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[Etude] En 10 ans, les 100 plus grandes entreprises françaises cotées en bourse ont versé en moyenne 71% de leurs bénéfices en dividendes

Après avoir analysé les écarts de rémunérations entre PDG et salaires moyens dans les 100 plus grandes entreprises françaises cotées en Bourse, Oxfam France et Le Basic publient la seconde partie de leur étude sur le partage des richesses au sein des grandes entreprises.

Ce second rapport intitulé “L’inflation des dividendess'intéresse au poids des versements aux actionnaires dans le partage de la valeur au sein des 100 plus grandes entreprises françaises cotées en bourse entre 2011 et 2021.

Alors qu’en 2022, seuls 6,7% des Français possèdent des actions selon l’Autorité des Marchés Financiers, les versements de dividendes et rachats d’actions représentent des milliards qui ne sont pas investis dans la transformation écologique et la réduction des inégalités. Oxfam France formule plusieurs recommandations pour stopper cette logique court-termiste délétère qui consiste à privilégier coûte que coûte l’intérêt des actionnaires.

Pour Léa Guérin, chargée de plaidoyer sur la question de la régulation des multinationales : « Lorsqu’on voit que le versement de dividendes aux actionnaires a augmenté presque trois fois plus vite que la dépense par salarié, on voit bien qu’il y un vrai dérèglement dans le partage de la valeur au sein des grandes entreprises en France. Ce déséquilibre en défaveur des salariés, qui pourtant produisent les richesses, est préoccupant surtout dans le contexte de forte inflation sur les dépenses contraintes et les produits du quotidien qui enlèvent du pouvoir d’achat aux salariés. »

Christophe Alliot, Co-fondateur du BASIC, poursuit : « L’'un des résultats marquants de notre recherche est la rupture du partage de la valeur qui s'est produite dans les 100 plus grandes entreprises à partir de 2018, au bénéfice des actionnaires et au détriment des salariés. »

Les chiffres clés du rapport

  • Entre 2011 et 2021, les 100 plus grandes entreprises françaises cotées en bourse ont versé en moyenne 71% de leurs bénéfices en dividendes et rachats d’actions. Pour le CAC 40, c’est en moyenne 65%.

  • Entre 2011 et 2021, dans les 100 plus grandes entreprises françaises cotées, la dépense par salarié a augmenté de 22% et le versement aux actionnaires de 57%.

  • Entre 2020 et 2021, les dividendes versés aux actionnaires ont bondi de 31,4 Mrds€, soit presque autant que l’ensemble de la masse salariale des entreprises du TOP 100 (37 Mrds€ entre 2020 et 2021).

  • En 2019, 45% des dividendes et rachats d’actions versés aux actionnaires par les 100 plus grandes entreprises cotées en bourse auraient suffi à couvrir leurs besoins en investissement dans la transformation écologique.

  • Le podium des versements records de dividendes :
    1. TotalEnergies a versé 61 Mrds€ de dividendes en 10 ans, soit plus d’un siècle de ristourne sur le prix de l’essence telle que proposée en 2022.
    2. Sanofi a versé 53 Mrds€ reversés à ses actionnaires en dix ans.
    3. Axa a versé 27 Mrds€ de dividendes et rachats d’actions à ses actionnaires en 10 ans
  • Focus sur les entreprises qui ont “cramé” leur caisse pour leurs actionnaires entre 2011 et 2021, entravant leur transition/transformation écologique :
    1. Engie a accumulé plus de 784 M€ de pertes, tout en décidant de verser à ses actionnaires 23,6 Mrds€ sur la même période.
    2. Vallourec a versé près de 359 M€ à ses actionnaires alors qu’elle accusait une perte cumulée de
      4,2 Mrds€.
    3. Ramet a enregistré 1,76 Mrds€ de pertes alors que, sur la même période, elle a versé plus de 243 M€ à ses actionnaires
  • En 10 ans, près de la moitié des 100 plus grandes entreprises françaises cotées ont versé plus de 50% de leurs bénéfices en dividendes et rachats d’actions.

  • 40% du TOP 100 est détenu par des familles parmi les plus grandes fortunes françaises et des investisseurs institutionnels. De même, 5 familles possèdent à elles seules 18% du CAC 40.

Les actionnaires de plus en plus choyés au détriment des salariés

Alors que les inégalités salariales au sein des 100 plus grandes entreprises françaises cotées se sont creusées en plus de 10 ans, comment a évolué la part des richesses allouée aux actionnaires ?

La part versée aux actionnaires est tendanciellement à la hausse au détriment des salariés. Entre 2011 et 2021, dans les 100 plus grandes entreprises françaises cotées en bourse, la dépense par salarié a augmenté de 22% et le versement aux actionnaires de 57%.

Satisfaire les actionnaires quoi qu’il en coûte : la lubie des grandes entreprises

En 10 ans, entre 2011 et 2021, la course folle aux dividendes n’a jamais cessé. Les 100 plus grandes entreprises cotées ont versé à leurs actionnaires en moyenne 71% de ce qu’elles ont gagné chaque année. Au total, près de la moitié des grandes entreprises françaises ont versé plus de 50% de leurs bénéfices en dividendes et rachats d’actions en dix ans

Les paiements aux actionnaires ont bondi de 31,4 Mrds€ entre 2020 et 2021, somme équivalente à celle mobilisée par l’ensemble de la masse salariale des entreprises du TOP 100, qui est de 37 Mrds€ entre 2020 et 2021.

Le podium des versements records de dividendes entre 2011 et 2021 :

1. TotalEnergies a versé 61 Mrds€ de dividendes et rachats d’actions soit plus d’un siècle de ristourne sur le prix de l’essence telle que proposée par l’entreprise en 2022.
○ 2. Sanofi a versé 53 Mrds€ à ses actionnaires
○ 3. Axa : 27 Mrds€ de dividendes et rachats d’actions versés à ses actionnaires

… dont certaines n’hésitent pas à “cramer” leur caisse

Cette volonté de toujours privilégier les actionnaires fortement amputer la capacité de certaines entreprises à investir dans la transition

Au sein du TOP 100 des entreprises, entre 2011 et 2021, certaines entreprises se distinguent par leur capacité d’investissement diminuée à cause de leur décision de satisfaire à court terme les demandes de leurs actionnaires, plutôt que de mettre de côté pour faire face au défi de transformation de leur modèle économique.

C’est le cas d’ENGIE qui, entre 2011 et 2021, a accumulé plus de 784 M€ de pertes tout en versant à ses actionnaires près de 24 Mrds€.

Pour Léa Guérin : « C’est assez ironique de voir des entreprises comme TotalEnergies et ENGIE, issues du secteur de l’énergie verser des milliards à leurs actionnaires alors qu’ils ont besoin de ces sommes pour investir dans leur transformation écologique. La stratégie des 100 plus grandes entreprises françaises cotées consiste à protéger des actionnaires fortunés plutôt que la planète... »

Les entreprises adoptent une vision court-termiste préférant distribuer des milliards d’euros à leurs actionnaires plutôt qu’augmenter les salaires au-dessus du niveau de l’inflation et investir sur le temps long. Il est urgent de sortir de cette impasse. D’autant plus qu’en 2019, 45% des dividendes et rachats d’actions versés aux actionnaires par les 100 plus grandes entreprises cotées en bourse auraient suffi à couvrir leurs besoins en investissement dans la transformation écologique, selon la méthodologie du Carbon Disclosure Project (CDP).

Qui sont (vraiment) les actionnaires ?

40% du TOP 100 est détenu soit par des familles parmi les plus grandes fortunes françaises soit par des investisseurs institutionnels.

Léa Guérin poursuit : « L’idée du petit porteur qui détient quelques actions pour améliorer son niveau de vie, n’est qu’un mythe. Il faut sortir de ces clichés ! La réalité est que ce sont une poignée de personnes qui détiennent des actions en France, et ce sont surtout les ultras-riches actionnaires qui font fortune grâce à la détention et rémunération du capital. C’est ce système qui alimente les inégalités, et ce système qu’il faut transformer. »

Recommandations d’Oxfam France

  • Au niveau national :

- Utiliser la fiscalité comme outil de redistribution afin de réaligner la fiscalité capital sur celle du travail, tout en supprimant le système de la “flat tax” sur les dividendes et rachats d’actions.

- Interdire le versement des dividendes lorsque l’un des objectifs suivants n’est pas atteint: un salaire décent sur l’ensemble de la chaîne de valeur; une stratégie climat ambitieuse; un plan d’investissement associé pour mettre en œuvre ces transformations avec un rôle prépondérant du Comité Social et Économique.

- Encadrer la part des bénéfices versés aux actionnaires de diverses formes :

  • En garantissant un reversement de chaque entreprise à un fond de développement dédié à financer les futurs investissements en matière de transition écologique, sociale et climatique, à l’instar de l’ESS ou des dividendes sociétal et écologique.

- Encadrer la rémunération des dirigeants en supprimant tout critère de rémunération boursier, en instaurant un minimum de 50% de critères de rémunération extra-financier ambitieux. Et en conditionnant le versement de rémunération des dirigeants à l’atteinte des objectifs environnementaux.

- Réformer la gouvernance dépassée des grandes entreprises françaises en renforçant la représentation des salariés au sein des Conseil d’Administration, Surveillance, en tenant compte de la diversité géographique des effectifs du groupe

- Conditionner les aides publiques au plafonnement des dividendes

- Conditionnaliser les aides publiques aux entreprises aux investissements dans la transition. Transférer ces aides à des entreprises engagées dans la transition.

- Assurer une plus grande transparence pour plus de redevabilité en demandant la publication un rapport fiscal pays par pays devant inclure le chiffre d’affaires (distinguant celui réalisé à l’intragroupe et hors du groupe), le nombre d’employés, la valeur des actifs, le résultat avant impôts, les impôts payés et le cas échéant, les exonérations fiscales dont l’entreprise bénéficie.

- Réformer la gouvernance dépassée des grandes entreprises françaises en renforçant la représentation des salariés au sein des Conseil d’Administration, Surveillance, en tenant compte de la diversité géographique des effectifs du groupe

  • Au niveau européen :

- Dans le cadre de la transposition de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) dans la loi française, garantir une obligation de reporting extra-financière ambitieuse

- Dans le cadre des discussions sur la Corporate Sustainablity Due Diligence Directive (CSDD) en trilogues, s’assurer que la rémunération variable des dirigeants européens soit effectivement liée aux plans de transition climatique de l’entreprise

- A l’attention des décideurs politiques, s’assurer qu’une directive européenne portant sur la gouvernance des entreprises soit discutée dans les prochains mois.

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