La
SunTech, la Fédération Nationale de l’Énergie Solaire (FNES), et plus de 200
entreprises du secteur tirent la sonnette d’alarme face au projet d’arrêté.
Derrière une volonté affichée de soutenir le solaire, ce texte risque en
réalité de rendre son accès plus difficile.
En effet, la réduction
de TVA à 5,5% ne sera accordée qu’aux panneaux respectant de nouvelles normes
environnementales très strictes. Or, très peu de panneaux disponibles
aujourd’hui y répondent. Résultat : une promesse non tenue, une offre limitée,
et un risque de pénurie. Cela menace toute une filière déjà fragilisée, avec
des projets retardés et des stocks entiers de panneaux qui deviendraient
inutilisables.
De plus, la suppression
des aides pour le stockage et le pilotage de l’électricité va à l’encontre d’un
objectif essentiel : optimiser le plus possible la consommation de sa propre
énergie. Au final, cette mesure ne garantit ni des prix plus attractifs pour
les particuliers, ni une véritable liberté d’accès à l’énergie solaire.
Une mesure attendue…
mais inaccessible pour la majorité
En février dernier,
l’État annonçait une baisse des aides au solaire, en contrepartie d’une
promesse : rendre les installations plus accessibles grâce à une TVA réduite à
5,5% (contre 20% aujourd’hui), applicable dès le 1er octobre 2025 pour les
installations résidentielles jusqu’à 9 kWc équipées de système de pilotage de
l'énergie ou de batteries.
Cette baisse de TVA,
qui n’est pas une subvention, est une diminution de taxe qui devait permettre à
davantage de foyers de devenir producteurs de leur propre énergie et de se
prémunir de la précarité énergétique.
Mais le projet d’arrêté
publié introduit des critères techniques si restrictifs que seule une infime
minorité de panneaux y répondrait, voire qu’un monopole s’installerait avec un
unique fabricant, pendant une période transitoire dont la durée reste inconnue.
Quant à l’argument du
panneau solaire français, il apparaît qu’en fixant des critères techniques
aussi challengeant on puisse au contraire favoriser une dominance asiatique,
aujourd’hui mieux outillée pour atteindre ce défi. La promesse initiale aurait à
contrario permis de compenser le prix d’un panneau solaire français. Dommage
quand on sait qu’il sera bientôt sur notre sol !
Pourquoi est-ce
problématique ?
Le texte ne regarde que
la composition des panneaux (plomb, argent, cadmium, carbone), des critères
encore jamais égalés sur le marché. Si,
à terme, les fabricants pourraient évoluer pour s’y conformer, cette exigence
pose un problème immédiat : tous les panneaux déjà produits et achetés par les
installateurs deviendraient invendables, car déclarés inéligibles. Il faudrait
ainsi considérer une période transitoire pendant laquelle les acteurs
pourraient s’adapter.
Concrètement, cela
signifie des stocks entiers de panneaux mis de côté, un gaspillage massif de
matériel pourtant fonctionnel, et des prix trop élevés pour les particuliers.
La FNES a rencontré
Jean-Luc Fugit, le Président du Conseil Supérieur de l'Energie, qui a été très
sensible aux arguments avancés. La filière solaire vient de proposer
conjointement des amendements qui permettraient de corriger cette situation,
tout en maintenant un véritable défi d’innovation et une incitation forte à
développer le solaire français. Ces propositions pourraient être soutenues par
le Conseil supérieur de l’énergie, à condition que le gouvernement les entende.
Une instabilité
politique qui freine la transition
Cette annonce survient
dans un contexte déjà difficile :
• PPE (Plan Pluriannuel de l’Énergie) en
attente depuis deux ans : cette feuille de route essentielle n’a toujours pas été
publiée, plongeant la filière dans l’incertitude ;
• Février 2025 : baisse des aides de
l’État, justifiée par un “soutien devenu inutile car le solaire est rentable”,
promise d’être compensée par une TVA réduite. Une annonce précoce qui causa
finalement des annulations de commandes ;
• Printemps 2025 : proposition de loi
Gremillet, qui prévoyait un moratoire, sans aucune justification technique
tangible, sur l’éolien et le solaire, finalement rejetée par l’Assemblée,
créant de mauvais signaux injustement et qu'il faudra gommer.
• Septembre 2025 : vote de confiance de
François Bayrou, qui risque de repousser voire d’annuler l’entrée en vigueur de
la TVA réduite pourtant promise précédemment ;
• Déplacé au 4 septembre 2025 à la demande de
la FNES :
examen de l’arrêté au Conseil supérieur de l’énergie, mais au final, c’est le
gouvernement qui tranchera.
Résultat : le marché du
solaire a déjà reculé de 35% par rapport à l’an dernier. Et pourtant, la
filière a créé plus de 50 000 emplois en trois ans, passant de 16 000 en 2022 à
67 000 en 2025.
Le solaire : une
énergie compétitive, pilotable et accessible
Contrairement aux idées
reçues :
• Le solaire est fiable et pilotable grâce au
stockage par batteries et aux systèmes intelligents de gestion de l’énergie.
• Il est déjà l’énergie la moins chère : 30 à
60 €/MWh contre 100 à 120 €/MWh pour le futur nucléaire (ADEME, 2024).
• Plus de 250 000 foyers sont déjà équipés et
voient leur facture baisser de 20 à 40% en moyenne.
La filière du solaire
appelle à une révision urgente
Les acteurs de la
filière appellent à un ajustement immédiat afin que la TVA réduite soit
véritablement opérationnelle et profite pleinement aux Français. C’est une
question essentielle pour la crédibilité de la France dans sa transition
énergétique, sa souveraineté, la préservation de milliers d’emplois et le
pouvoir d’achat des ménages.
Cet arrêté doit être
révisé pour :
• Permettre l’accès effectif et simplifié au
taux de TVA réduit à 5,5% pour les ménages,
• Soutenir une filière créatrice d’emplois et
d’innovations,
• Préserver la crédibilité de la France dans
ses engagements climatiques et industriels.
Verbatims
Paul de Préville,
cofondateur d’Ensol et porte-parole de la SunTech : « Cet arrêté envoie un
signal dangereux. Il est rédigé de telle sorte qu’une minorité de panneaux
puisse y répondre. Nous parlons d’une mesure qui devait rendre le solaire plus
accessible aux Français, et qui au contraire risque de le rendre hors de portée.
»
Floriane de Brabandère, présidente de la Fédération Nationale de l'Énergie Solaire (FNES) :
« La réindustrialisation du solaire, on en rêve tous ! Mais ici, on confond vitesse et précipitation en conditionnant la promesse faite aux français à une solution qui n’est pas encore suffisamment accessible. C’est aller contre l’intérêt général des français qui décalent leurs commandes depuis des mois tandis que les entreprises d’installation se voient mourir. Quand ils seront là, nous n'aurons plus personne pour les installer ! »


