Par Jules
Bellon, Doctorant en science des matériaux, Feriel Bacoup, Chargée de
recherche, et Gattin Richard, Responsable équipe agroalimentaire
agro-industrie,
tous trois chez UniLaSalle.
Et si, au lieu de les trier pour les recycler, on pouvait simplement jeter ses emballages plastiques au compost, avec nos déchets organiques ?
Les plastiques biodégradables
semblent la meilleure solution pour réduire la pollution produite par ces
matériaux. La biodégradabilité de ces matériaux doit cependant encore être
améliorée dans ces conditions.
Ils sont partout, et
rien ne semble les arrêter. Les plastiques ont envahi notre quotidien, nos
paysages… et même nos organismes. Depuis les années 1950, la production de ce
matériau à la fois pratique, polyvalent et bon marché a explosé. Aujourd’hui,
tous les secteurs y ont recours : emballages, vêtements, objets du quotidien,
instruments de musique, dispositifs médicaux… jusqu’aux cœurs artificiels, dont
certaines parties sont désormais faites de plastique.
Face à cette
omniprésence, le recyclage tente de limiter l’impact environnemental, mais il
reste insuffisant. Le plastique s’accumule dans les océans en d’immenses
plaques flottantes à la dérive, mais aussi de façon invisible sous forme de
micro – et nanoparticules que nous ingérons en mangeant, en buvant, ou en
respirant.
Contre cette pollution massive, il existe des leviers d’action, parfois méconnus, qui méritent toute notre attention. Parmi eux : les plastiques biodégradables, à condition de leur offrir des conditions de fin de vie réellement adaptées.
Des matériaux qui se
dégradent rapidement
À l’image de la
cigarette, le meilleur plastique est sans doute celui qu’on ne consomme pas.
Mais dans certains cas, il reste difficile de s’en passer complètement. Prenons
un exemple courant : les barquettes de viande en supermarché. Leur emballage
plastique protège les aliments des contaminations microbiennes et prolonge leur
durée de conservation, limitant ainsi le gaspillage alimentaire.
C’est dans ce contexte
que les plastiques biodégradables prennent tout leur sens. Bien qu’ils soient
souvent issus de ressources renouvelables – végétales ou microbiennes – ce
n’est pas toujours le cas : un plastique peut être biodégradable sans être biosourcé,
et inversement. Pour les plastiques biosourcés, leurs constituants élémentaires
peuvent être extraits, par exemple, de l’amidon contenu dans les grains de blé.
D’autres, comme les polyhydroxyalcanoates (PHAs), sont synthétisés directement
par certaines bactéries en tant que réserves d’énergie. Ces polymères sont déjà
utilisés aujourd’hui pour la fabrication de pailles ou de vaisselle à usage
unique.
Contrairement aux
plastiques conventionnels, qui peuvent persister pendant des siècles dans
l’environnement, ces matériaux sont conçus pour se biodégrader plus rapidement.
Ils ont la capacité de se décomposer en éléments naturels (eau, dioxyde de
carbone, biomasse) sous l’action de micro-organismes, à condition que les
bonnes conditions de température, d’humidité et d’aération soient réunies.
Comme tous les plastiques, ils sont constitués de chaînes de molécules
attachées entre elles. Mais dans les plastiques biodégradables, ces liaisons
chimiques sont plus fragiles, notamment les liaisons dites esters ou
glycosidiques. Cela les rend accessibles à des micro-organismes capables de les
dégrader, en les utilisant comme source de carbone et d’énergie. Dans les
bonnes conditions, ce processus permet d’éviter la formation de micro – ou
nanoparticules persistantes.
En comparaison, les
plastiques conventionnels ne sont pour l’instant recyclés qu’en faible
proportion. Et contrairement au verre ou au métal, leur recyclage ne peut être
répété indéfiniment : à chaque cycle, leurs propriétés mécaniques se
détériorent et il est donc nécessaire d’ajouter à la matière recyclée du
plastique neuf. L’incinération, autre option, reste coûteuse et génère des
émissions polluantes, malgré les dispositifs de récupération d’énergie.
Améliorer la filière
comme alternative au recyclage
Une fois dégradés par
les micro-organismes, ces plastiques sont transformés en composés simples,
comme du dioxyde de carbone ou de l’eau, et permettent aux bactéries de se
multiplier. Ils ne nourrissent pas directement les plantes, car ils sont le
plus souvent dépourvus des éléments minéraux nécessaires à leur nutrition. En
revanche, une fois dégradés, ils peuvent malgré tout réintégrer le cycle
biologique des sols en soutenant l’activité microbienne.
Leur biodégradabilité
peut même être améliorée en ajoutant certains constituants organiques dans leur
composition. Ce peut-être par exemple des déchets provenant de l’industrie
agroalimentaire, comme de la poudre de pelures d’orange ou de bananes, après une
étape de séchage et de broyage. En plus d’accélérer le processus de
biodégradation, cela permet de valoriser économiquement ces biodéchets, qui
finissent souvent en décharge et polluent les sols et les cours d’eau
environnants.
Cette capacité à
disparaître a cependant un coût : les plastiques biodégradables présentent
souvent des propriétés mécaniques plus limitées, encore variables selon les
formulations. Par exemple, les sacs en plastique biodégradables peuvent avoir
une plus faible résistance à la traction, les rendant plus susceptibles de se
rompre sous le poids de leur contenu. Ils sont également, pour l’instant, plus
coûteux à produire que leurs équivalents conventionnels. Toutefois, le
développement de filières industrielles dédiées et la mise en place d’unités de
production à grande échelle pourraient, à terme, permettre de réduire ces coûts
grâce à des économies d’échelle.
Le compostage
domestique des plastiques : (presque) que des avantages
Mais attention : pour
qu’un plastique biodégradable se décompose réellement, certaines conditions
doivent être réunies. Cela nécessite une température et une humidité
suffisantes, ainsi qu’une population microbienne capable de rompre les liaisons
chimiques spécifiques du matériau. Or, tous les environnements naturels ne
remplissent pas ces critères. C’est pourquoi il est essentiel de leur assurer
une fin de vie appropriée – par exemple, dans un tas de compost, milieu riche
en bactéries et en champignons. On distingue alors deux types de compostage :
le compostage centralisé (ou industriel) et le compostage domestique.
Le compostage
industriel repose sur la collecte des biodéchets, leur transport et leur
traitement dans des installations spécifiques. Ce modèle exige des
infrastructures coûteuses, du personnel qualifié, une logistique importante, et
génère une empreinte carbone liée au transport. En France, cette filière reste
encore en développement. Si elle devait devenir un canal privilégié pour les
plastiques biodégradables, elle nécessiterait un effort de structuration
conséquent.
À l’inverse, le
compostage domestique permet d’éviter en grande partie ces contraintes. Depuis
janvier 2024, le tri des biodéchets à la source est devenu obligatoire pour les
ménages. Les emballages à usage unique portant une certification de compostabilité
domestique (comme la norme NF T51-800) peuvent donc être ajoutés aux déchets
alimentaires dans un bac à compost familial.
La dégradation des
plastiques biodégradables est certes plus lente en compostage domestique qu’en
compostage industriel, en raison de températures plus basses et de conditions
moins contrôlées. Pourtant, ce mode de traitement local, sans coûts de collecte
ni de transport, présente un réel potentiel dans une logique d’économie
circulaire. Pour que cette filière décentralisée puisse se développer de
manière crédible, accessible et efficace, il reste toutefois essentiel
d’améliorer la biodégradabilité des plastiques, en particulier celle des
principaux polymères utilisés dans les formulations.
Améliorer le processus
et sensibiliser par l’action individuelle
Plusieurs pistes émergent pour relever ce défi, comme le développement de biocomposites intégrant des coproduits organiques, ou encore des stratégies d’enrichissement biologique du milieu de compostage. Par exemple, des souches microbiennes spécifiques ou des additifs naturels (comme le lait écrémé) peuvent stimuler l’activité microbienne et accélérer la biodégradation.
Ces approches pourraient
donner lieu à la commercialisation de nouveaux « activateurs de compost »,
utilisables aussi bien par les ménages que par les collectivités ou entreprises
assurant la gestion de composteurs dits communautaires – une autre voie
prometteuse pour un compostage décentralisé, à l’échelle des quartiers ou des
communes.
Enfin, au-delà de l’aspect technique, ce modèle a une vertu éducative : en participant à la dégradation des emballages, les consommateurs prennent conscience de leur impact environnemental. Cette prise de conscience peut les inciter à réduire leur production de déchets, à privilégier le vrac ou à adopter des contenants réutilisables. Et c’est ainsi que se met en marche, peu à peu, un véritable cercle vertueux.


