
Mercosur : une menace systémique
L’étude pointe
également les risques majeurs liés à l’accord commercial entre l’Union
européenne et le Mercosur. En l’état, il ne garantit ni la protection des
droits humains, ni celle de l’environnement. Il accentuerait la pression sur
les écosystèmes déjà fragiles et affaiblirait les filières durables.
Les recommandations de
Greenpeace, Max Havelaar France et de l’Institut Veblen
Les trois organisations
appellent les décideurs à :
● Appliquer rigoureusement les textes européens
RDUE, CS3D et Règlement Travail Forcé, sans délais et sans les détricoter
● Rejeter l’accord Mercosur, incompatible avec
les objectifs européens en matière de justice sociale et climatique
● Soutenir activement la certification écologique, sociale et équitable des importations françaises dans les denrées sensibles.