Etude* de l’Observatoire Cetelem de la consommation 2025 : « Consommer en Europe : le plaisir fait de la résistance »
Malgré une succession
de crises sur ces 5 dernières années, la consommation des ménages a bien
résisté en Europe. Se faire plaisir et assurer son confort sont les deux
moteurs principaux exprimés par les consommateurs
La consommation des
ménages influence directement la santé économique d’un pays et tient une place
prépondérante dans les débats sociétaux et politiques, quelles que soient ses
évolutions. Bien que soumise à des injonctions contradictoires, la consommation
demeure une réalité profondément ancrée dans le quotidien des individus. Elle
reflète des choix et des comportements en constante évolution. L’édition 2025
de l’Observatoire Cetelem de la Consommation fait le point sur les moteurs de
la consommation et les paradoxes auxquels sont confrontés les consommateurs.
• Pour 73% des
Européens, la consommation globale a augmenté par rapport à il y a 10 ans.
• La perception globale de la consommation est porteuse d’impressions négatives pour
6 Européens sur
10. Les notions de gaspillage et d’excès sont les marqueurs d’une certaine
culpabilité face aux impacts d’une surconsommation.
• Pour la grande
majorité des Européens, ses moteurs sont le plaisir (70%) et le bien-vivre (67%).
• 9 Européens sur 10
pourraient envisager de consommer moins.
• 6 Européens
interrogés sur 10 jugent ne pas avoir les moyens de consommer comme ils
l’entendent.
• Les Français sont
ceux qui déclarent se restreindre le plus en matière d’achats.
Le moral remonte
doucement en Europe, sauf en France où il est en fort repli
Le moral des Européens
continue à lentement se redresser en 2025, pour la seconde année consécutive.
Ainsi, la note sur une échelle de 1 à 10 pour décrire la situation de leur pays
affiche une très légère hausse à 5,2 points (+0,1 point) et celle concernant
leur situation personnelle se stabilise 6 points. Si tous les Européens
conservent leur optimisme concernant leur situation personnelle avec une note
semblable à la période pré-crise du Covid-19, la France s’illustre comme étant
le seul pays à contre-courant pour ce premier indicateur avec la note la plus
basse : la perception de la situation globale de la France s’établit à 4,6
points cette année, contre 4,9 points en 2024 ; la confiance envers leur
situation personnelle se maintient à 5,9 points.
Au-delà de la tendance
historique des Français à être moins optimistes que la moyenne européenne, ce
résultat met en avant une cassure nette pouvant s’expliquer par le contexte
politique incertain dans lequel le pays a navigué l’an dernier.
Les choses s’améliorent
pour le pouvoir d’achat
Si en 2024, 48% des
Européens estimaient que leur pouvoir d’achat avait baissé au cours des 12
derniers mois, ils ne sont plus que 39% à le penser cette année, tandis que
plus de 50% jugent qu’il a augmenté ou qu’il est resté stable. Même si les
inquiétudes restent vives en France et au Portugal, où respectivement 48% et 43%
des répondants estiment que leur pouvoir d’achat a diminué, ces résultats
marquent un net recul par rapport à 2024, notamment au Portugal (-15 points ;
-7 points en France).
L’augmentation des
rémunérations peut expliquer cette amélioration de la perception du pouvoir
d’achat des Européens. En 2024, les salaires ont en moyenne progressé de 5,4%
dans l’Union européenne entraînant une hausse de 3% du pouvoir d’achat, une
fois l’inflation déduite. Cependant, cela ne compense pas encore la perte de 5%
enregistrée depuis 2021.
La prudence domine les
intentions d’achat
Alors que les experts
économiques sont unanimes pour souligner une maîtrise de l’inflation plus
rapide qu’attendu, les Européens interrogés ne semblent pas partager cet
optimisme. En effet, ils sont 45% à penser que les prix ont « nettement
augmenté » en un an, un chiffre en forte baisse (-14 points sur 1 an, -24
points sur 2 ans). Une fois n’est pas coutume, la perception des Français est
plus mesurée. Ils sont 36% à juger que les prix ont augmenté.
Avec 43% des Européens qui envisagent d’augmenter leurs dépenses en 2025, le contexte de consommation est marqué par la prudence. Les intentions varient toutefois selon les pays :
4 pays revendiquent des intentions consuméristes à la hausse, alors que 6 pays anticipent une baisse.
En France, malgré un résultat inférieur à la moyenne européenne,
les intentions d’achat progressent légèrement pour atteindre 41% (+1 point sur
1 an). Cet indicateur avancé de la consommation des ménages indique que l’année
2025 devrait être marquée par une légère hausse de ce moteur de l’économie
européenne.
L’épargne a toujours la
cote
Depuis 2019, la
majorité des pays connaissent une croissance soutenue des intentions d’épargne.
Cette tendance se confirme en 2025, avec 55% des Européens souhaitant mettre
davantage d’argent de côté, soit une hausse de 4 points par rapport à 2024.
Alors que les intentions d’épargne s’élèvent à 67% en Roumanie, 65% au
Royaume-Uni et 58% en Pologne, elles ne sont « que » de 43% en France (+1 point
sur 1 an) et 47% en Belgique, seuls pays en dessous de la moyenne européenne.
Cette attitude de
précaution s’explique notamment par la volonté de conserver une latitude
budgétaire, alors que les déficits publics ont rarement été aussi élevés,
laissant craindre d’éventuelles hausses d’impôts susceptibles de peser sur le
pouvoir d’achat.
Une consommation
raisonnée, entre maîtrise et plaisir
Une image de la
consommation plutôt négative, surtout au Portugal et en France
Faut-il y voir un lien
avec le sentiment de culpabilité qu’elle pourrait générer, la perception
globale de la consommation est porteuse d’impressions négatives pour 6
Européens sur 10. Cette perception est particulièrement prononcée au Portugal
(76%) et en France (70%). Par ailleurs, le champ lexical qui reflète le mieux
la vision actuelle des Européens sur la consommation traduit ce ressentiment :
elle évoque avant tout le gaspillage (pour 23% des personnes interrogées) et
l’excès (16%). Pour autant, avec une note moyenne de 5,3 sur 10, les Européens
estiment sagement consommer juste comme il faut, ni trop, ni trop peu, tels des
stratèges de la consommation, aux choix mûrement réfléchis.
La surconsommation,
c’est les autres
Pour plus de 7
Européens sur 10 (73%), la consommation a augmenté par rapport à il y a 10 ans,
un constat partagé dans tous les pays, bien que les Français se montrent plus
réservés (66%). Cependant, lorsqu’il s’agit d’évaluer leur propre consommation,
les avis sont plus nuancés : moins de 4 sur 10 (38%) estiment avoir consommé
davantage sur cette même période. Et cette fois, les variations d’un pays à
l’autre sont beaucoup plus marquées : 52% des Roumains et 51% des Portugais
partagent ce sentiment, contre seulement 32% des Français (32%) et 29% des
Allemands (29%).
En résistant à la
surconsommation, les Européens s’inscrivent dans une démarche perçue comme
vertueuse, en lien avec les préoccupations liées au développement durable. Les
sur-consommateurs, c’est forcément les autres. Une posture vertueuse qui
n’exclut pas un sentiment de culpabilité qui empêcherait de déclarer une
consommation personnelle en hausse.
Plaisir et confort, les
moteurs de la consommation
Se faire plaisir et
assurer son confort sont les deux principales motivations d’achat des
Européens, citées respectivement par 84% et 83% des répondants. Le plaisir
passe avant tout par l’évasion : un tiers d’entre eux (33%) privilégient en
premier lieu les voyages et les escapades.
Le budget des
Européens, entre contraintes et fierté
Dans l’ensemble, les
Européens estiment avoir une bonne maîtrise de leurs postes de dépenses, qu’il
s’agisse d’abonnements et de services (85%), d’assurances (83%), de dépenses
contraintes (82%), loisirs (81%) ou alimentaires (79%). Cette gestion du budget
est d’ailleurs considérée comme la principale source de fierté en matière de
consommation (83%), suivie par la capacité à réaliser de bonnes affaires (82%).
Consommer de façon responsable et se faire plaisir obtiennent des scores
similaires (77%), preuve que ces notions peuvent coexister pour les Européens.
Néanmoins, près de 6 Européens interrogés sur 10 (58%) jugent ne pas avoir les moyens de consommer comme ils l’entendent ou doivent adopter des stratégies pour y parvenir. De plus, près de 7 sur 10 (67%) déclarent ne pas disposer de ressources financières suffisantes pour satisfaire leurs envies. Ces contraintes budgétaires ne génèrent pas seulement de la déception, mais aussi de la frustration :
86% des Européens, dont 84% des Français, affirment avoir déjà
ressenti cette frustration qui les a empêchés de pouvoir acheter ce dont ils
avaient envie, et plus de la moitié avouent se restreindre au moins une fois
par mois.
Vers une consommation
plus vertueuse et tournée vers les services
Si la consommation est souvent associée au gaspillage, une grande majorité des Européens interrogés estiment qu’elle reste liée aux notions de plaisir (70%) et de bien-vivre (67%). Cette consommation qui
« fait du bien » semble faire écho à la hausse d’achats
immatériels (43% contre 37% pour les achats immatériels) depuis la sortie de la
crise du Covid-19, notamment les abonnements aux plateformes de streaming, les
services divers et les loisirs.
A noter que les
Français sont ceux qui se restreignent le plus en matière d’achats : seuls 30%
déclarent consommer davantage de biens matériels qu’il y a 10 ans, et 37% pour
les biens immatériels, à l’opposé des Espagnols (41% et 52%) et des Portugais
(46% et 49%).
Malgré une consommation
perçue comme en expansion et synonyme de plaisir, près de 9 Européens sur 10
pourraient envisager de consommer moins, tout en cherchant à préserver leur
qualité de vie (50%). Une autre alternative privilégiée par les consommateurs
interrogés semble être l’idée de consommer différemment, une perspective jugée
réalisable par 74% d’entre eux.
« Pour les Européens, la consommation est soumise à des injonctions contradictoires, entre attraction et répulsion, fierté et honte, envies et contraintes. Pourtant, elle reste largement associée au plaisir et au bien-être. Par ailleurs et en dépit d’un contexte économique peu favorable, les Européens se considèrent maîtres de leurs choix et de la gestion de leur budget. Ils s’adaptent en permanence aux contraintes économiques et font évoluer leurs habitudes de consommation. Le plaisir de consommer reste un moteur puissant pour des Européens qui laissent une place grandissante aux services dans leur budget », conclut Flavien Neuvy, Economiste, Directeur de l’Observatoire Cetelem.
*Etude réalisée dans 10 pays européens auprès de 10 792 personnes, dont plus de 3 000 en France.