Objet : Dernier appel avant
décrochage du dialogue entre l’État et les collectivités littorales
Monsieur le Premier
ministre,
Toutes les conditions
étaient pourtant réunies pour que 2025 soit une grande année pour nos
littoraux.
Année de la mer tout
d’abord, qui devait participer à maritimiser les esprits et rappeler aux
Français que l’une des grandes forces de leur pays, c’est la présence, sur tous
les océans de la planète, de l’archipel France et de son littoral exceptionnel,
le seul au monde sur lequel le soleil ne se couche jamais.
Année de l’accueil de
l’UNOC à Nice, co-organisée avec le Costa Rica, qui fut l’occasion du lancement
d’une coalition mondiale des villes côtières, et où nous aurions pu montrer que
notre pays se voulait volontaire et innovant en matière d’adaptation des
territoires côtiers face aux conséquences de l’évolution climatique.
Année où devait – enfin
– aboutir l’engagement donné aux élus des littoraux, à plusieurs reprises, par
plusieurs ministres et gouvernements successifs, y compris le vôtre, qu’un
grand fonds d’adaptation au changement climatique serait mis en oeuvre pour concrétiser
l’instauration d’une nécessaire solidarité nationale afin de venir en soutien
aux collectivités littorales qui subissent, en première ligne, les effets de
plus en plus violents et répétitifs de la montée du niveau des mers, des
épisodes tempétueux et cycloniques, avec des conséquences particulièrement
marquées sur le recul du trait de côte.
Autant d’éléments qui
devaient donner aux collectivités des littoraux français la perspective d’une
juste reconnaissance et prise en considération de la situation préoccupante à
laquelle elles sont d’ores et déjà confrontées et qui va s’amplifier de manière
exponentielle dans les toutes prochaines années, laissant entrevoir le
déferlement d’un tsunami d’investissements à mettre en oeuvre et prêt à
s’abattre sur leurs finances publiques locales.
Mais l’océan des
promesses a accouché d’une sardine.
Pourtant les données
scientifiques démontrant l’urgence de la situation et les répercussions
catastrophiques à court terme sur de nombreuses habitations, infrastructures
privées ou publiques des espaces littoraux français existent. L’étude menée par
le Cerema en 2024 a conclu que le seul effet de l’érosion côtière allait
affecter dès 2050 plus de 5200 logements et 1400 locaux d’activité pour une
valeur totale de 1,2 milliards d’euros. Et sans compter les impacts sur de
nombreuses infrastructures et réseaux publics !
Pourtant les élus des
littoraux, avec l’ensemble des acteurs scientifiques, associatifs, économiques
ou encore universitaires, réunis au sein du Comité National du Trait de Côte
(C.N.T.C.), ont travaillé de manière concertée et constructive, dans le respect
des points de vue de chacun, pour aboutir à des propositions consensuelles.
La nécessité d’une
solidarité nationale avec les territoires littoraux a fait l’unanimité, et des
propositions concrètes d’abondement à ce nouveau fonds ont été élaborées,
faisant appel à des modes de financement qui avaient le souci permanent de ne
pas avoir d’impact sur l’état des finances de l’État, les collectivités locales
sachant, pour leur part, l’importance d’avoir un budget équilibré à la fois
dans ses dépenses et ses recettes.
Fort de cet esprit de
responsabilité et de ce travail méticuleux fourni par l’ensemble de ces corps
intermédiaires qui ont en commun le souci de la préservation des littoraux et
de ceux qui y vivent, ainsi que de son adaptation aux siècles à venir, les membres
du CNTC attendaient avec impatience de passer de la théorie à la pratique de la
mise en oeuvre de solutions de financements concrètes à bâtir en lien avec les
services de l’État.
Et le peuple mérien a
déchanté.
Il a vu la parole de
l’État devenir plus fluette et moins franche sur ce sujet pourtant majeur lors
des dernières réunions du Conseil National de la Mer et des Littoraux
(C.N.M.L.).
Il a cru avoir mal
compris les conclusions du Comité Interministériel de la MER (CIMER) dont vous
avez fait lecture à St Nazaire le 26 mai dernier et où l’idée d’une solidarité
nationale rejoignait les épaves des navires abandonnés dans les abysses.
Il ne comprend pas le
déni complet de tout ce travail qui lui a été signifié par vos représentants
lors d’une réunion exceptionnelle du C.N.T.C. le 1er juillet dernier, destinée
à clarifier les incompréhensions précédentes, mais qui n’a fait que lever le
voile sur l’absence totale de prise en considération de ses travaux.
Il attend toujours les
prises de parole publiques de votre Ministre de la Transition écologique, de la
Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche de France reprenant les
engagements donnés en réunion de travail, alors même qu’elle déclarait à Nice
le mois dernier, que l’adaptation des littoraux était une grande priorité de
votre Gouvernement (!).
Et pourtant, la
situation devrait vous pousser à prendre des décisions immédiatement
- Les Français sont de
plus en plus nombreux à vivre sur les littoraux. Sur un espace représentant 4%
du territoire national vivent 12,5% de la population de notre pays ; la densité
de population y est 2,5 fois plus importante que sur le reste du pays. Cette
tendance se confirme et s’accroît, rendant les adaptations des littoraux
d’autant plus urgentes et cruciales.
- Les littoraux sont le
fer de lance et la locomotive de l’activité touristique de notre pays, première
destination mondiale. Un des rares secteur où la France fait la course en tête
et qui génère des retombées économiques conséquentes ainsi que de nombreux
emplois non délocalisables. Autant d’éléments qui seront inévitablement mis à
mal si aucune décision n’est prise dès maintenant pour aider les territoires
littoraux à faire face aux enjeux à venir.
La colère des élus des
littoraux est forte et leur patience est épuisée.
Face à un sentiment
d’absence d’écoute véritable, l’ensemble des adhérents de l’Association
Nationale des Elus des Littoraux prend cette initiative – inédite – d’une
lettre ouverte pour vous enjoindre de prendre réellement toute la mesure du
moment charnière où nous nous trouvons.
Les habitants des
littoraux ont appris de longue date à vivre dans un environnement empreint de
risques particuliers.
« Ô flots, que vous
avez de lugubres histoires ! » écrivait Hugo…
Association Nationale des Élus des Littoraux (ANEL) - 22 Bd. de la Tour Maubourg, 75007 Paris


