- Frères et sœurs : ces aidants invisibles que l’avenir
inquiète
- 95% des parents
d’enfants en situation de handicap redoutent l’avenir de leur enfant lorsqu’ils
ne seront plus là.
Qu’en est-il des frères
et sœurs ?
Être frère ou sœur
d’une personne en situation de handicap intellectuel, c’est faire l’expérience
de la différence et de ses richesses. Mais c’est aussi, souvent, grandir et
vivre en assumant progressivement un rôle d’aidant de l’ombre — avec des
conséquences sur sa vie personnelle et professionnelle. Pour certains, c’est
même assumer un double rôle : soutenir leur frère ou sœur tout en accompagnant
un parent vieillissant.
Alors que l’Unapei
appelle actuellement les fratries à témoigner dans le cadre de sa grande
enquête nationale « La Voix des frères et sœurs » (ouverte jusqu’à fin octobre,
résultats en 2026), le réseau d’associations met en lumière, à l’occasion de la
Journée nationale des aidants, l’une de leurs réalités : l’inquiétude pour
l’avenir. À travers ce travail, l’Unapei plaide pour une meilleure
reconnaissance du rôle des frères et sœurs et la mise en place des dispositifs
de soutien aux familles.
Car si cette responsabilité peut peser, elle peut
aussi être une source de richesse et de liens fraternels très forts, dès lors
qu’un accompagnement adapté est présent et que des solutions diversifiées
permettent de choisir son implication.
Quand les parents ne
seront plus là…
Pour beaucoup de
familles, l’avenir est source d’angoisse : qui s’occupera de leur enfant quand
ils ne pourront plus le faire ? L’inquiétude est d’autant plus forte que le
manque de solutions d’accompagnement adaptées est criant. Dans ce contexte, les frères et sœurs
deviennent des aidants à part entière, souvent invisibles.
« On parle de plus en
plus des proches aidants, en particulier les parents, mais on oublie trop
souvent les frères et sœurs. Pourtant, eux aussi sont souvent un soutien
précieux pour les personnes en situation de handicap, eux aussi sont impactés
par la situation, et deviennent aidants principaux après les parents. Pourtant,
ils ne devraient pas avoir à pallier le manque de solutions d’accompagnement
adaptées. Nous voulons leur permettre d’anticiper, de construire leur place et
de rejoindre notre combat pour des accompagnements diversifiés et de qualité.
En tant qu’association représentative des personnes en situation de handicap
intellectuel ou cognitif, mais aussi de leurs proches, nous avons à cœur de
mieux comprendre leurs parcours, leurs besoins et leurs ressentis. Il est
important de porter leurs voix et de les accompagner ! », explique Luc
Gateau, président de l’Unapei.
A l’occasion de la
journée des aidants 2025, l’Unapei donne la parole à celles et ceux qui
s’inquiètent pour leur avenir et celui de leur proche
« Je gère le quotidien
de ma sœur depuis le décès de notre mère : l’administratif, les courses, le
suivi médical… Je tâche toujours d’appliquer son conseil : « tu n’as pas à
prendre en charge ta sœur, mais tu as à en avoir le souci ». L’avenir, ça se
travaille et j’ai toujours fait en sorte que ma sœur fasse partie de la
famille. Nous, les frères et sœurs, nous sommes formatés pour aider les autres
» Andrée,
65 ans, sœur et tutrice de Pascale, 67 ans. Pascale est porteuse de troubles
neurologiques et réside en foyer
de vie.
« Ma sœur est
accompagnée par des professionnels, mais je reste toujours présente. J’ai
toujours une pensée dans ma tête, je me demande si elle va bien ou si elle a
besoin de quelque chose. Mes parents sont décédés jeunes, nous n’avons jamais
parlé de l’avenir, mais ils avaient tout anticipé. Ils ont toujours tout géré.
De mon côté, être sa sœur m’a aussi conduit à choisir mon métier. J’ai toujours
voulu soigner et je travaille auprès de personnes âgées » Audrey, 44 ans,
sœur d’Anne, 48 ans. Anne est porteuse d’un trouble du développement
intellectuel. Elle travaille aujourd’hui en ESAT et réside en foyer
d’hébergement.
« Je soutiens mon frère
dans son quotidien. J’essaie de le stimuler, de lui faire raconter sa journée
en détails, de faire des activités qui changent. Je pense souvent à l’avenir,
même si mes parents anticipent. Toutes mes ambitions sont liées à Simon. Je ne
peux pas vivre à l’étranger, car je veux être là en cas de besoin. Je parle peu de mes craintes et de mes
projets à mes parents pour ne pas les inquiéter, et parce que beaucoup de
choses peuvent changer d’ici là » Carla, 23 ans, sœur jumelle de Simon, qui
est porteur d’autisme et du X fragile. Il travaille à l’ESAT et vit chez ses
parents.
« Aujourd’hui, ma sœur
a trouvé un équilibre et s’épanouit. Nous arrivons à une relation où je ne suis
pas tout le temps à l’épauler, à stresser, ou à gérer les aspects médicaux.
Cependant, je ne peux pas m’empêcher de penser à l’avenir : que va-t-il se passer
quand elle ne sera plus à l’ESAT ? Au foyer de vie… ? Au départ des parents, un
glissement de fonction dans la cellule familiale s’opère. Pour moi, être frère,
c’est toujours avec sa sœur dans un coin de sa tête » Clément, 41 ans, frère
de Domitille, 35 ans. Domitille est porteuse de trisomie 21. Elle travaille à
l’ESAT et réside en foyer de vie.
« J’ai toujours pensé à
l’avancée en âge de mes parents, mais nous n’en parlions pas. C’était un tabou,
ce qui rendait difficile l’anticipation. Tout était pourtant préparé pour le
changement de vie de Patrick, mais je n’étais pas au courant. Au décès de mes
parents, j’ai pris le relai. J’ai d’ailleurs adapté mon parcours professionnel
pour être plus proche de lui. Aujourd’hui, mon frère vieillit et régresse. Ma
principale inquiétude pour l’avenir est son vieillissement avec les
anticipations nécessaires » Jean-Luc, 65 ans, frère et tuteur de Patrick, 60 ans.
Patrick est en situation de handicap intellectuel. Il réside au sein d’une
Unité pour Personnes Handicapées Vieillissantes.
« En tant que mère, je pense constamment à
l’avenir… Que se passera-t-il demain si mon fils rencontre un quelconque
problème ? Mon frère est lui aussi en situation de handicap. Plus jeune, il n’y
avait aucun pont entre mon frère et le monde. Ce pont était difficile à faire
seule. Aujourd’hui, je vois ma fille le faire et je suis fière d’elle » - Perrine, 43 ans,
mère de Maxime 14 ans, autiste, et Lisa 10 ans. Perrine est également sœur de
Benoit, 47 ans, autiste.
« Juliette ne parle
pas, mais nous avons toujours eu une véritable relation fusionnelle. J’ai quitté la
maison pour mes études. C’était difficile pour tout le monde, mais je serai
toujours là pour l’aider. Je pense parfois au jour où mes parents ne seront
plus là : est-ce que je devrai la prendre sous mon aile ? Même si j’essaie de
ne pas y penser, cette question trotte dans la tête de tout le monde » Valentine,
19 ans, sœur de Juliette, 15 ans. Juliette est porteuse d’une maladie génétique
rare.
« Au sein de notre
famille et avec mes trois enfants, le handicap n’a jamais été un sujet tabou.
Le sujet le plus difficile, c’est l’avenir. L’avenir s’anticipe et se discute à
plusieurs. Nos enfants nous disent qu’ils seront là mais nous voulons aussi que
chacun puisse avoir sa vie. Je veux qu’ils soient là comme des frères et sœurs,
pas comme des aidants » - Christine, 65 ans, mère de Romain, 37 ans. Romain est
porteur du Syndrome de Williams et Beuren. Il travaille à l’ESAT et vit en
foyer d’hébergement.
Si l’inquiétude pour
l’avenir est omniprésente, il est essentiel de rappeler aussi que, pour
beaucoup, le handicap au sein d’une fratrie constitue une richesse. Ces liens
particuliers peuvent être source de solidarité, de sens et d’épanouissement, à
condition que les frères et sœurs bénéficient du soutien et de l’accompagnement
nécessaires.
L’Unapei demande plus
de reconnaissance, de soutien et une véritable palette de choix pour les frères
et sœurs de personnes en situation de handicap
Être frère ou sœur
d’une personne qui a besoin d’accompagnement permanent peut être une richesse,
mais aussi une contrainte. Dans tous les cas, cela entraine de grandes
responsabilités.
Afin de permettre à
chacun de vivre au mieux cette relation, l’Unapei demande à ce que des
dispositifs soit mis en place pour :
• Reconnaitre que la qualité de vie de la
personne en situation de handicap dépend aussi de la qualité de vie de ses
proches – et réciproquement.
• Assurer un soutien dédié aux fratries
(recueillir leur parole, reconnaitre leur expérience, proposer des soutiens
concrets…).
• Permettre le libre choix des frères et sœurs
en anticipant la question du relais, en garantissant des accompagnements de
qualité pour leur proche …
• Donner aux frères et sœurs les moyens
d’anticiper et de s’engager pour ne pas subir la charge quand les parents
disparaissent, en leur permettant de construire leur place et de rejoindre le
combat pour des accompagnements adaptés
Quelques initiatives
existent mais l’Unapei déplore le manque de financement pour des solutions
concrètes
En effet, certaines
associations tentent de lancer des dispositifs dédiés, l’Unapei déplore le
manque de solutions d’accompagnement adaptées qui soulageraient les parents et
les futurs aidants. Quelques exemples :
• Les papillons Blancs de Lille : L’association a
développé une plateforme d’accompagnement et de répit des aidants, intégrée à
la Maison des Aidants Lille–Roubaix–Tourcoing. Elle propose un accueil
individualisé, de l’information, un accompagnement psychologique et des temps
de partage entre pairs, tout en offrant des solutions concrètes de répit
(relayage, accueil temporaire, suppléance à domicile, séjours-vacances).
L’objectif : alléger la charge des aidants, favoriser le lien social et leur
permettre de souffler tout en restant accompagnés.
• L’Adapei 91, en union avec l’ADPEP 91 est partie prenante du
dispositif inter-associatif
« RAISONNE ». L’objectif est de mobiliser un réseau
de bénévoles pour venir en aide aux familles/ aidants, sur plusieurs domaines :
répit, trajets quotidiens, soutien administratif ou autre.
• L’Adapei de la Corrèze a mis en œuvre une
plateforme départementale « HOLA » - Halte Orientation Lien pour les Aidants en
collaboration avec le conseil départemental, qui deviennent de véritables lieux
d’échange et de soutien.
• L’Adapei 29 a développé un
dispositif de soutien aux parents pour anticiper le jour ou ils ne seront plus
là. Ce dispositif permet aux parents d’aborder cette question de l’après avec
leurs autres enfants pour que chacun soit respecté dans ses choix.
Après avoir donné la
parole aux parents aidants dans son étude « La Voix des parents », l’Unapei
renouvelle l’expérience pour les frères et sœurs adultes ayant un membre de
leur fratrie (ou plusieurs) porteur de troubles du neurodéveloppement, en
situation de polyhandicap ou handicap psychique, quel que soit son âge.


