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[Tribune] Patrimoine : transmettre à un mineur

Par Stéphane Jacquin, Associé-Gérant, Responsable de l'ingénierie patrimoniale chez Lazard Frères Gestion  

Les mécanismes de donation à un mineur (1/2)

Les abattements sur les donations consenties aux enfants et aux petits-enfants, dont les montants sont respectivement de 100 000€ et 31 865€, ne se renouvellent que tous les 15 ans. De même, un délai de 15 ans est nécessaire pour le renouvellement des tranches basses du barème de calcul des droits de donation et de succession en ligne directe.

Ce délai, très long, peut inciter les parents ou les grands-parents à vouloir faire une donation à leur enfant ou à leur petit-enfant sans attendre qu’il ait atteint l’âge de 18 ans.

En principe, une donation doit être acceptée par le donataire. Un mineur étant incapable juridiquement, il ne peut pas accepter la donation qui lui est faite. Pour autant, empêcher un enfant de recevoir une donation parce qu’il est mineur irait à l’encontre de ses intérêts.  Aussi, l’article 935 du Code civil prévoit que le père ou la mère de l’enfant mineur peut accepter pour son compte. Cet article autorise également un grand-parent à accepter une donation faite à un petit-enfant mineur et ce même lorsque ses parents sont en vie.

Transmettre à un mineur par donation implique donc simplement qu’un parent ou un grand-parent autre que le donateur puisse accepter la donation pour son compte. En effet, il n’est pas possible, dans une donation, de cumuler les qualités de donateur et de représentant du donataire mineur. Il faut donc, lorsqu’une donation est consentie à un mineur par l’un de ses parents ou l’un de ses grands-parents qu’elle soit acceptée par un autre ascendant.

Il est également possible de transmettre à un mineur en le désignant bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ou en lui consentant un legs par testament. Ces solutions peuvent notamment être utilisées par les grands-parents alternativement ou en complément des donations.

L’acceptation du legs fait à un mineur ou du bénéfice d’un contrat d’assurance-vie pourra être faite par ses parents en leur qualité d’administrateurs légaux.

Précisons toutefois que l’acceptation par les parents n’est possible que si la libéralité n’est pas assortie d’une charge ou d’un passif. En effet, la loi cherche à protéger les mineurs contre des pertes éventuelles. Pour cette raison, si le legs fait au mineur ne se limite pas à un bien en particulier mais qu’il porte sur une quotité de la succession – on parle alors de legs universel ou à titre universel – ses parents doivent solliciter l’autorisation du juge des tutelles pour accepter. Une alternative consiste pour les parents à n’accepter qu’à concurrence de l’actif net c’est-à-dire de subordonner l’acceptation au fait que la succession soit bénéficiaire pour l’enfant mineur.

Au total, bien qu’un mineur soit juridiquement incapable, il est relativement simple de lui transmettre du patrimoine via une donation, un legs particulier ou le bénéfice d’un contrat d’assurance-vie sans charge.

Les mécanismes de gestion du patrimoine du mineur (2/2)

Lorsqu’une transmission a été réalisée auprès d’un mineur, la gestion de son patrimoine peut soulever des difficultés.

En effet, si le patrimoine appartenant à un enfant mineur est en principe géré par ses parents qui sont, en application de l’article 382 du Code civil, administrateurs légaux du patrimoine du mineur, certaines situations peuvent obliger à recourir au juge des tutelles.

En premier lieu, s’il y a désaccord entre les parents, administrateurs légaux, l’article 387 du Code civil prévoit que le juge des tutelles doit être saisi. Lorsque les parents sont séparés, il n’est pas exclu qu’un désaccord puisse surgir quant à la gestion du patrimoine de leur enfant mineur.

Par ailleurs, même en l’absence de désaccord entre les parents, l’article 387-1 du Code civil impose d’obtenir une autorisation du juge des tutelles pour vendre un bien immobilier appartenant à un mineur. Cet article interdit également d’emprunter au nom du mineur sans autorisation du juge.

S’agissant des valeurs mobilières et des instruments financiers, l’article 387-1 empêche de procéder, sans l’autorisation préalable du juge des tutelles, à la réalisation d’un acte qui « engage le patrimoine du mineur pour le présent ou l’avenir par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives du mineur ».

Cette rédaction n’est ni très pratique ni très éclairante quant aux actes qui peuvent être faits par les parents et ceux qui requièrent de recourir au juge des tutelles en matière de gestion de valeurs mobilières.

Ces dispositions légales sont complétées par un décret du 22 décembre 2008 qui établit une liste d’actes qui peuvent être faits par les parents et une liste d’actes qui nécessitent de recourir au juge des tutelles. Malheureusement, cette liste n’est pas exhaustive et, là encore, pas toujours éclairante.

Ainsi, s’agissant de la cession de titres cotés appartenant à mineur, le décret nous indique que l’administrateur légal peut accomplir les « actes de gestion d’un portefeuille y compris les cessions de titres » mais « à condition qu’elles soient suivies d’un remplacement ».

Aussi, afin d’éviter tout blocage dans la gestion du patrimoine d’un mineur, il est recommandé lorsqu’une donation lui est faite ou lorsqu’un legs ou le bénéfice d’un contrat d’assurance-vie est prévu pour lui, d’écarter les règles de l’administration légale et d’organiser dans la donation, le testament ou la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie la gestion du patrimoine transmis.

Cette faculté est expressément prévue par la loi. En effet, l’article 384 du Code civil dispose que « ne sont pas soumis à l’administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu’ils soient administrés par un tiers ». Il est donc possible, sur le fondement de l’article 384, de désigner une personne qui sera chargée de gérer le patrimoine transmis au mineur jusqu’à sa majorité.

L’acte de donation, le testament ou la clause bénéficiaire fixe les pouvoirs de cet administrateur qui peuvent être très larges et excéder les pouvoirs qui sont ceux d’un administrateur légal.

Il est par exemple possible de prévoir que le tiers administrateur aura pouvoir de vendre les biens donnés au mineur, qu’il pourra remployer le produit de la vente dans les actifs de son choix, ouvrir un compte titres, conférer un mandat de gestion à un professionnel sur ce compte, ou encore souscrire un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation pour le compte du mineur.

Ainsi, la gestion du patrimoine transmis au mineur pourra être assurée sans qu’il soit nécessaire de recourir au juge des tutelles. Il sera également possible par la désignation d’un tiers administrateur dans une donation, un testament ou une clause bénéficiaire d’assurance-vie, d’écarter totalement les parents, ou l’un d’eux, de la gestion du patrimoine transmis à l’enfant mineur.

 

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