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[Tribune] Le vin, un actif patrimonial solide mais requérant de l’expertise

Par Daniel Immacolato, directeur général de Cavissima

Parmi la multitude d’actifs alternatifs à la disposition des épargnants, rares sont ceux qui parviennent à combiner intérêt patrimonial et plaisir. C’est pourtant bien le cas du vin, qui a la particularité économique de se renchérir mécaniquement avec le temps, à mesure qu’il se bonifie et se raréfie simultanément.

Mais voilà ; une bouteille n’est pas un actif financier. Son accès répond à des codes et des pratiques qui dépendent souvent des usages propres à chaque château. Elle n’est pas non plus fongible. Au contraire, elle est un bien physique dont la qualité dépend de ses conditions de production, bien sûr, mais aussi de ses caractéristiques intrinsèques propres :
- son parcours (la bouteille a-t-elle fait le tour du monde ? dans quelles conditions ?)
- mais aussi son mode de stockage (quelle température ? quelle lumière ? quelle hygrométrie ? ...).

S’il est vrai que le vin s’apprécie globalement sur une longue période, il n’est donc pas si évident pour les épargnants d’en tirer un profit.

Le Graal du primeur

Comment se constituer une cave patrimoniale, dans ces conditions ? Le moyen économiquement le plus intéressant consiste à acquérir des bouteilles dans le cadre des campagnes primeurs. L’idée est de précommander des vins de la dernière vendange encore en barriques, leur livraison physique ne s’effectuant que quelques années plus tard, une fois le vin élevé et mis en bouteille avec à la clé, une valorisation attendue. A titre d’exemple, les millésimes 2019 sont aujourd’hui mis sur le marché par les producteurs à des prix près de 30% supérieurs à ce qu’ils étaient en primeur il y a 3 ans. Un renchérissement d’une ampleur toutefois exceptionnelle, la revalorisation des millésimes de 2018 n’ayant été « que » de +17%.

Pour autant, ce mode d’acquisition n’est pas si simple. En effet, à l’exception de quelques producteurs, comme Marcel Deiss en Alsace ou Chapoutier en Côtes du Rhône, les primeurs sont avant tout un marché de professionnels largement intermédié par quelques grossistes et distributeurs. Les particuliers doivent donc se tourner vers des plateformes, notamment en ligne, qui en organisent l’accès. Mais, faute de garantie, cette intermédiation nécessite une grande vigilance. Certains acteurs peu précautionneux sont même allés par le passé jusqu’à vendre des bouteilles à découvert, c’est-à-dire avant d’avoir été achetées. Il arrive aussi que la grande distribution propose des primeurs comme un produit d’appel. Mais ce mode d’accès se fait souvent au prix d’une absence de visibilité sur le transport et le stockage, mais surtout d’une offre réelle tellement limitée qu’elle ne peut que susciter de la frustration.

Par ailleurs, tous les grands vins d’un même millésime ne sont pas accessibles par ce moyen, loin s’en faut. Essentiellement utilisé par quelques grands domaines de Bordeaux, parfois même l’unique moyen d’acquérir certains vins (citons par exemple Le Petit Mouton de Mouton-Rothschild), ce mode d’acquisition est nettement moins courant dans d’autres régions. Enfin, l’achat de primeurs n’est pas sans risque. Car si la tendance des prix est globalement haussière sur une longue période, la vigueur du renchérissement dépend de la qualité des primeurs suivants, qui ne sont par définition pas connus.

Diversifier les modes d’acquisition

Un nombre croissant de châteaux étale en effet les mises sur le marché sur plusieurs années, voire dans certains cas jusqu’à une décennie, afin de proposer à leurs clients des vins d’origine châteaux plus structurés. Ces bouteilles sont certes plus chères. C’est le prix du temps et souvent, de multiples manipulations, comme des rebouchages. Mais c’est aussi un gage de sécurité, avec à la clé la certitude d’une qualité optimale. Plus sécuritaire qu’une vente en primeur, le profil rendement/risque d’un vin acquis de cette façon recèle donc un intérêt patrimonial utile pour équilibrer la composition d’une cave.

Reste enfin le marché secondaire. S’il permet de ne pas être tributaire des mises sur le marché par les châteaux et d’apporter une liquidité bienvenue, celui-ci n’apporte en revanche aucune garantie en matière de stockage et donc, in fine, de qualité. Surtout, il est réservé ici encore à une clientèle professionnelle, à l’instar du marché londonien Liv-ex. Bref, chaque mode d’acquisition a ses propres avantages et inconvénients, qu’il convient de bien avoir en tête et de savoir combiner en fonction de son propre objectif patrimonial. Comment se constituer une « cave patrimoniale », dans ces conditions ? Comme pour tout type d’actif, la solution réside dans la diversification. Il convient de varier des modes d’acquisition, tout d’abord, mais aussi de diversifier les régions, les millésimes ou encore les prix moyens. S’il est une classe d’actifs économiquement intéressante autant que passionnante, le vin nécessite aussi un minimum d’expertise et de portes d’accès.

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