Chaque année en France, près d’un tiers des aides techniques médicales (béquilles, fauteuils roulants...) sont jetées après moins d’un an d’utilisation. Résultat : plus de 60 000 tonnes de déchets évitables, alors même que des milliers de personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie sont confrontées à des difficultés d’accès à un matériel pourtant vital, car trop cher sur le marché du neuf.
Une alternative existe : l’économie circulaire grâce au réemploi des aides techniques dans des conditions de sécurité et de qualité strictes, telle que développée par le projet Libel’Up. C’est tout l’enjeu du décret n°2025-247 du 17 mars 2025, qui autorise pour la première fois le remboursement des dispositifs médicaux remis en bon état d’usage. Mais à ce jour, les textes d’application manquent. La filière du réemploi en santé peine donc à émerger malgré des besoins largement identifiés.
Libel’Up : une filière
circulaire en santé déjà opérationnelle dans les Hauts-de-France
Impulsée en 2022 par
Eurasanté, l’initiative Libel’Up structure une chaîne locale de réutilisation
des aides techniques, de la collecte à la remise en bon état d’usage. Pour la
redistribution, Libel’Up s’appuie sur les professionnels de santé (distributeurs
et pharmacies) dont c’est le cœur de métier, en misant sur leur capacité à
proposer à leurs clients (particuliers, établissements sanitaires et
médico-sociaux) des offres combinant matériel neuf et reconditionné, en
fonction des disponibilités. Sur le plan économique, le prix moyen de revente
des aides techniques reconditionnées par Libel’Up est inférieur d’environ 40%
au prix neuf (HT), avec des écarts encore plus marqués pour certains
équipements très complexes comme les fauteuils roulants électriques dans le
viseur d’une nouvelle réglementation. Plus de 7 000 dispositifs ont déjà été
collectés et redistribués à plus de 1 000 bénéficiaires localement. « Le
décret du 17 mars 2025 est une avancée majeure. Mais sans une application
concrète sur le terrain, il restera une promesse non tenue. Les solutions
existent, les acteurs sont prêts. Ce qu’il manque, c’est une volonté politique
partagée et un cadre clair d’application », déclare Etienne Vervaecke, Directeur
Général d’Eurasanté.
Les priorités pour
réussir la réforme du réemploi des aides techniques
Pour que cette réforme
ne reste pas lettre morte et que le remboursement des aides techniques remises
en bon état d’usage devienne une réalité durable, Libel’Up appelle les pouvoirs
publics à agir sur cinq leviers essentiels :
– Equité d’accès : intégrer l’ensemble
des dispositifs réemployés dans les listes remboursables, au-delà de quelques
catégories, afin d’encourager l’innovation et garantir les mêmes droits pour
tous ;
– Incitation financière
:
fixer des taux de remboursement attractifs, au moins équivalents à ceux du
neuf, pour reconnaître les bénéfices environnementaux, économiques et sociaux
du réemploi ;
– Reconnaissance
réglementaire :
doter la filière d’un cadre normatif clair, fondé sur la norme AFNOR NF
S97-414, assorti de précisions sur les exigences de certification et de
responsabilité liées à la remise en bon état d’usage (RBEU). Ce cadre devrait,
vraisemblablement, reconnaître la validité du marquage CE initial lorsque les
dispositifs sont reconditionnés sans modification, dans le respect des
recommandations des fabricants ;
– Responsabilité des
fabricants :
imposer des obligations de réparabilité et d’accès aux pièces détachées dès la
mise sur le marché, afin de prolonger la durée de vie des équipements et d’en
faciliter la réutilisation ;
– Rôle des distributeurs : impliquer les distributeurs dans la filière du réemploi en les rendant responsables des demandes de remboursement, comme c’est le cas dans le circuit du neuf.


