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[Tribune] La blockchain se met au service de l’assurance

Par Cyril Armange, Directeur des partenariats du Pôle de compétitivité mondial Finance Innovation

Dans une industrie de l’assurance en pleine mutation, les acteurs font face à de nouveaux défis. Assureurs et mutuelles ont alors tout intérêt à se saisir des opportunités apportées par la blockchain en termes de réduction des coûts, d’efficacité opérationnelle, de sécurité et de transparence.

Avec 5 trillions de dollars de prime globale collectée en 2017, l’industrie de l’assurance possède un poids plus que considérable au sein de l’économie mondiale. Sans compter le rôle important qu’elle joue dans la protection des personnes et des entreprises. Néanmoins, malgré une hausse globale des primes, les résultats techniques pâtissent en raison de la dégradation sensible de la sinistralité, du poids de la réglementation et d’une baisse des primes dans les marchés les plus matures et les plus concurrentiels.


La technologie pour répondre aux nouveaux enjeux

Rien d’étonnant donc à ce que plusieurs études, dont le rapport McKinsey sur les évolutions de l’assurance à horizon 2030 et l’étude de Ryan sur les secteurs prêts pour la disruption, identifient l’assurance comme l’un des principaux secteurs prêts à faire l’objet de transformations profondes grâce aux nouvelles technologies. En particulier, la blockchain est perçue comme la technologie idéale pour transformer ce secteur en recherche de solutions.

Plusieurs cas d’usage ont été identifiés. Dans la gestion de sinistres où la blockchain est idéale pour apporter une preuve, la situer dans le temps et même la géo localiser, des initiatives ont d’ores et déjà émergé, telles que Chainly, pour l’automobile, et Monuma, pour les objets de valeur. La blockchain a également été testée sur des « smart contracts » pour digitaliser un contrat d’assurance ou de réassurance.


Les points critiques améliorables avec la blockchain

La blockchain peut contribuer à optimiser fortement la souscription d’une police d’assurance, caractérisée par des échanges récurrents de données à la volumétrie conséquente. Une police d’assurance ou un traité de réassurance est en effet généralement conclu pour une durée d’1 an et se renouvelle chaque année. À chaque souscription ou renouvellement, des volumes importants de données sont échangés pour pouvoir évaluer le risque et le tarifer. Les données sont souvent caduques ou nécessitent encore une mise à jour dès leur réception en bout de chaîne par les réassureurs et les rétrocessionnaires. Ces échanges volumineux nécessitent ainsi des traitements lourds et surtout longs pour aller du client aux preneurs de risque ultimes. Une situation que peut tout à fait résoudre la blockchain.

Cette technologie pourrait également améliorer la relation client, dans un environnement de plus en plus concurrentiel et face à une matière assurable limitée. Dans les marchés matures des États-Unis et de l’Europe occidentale, bien que les assureurs multiplient les initiatives pour réduire les prix, augmenter les couvertures et améliorer la relation et les services apportés aux clients, ceux-ci restent encore peu satisfaits.

Par ailleurs, la blockchain pourrait également jouer un rôle clé dans la gestion de sinistre, aujourd’hui coûteuse et exacerbée par la fraude. En 2015, la fraude à l’assurance a représenté un coût d’environ 2,5 M€ pour l’assurance dommages seule, soit environ 5% des primes. Un chiffre qui ne cesse de progresser.

Enfin, dans un contexte où l’essor des réglementations - Solvabilité II, DDA, RGPD, pour ne citer qu’elles - pèsent lourdement sur les ressources des assureurs, la blockchain permettra d’alléger le coût de la conformité.


La solution : faire naître des plateformes de place

Pour favoriser l’implémentation de la technologie blockchain dans l’industrie, une des pistes de réflexion peut être la création de plateformes de place intégrant les différents acteurs de la chaîne de valeur (intermédiaires, assureurs, réassureurs) autour de grandes typologies de cas d’usage (IARD, assurance-vie…) via une approche consortium.  Une plateforme qui disposerait alors d’une infrastructure ouverte pour permettre à d’autres acteurs de l’écosystème de s’intégrer (insurtechs pour améliorer les parcours client via des solutions de déclaration de sinistre, réparateurs pour estimer les coûts du sinistre, acteurs traditionnels pour la partie contractuelle et transactionnelle).

Une telle plateforme aurait plusieurs objectifs. D’abord, pouvoir avoir des échanges instantanés, transparents et fluides : la souscription de la police s’effectuera via un « smart contract » accessible par l’assureur et le distributeur de manière instantanée et, par la suite, par le réassureur qui aura une vision transparente des risques dans les portefeuilles transférés. En cas de sinistre, les données d’un constat de dommage seront également visibles de manière instantanée par toutes les parties prenantes. En cas d’aggravation du risque suite à un accident corporel par exemple, la mise à jour de l’information sera dynamique et transmise en quelques secondes plutôt qu’à la mise à jour de portefeuille qui peut prendre plusieurs mois. Cette actualisation permettra une meilleure évaluation des sinistres, une tarification juste, une évaluation des engagements en temps réel ainsi qu’une estimation plus précise des provisions et des besoins en réassurance.

Au-delà de cet aspect, cette plateforme permettrait d’impliquer les principaux acteurs du marché par le choix dans un premier temps de cas d’usage « non compétitifs » où chacun trouvera des avantages, mais aussi d’étendre la couverture à d’autres pays. Un véritable enjeu au vu du caractère international de l’assurance !

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