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Numérique : où sont les femmes ?

Tribune d’André-Franck Jover, Responsable affaires sociales chez Infotel.

Selon l'étude « Les femmes à l’ère numérique » réalisée pour la Commission européenne, il y a 3 fois plus d'hommes que de femmes dans le numérique en Europe. Le numérique est ainsi l’un des secteurs où la mixité femmes-hommes est historiquement problématique. Le phénomène s’accentue même depuis plusieurs années.

Comment en est-on arrivé là ? Et surtout, comment répondre à ce défi ?


Une sous-représentation des femmes

Dans le secteur du numérique, les femmes manquent à l’appel. Leur présence serait même en régression. De 1972 à 1985, la filière informatique était pourtant la deuxième filière comportant le plus de femmes ingénieures au sein des formations scientifiques. La pénurie d’étudiantes ne se cantonne pas au secteur de l’informatique mais concerne toutes les filières scientifiques, limitant, en matière d’égalité femmes-hommes, l’intérêt des dispositifs de reconversion de scientifiques en informaticiens développés par les ESN.

Les entreprises affichent ainsi souvent des statistiques permettant d’atténuer ce déséquilibre structurel en y intégrant les fonctions support, éloignées du cœur de métier (RH, administration, marketing, communication).

Les raisons expliquant ce phénomène sont nombreuses et semblent remonter dès l’enfance, que ce soit à l’école ou en famille. C’est un défi complexe pour l’entreprise, qui ne peut donc, du moins a priori, traiter la problématique à la source.

La question du sexisme, actuellement mise en lumière dans toute la société, est réelle mais n’est pas propre au numérique. Pour certains, le déséquilibre structurel y accentue toutefois ses effets et le ressenti des femmes. Pour exemple, 53% des femmes en école d’informatique y subissaient du harcèlement en 2017, selon une étude réalisée par Social Builder


De l’entreprise responsable…

Force est pourtant de constater que l’arsenal juridique est lourd. La loi a historiquement été concentrée sur la relation individuelle de travail, entre la salariée et son employeur, via les principes d’égalité de traitement, en particulier en matière de rémunération et de non-discrimination en raison du genre. Plus récemment, le législateur a cherché, sans écarter cette logique contractuelle historique, à rendre visible le sujet de tous et de toutes. Il a été collectivisé via la création de l’action de groupe, lancée pour la première fois en France sur le sujet en 2019 dans le secteur bancaire. Il a aussi été affiché via l’index égalité, qui consiste à noter chaque entreprise sur la question de l’égalité salariale femmes-hommes. Cette note est ensuite affichée aux yeux de tous. Un premier bilan réalisé par le Ministère du Travail confirme la faiblesse générale des entreprises sur la présence des femmes dans les plus hautes sphères de l’entreprise, notamment dans le secteur numérique. En outre, en 2019, une entreprise sur trois n’augmentait pas systématiquement la rémunération des salariés de retour de congé maternité ou d’adoption, témoignant de l’effectivité relative de règles pourtant conçues comme incontournables. En réalité, la mixité en entreprise, en particulier dans le numérique, passera à l’avenir davantage par la création d’une véritable politique holistique sur le sujet. 


…à l’entreprise augmentée

La volonté d’une entreprise, à commencer par sa Direction, en faveur de la mixité ne se décrète pas, elle se construit.

Le schéma traditionnel des actions en la matière vise les collaboratrices de l’entreprise, dans une logique ascendante (promotion professionnelle). Ici, de nombreuses mesures sont possibles : création de revues de potentiels (au féminin) avec identification des talents et propositions de parcours de carrières sur mesure (formations, développement personnel destiné à faire prendre conscience de son potentiel et de ses aspirations, bourse à l’emploi restreinte sur les postes d’encadrement ou de forte expertise…) ; développement de groupes internes d’échanges valorisant les réussites féminines ou traitant de leurs problématiques spécifiques, quotidiennes, etc. Il ne faut pas omettre toutes ces femmes (et ces hommes) qui, sans sacrifier leur carrière, souhaitent concilier vie professionnelle et vie personnelle. Certaines entreprises tentent ainsi de rééquilibrer la « charge familiale » en favorisant l’investissement des pères. Tel est le cas du « Parental Act » tendant à allonger le congé paternité plutôt que d’envisager les traditionnelles « primes à la naissance ». Sur les 300 entreprises signataires, nombreuses sont celles appartenant au secteur du numérique.


S’améliorer encore

A l’avenir, l’entreprise doit concevoir l’égalité femmes-hommes de manière plus globale, en travaillant sur son rôle d’entreprise cliente, consommatrice et citoyenne. Cela peut se traduire par une politique de relations écoles (présence et financement) promouvant celles travaillant réellement sur ce thème, une politique de mécénat ou plus généralement de RSE orientée sur cette thématique. Plus largement, la logique citoyenne amène à concevoir les relations écoles le plus en amont possible, en proposant des initiations aux métiers du numérique au collège et même à l’école primaire.

Dans l’informatique, les entreprises et groupes intègrent de plus en plus dans leurs appels d’offres des critères relatifs à la politique sociale des prestataires de services/sous-traitants, en tenant compte principalement de leurs réalisations en matière d’égalité femmes-hommes (index égalité, accord égalité, mixité des équipes, certification AFNOR…), sans qu’il soit évident de déterminer l’importance de ce critère lors de la détermination des ESN finalement référencées. Dans la mesure où la sous-traitance y est importante et continue à se développer sous diverses formes (indépendants, plateformes, portage salarial…), pourrait être créé, à l’instar de ce qui se fait déjà en matière de handicap, un indicateur valorisant le recours à des prestataires œuvrant concrètement pour l’égalité et la mixité femmes-hommes. On pourrait même aller plus loin en analysant la politique sociale de l’entreprise. L’idée fait ainsi écho à celle d’un futur « index seniors ».                   

Il reste du chemin à parcourir en matière d’égalité femmes-hommes, surtout dans un contexte où la pénurie de talents fait rage et que 191 000 postes seraient à pourvoir sur la période 2012/2022 dans les métiers du numérique selon le scénario de la DARES.

A terme, l’entreprise cliente n’achètera plus une simple prestation informatique mais aussi la manière dont elle est réalisée, comme en atteste le développement du « green IT ». Espérons que le marché, actuellement favorable aux candidats et donc aux enjeux du recrutement, n’occulte pas ces grandes et nobles ambitions pour le numérique de demain.  

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