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[Témoignage] Conférence ACPR : discours Jean-Paul Faugère, Vice-président de l'ACPR

Ce discours de Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR, a été prononcé le 6 décembre lors de la conférence de l’ACPR. Quatre sujets d’actualité ont été évoqués :
- les frais en assurance vie,
- la gouvernance produit,
- l’assurance des emprunteurs,
- la réforme du courtage.

Sur les frais en assurance vie, je rappelle tout d’abord ce que j’avais dit à la précédente conférence de l’ACPR il y a 1 an : je soulignais l’actualité du sujet, la nécessité de progrès supplémentaires dans la transparence et l’utilité d’un rapprochement entre le rendement et le niveau des frais. J’indiquais par ailleurs que l’ACPR engagerait une analyse plus approfondie du sujet, tout en invitant la profession à s’en saisir sans attendre.

Le travail d’analyse s’est poursuivi et les résultats ont été présentés à la place. Je suis reconnaissant aux assureurs qui ont bien voulu partager avec nous un grand nombre de données.

Force est de reconnaître une sorte de décalage entre l’attente que nous avions exprimée, avec le président de l’ACPR, et les résultats à ce jour. Non pas qu’il ne se soit rien passé depuis lors ! bien au contraire. L’accord de place de février 2022 sous l’égide de la Direction générale du Trésor est à l’origine de l’arrêté du 26 février. Il prescrit pour l’ensemble des contrats d’assurance vie et des plans d’épargne retraite une information du client sur les frais associés selon un format harmonisé. Et cela vient heureusement compléter la mise en œuvre de la loi PACTE sur la transparence des coûts associés aux unités de compte pour le client.

Le contexte du sujet est également marqué par une double actualité : européenne et nationale. Européenne d’abord : l’EIOPA a retenu ce sujet dans ses priorités. Un premier rapport a été présenté le 5 avril 2022 mettant en évidence les risques pour la protection de la clientèle. Et en octobre dernier, elle a publié un cadre conceptuel pour mesurer l’intérêt, notamment financier, des produits d’épargne pour le client. Ces travaux, sous le vocable « value for money », s’attachent à objectiver l’analyse tant sur le niveau global des frais que sur l’évaluation du rendement net pour le client. Et l’EIOPA invite à remettre en question la commercialisation des produits chers dont la performance est faible au regard de produits comparables.

L’AMF avait d’ailleurs évoqué le sujet, tout comme le CCSF en matière de plan d’épargne retraite. Et l’on sait que le rapport parlementaire des sénateurs Husson et Montgolfier a débouché sur une proposition de loi au Sénat qui touche parmi d’autres à ce thème des frais en assurance vie.

Tous les signaux semblent donc indiquer qu’un mouvement des professionnels serait opportun voire nécessaire.
Ce mouvement devrait se caractériser par une double exigence : de transparence et d’autoévaluation.

Je sais que le sujet dérange. Et j’ai entendu les interrogations des professionnels, en particulier des sociétés de gestion et des intermédiaires. Je continue de croire - et j’y insiste - qu’une approche collaborative est possible.

Mais au regard des constats, il me semble qu’il n’est plus possible d’hésiter.

L’accumulation de frais élevés peut dans certains cas amputer toute espérance de rendement, alors que le retour sur investissement ne bénéficie finalement pour l’essentiel qu’aux intermédiaires financiers. De tels cas doivent donner lieu à des arbitrages ou à une révision de la liste des UC offertes à la clientèle.

La voie d’une recommandation est aussi possible comme disait le président de l’ACPR ce matin. Elle sera ouverte si nécessaire d’ici la mi 2023.
Je sais que France Assureurs poursuit en parallèle son travail sur ce dossier. C’est une bonne chose.
Si la profession se saisit du sujet, conjointement avec la FNMF et le CTIP, c’est une bonne chose.

Mais du point de vue du superviseur, aucun résultat tangible ne peut être sérieusement attendu sans les trois éléments suivants :
-  une publication par chaque assureur de ses tarifs, au niveau du contrat lui-même et de chacune des UC qui y sont souscrites ; la publication devrait également porter sur les performances des UC, au regard des chargements récurrents de manière à permettre la transparence sur le rendement de l’investissement
- en second lieu, une publication des données moyennes pour l’ensemble du marché selon des catégories à définir, que ce soit selon le niveau des risques ou la nature de l’UC, et
- finalement en troisième lieu, l’exercice par chaque assureur du discernement qui lui revient, conformément au libre arbitre qui sied au droit de la concurrence.

Mon deuxième sujet est la bonne application de la directive sur la distribution d’assurance, la DDA. Vous savez que ce texte est en vigueur depuis octobre 2018. Là aussi je ne fais que prolonger mon intervention de l’an passé. Ce n’est pas le fait d’un simple défaut d’imagination ! Mais encore et toujours, des points fondamentaux de la DDA demeurent imparfaitement respectés. La philosophie de la DDA est pourtant bien connue : ce qui prime, c’est la prise en compte des intérêts du client, à chaque étape, de la conception du produit à la gestion du contrat, dans la durée, et cela incombe à tous les acteurs de la chaine de commercialisation.

Cela justifie en amont de la distribution une définition du marché-cible, notamment en épargne, la définition des adaptations significatives du produit dans l’intérêt du client, et par-dessus tout la prévention des conflits d’intérêts. Ce qui suppose d’identifier les risques de cette nature et d’en garantir un traitement efficace. Ces principes doivent inspirer la culture d’entreprise. Un des points d’application de ces principes est la rémunération. Dans le cas où la rémunération du distributeur, que ce soit individuellement ou collectivement, induit un biais dans la commercialisation, il y a infraction à la DDA. L’orientation du conseil ne saurait résulter d’un intéressement du distributeur. Je sais que l’affirmation semble désormais aller de soi. Devoir le rappeler manifeste cependant la persistance du sujet. Et si l’on veut se donner une chance de maintenir la faculté de prévoir un mécanisme de commissionnement dans le modèle d’affaires de la distribution d’assurance, alors que des voix s’élèvent à Bruxelles pour l’exclure comme dans certains pays de l’Union, il est du plus grand intérêt de veiller à la bonne application des règles actuelles.

Pour accroitre la maîtrise de ces sujets, l’ACPR proposera un projet de recommandation, en espérant conclure sur un texte mi 2023.

Un des thèmes qui est venu récemment enrichir le devoir de conseil est celui de la prise en compte des préférences ESG des clients. Lorsque le distributeur délivre un service de recommandation personnalisée le recueil des préférences ESG du client est obligatoire. Cette obligation a vocation à s’étendre plus largement. L’ACPR invite dès à présent les professionnels à l’appliquer de manière générale. Et nous engagerons une révision de la recommandation de 2013 sur le devoir de conseil en ce sens dans le courant de l’année prochaine.

Mon troisième sujet est l’assurance des emprunteurs. Chacun sait l’importance de ce type d’assurance pour l’achat d’un logement voire en appui d’un crédit à la consommation. Ce sont 11 milliards de primes qui ont été versées par les emprunteurs en 2021. Le cadre législatif a par ailleurs subi des évolutions successives jusqu’à la loi du 28 février 2022 qui prescrit le droit à la résiliation à tout moment d’une part et d’autre part la suppression du questionnaire de santé pour les emprunts immobiliers des particuliers, inférieurs à 200 000€, dont le terme vient avant 60 ans. Il est difficile de dire a priori ce que sera à terme l’effet combiné des deux mesures législatives, dont l’impact est globalement en principe de sens opposé. Reste que ces débats illustrent s’il en était besoin la sensibilité du sujet. L’accès au logement, le crédit à la consommation, cela intéresse des millions de français chaque année. Le coût de l’assurance emprunteur est sensible, d’autant plus qu’il est intégré dans la limite légale fixée par le taux d’usure.

L’attention portée à l’assurance emprunteur est également le fait de l’EIOPA. Elle a adressé un avertissement sur le sujet cet automne. Elle souligne le fait que le rapport sinistres à primes est durablement inférieur à 35%, et que les risques de conflit d’intérêt dans la distribution existent de par l’importance des rémunérations associées au bénéfice des réseaux de distribution. L’EIOPA annonce engager des discussions sur ces sujets avec l’Autorité bancaire européenne (l’EBA) et la Banque centrale européenne. Il est probable qu’elle formulera des propositions en 2023. Nous ne pouvons, là aussi, ignorer la place que le marché français tient dans ces constats.

L’ACPR quant à elle reçoit régulièrement des signalements sur des pratiques bien peu conformes et on observe des taux de délégation d’assurance très inégaux selon les réseaux bancaires que rien ne parait expliquer.

En définitive, il nous semble qu’il y a lieu pour l’ACPR de formuler à nouveau une recommandation sur le sujet, qui pourrait s’inscrire dans le cadre de la révision de la recommandation sur la DDA évoquée précédemment. Les sujets des rémunérations des intermédiaires ou distributeurs, des équivalences avec le contrat groupe, des délais d’examen, de la traçabilité des procédures et de l’interdiction des ventes liées seront, parmi d’autres, à préciser.

Dès à présent, il paraît souhaitable que les acteurs de ce marché se soucient de la conformité des pratiques qui sont sous leur contrôle.

Dernière remarque enfin dans l’analyse critique de ces pratiques : dans l’assurance affinitaire comme dans la distribution de crédits à la consommation, se pose souvent la question de la qualification professionnelle du distributeur. Le respect du devoir de conseil n’y est en effet pas moins nécessaire. Les modes de rémunération là aussi ne doivent pas induire des comportements contraires aux intérêts du client. Si je le dis c’est que le contraire est parfois observé. Ce n’est pas acceptable.

Une assurance emprunteur associée à un crédit à la consommation est une assurance de personne couvrant divers risques d’invalidité ou d’incapacité, de chômage voire de décès.

Dès lors un intermédiaire qui distribue un crédit à la consommation doit bien être immatriculé à l’ORIAS, et toute personne qui commercialise une assurance emprunteur est un intermédiaire d’assurance de plein exercice. Ce n’est pas un intermédiaire à titre accessoire. Donc il doit avoir la capacité professionnelle appropriée, ce qui exige soit une expérience d’une durée significative soit une formation d’une durée suffisante. C’est très concret. Et l’assureur est responsable et ne saurait l’ignorer.


J’en viens à mon quatrième et dernier sujet : les associations de courtage.
Ce sujet est d’actualité à raison de la réforme issue de la loi du 8 avril 2021. Comme vous le savez l’adhésion à une association professionnelle agréée est désormais obligatoire pour tous les professionnels, courtiers ou intermédiaires en opérations de banque et services de paiement (IOBSP). Avec les renouvellements de leur inscription à l’ORIAS à partir de janvier 2023, cette réforme va prendre son plein effet.

Je veux redire la disponibilité de l’ACPR pour accompagner les associations agréées. Nous souhaitons qu’elles se mettent en place dans de bonnes conditions et nous souhaitons établir avec chacune un dialogue constructif, confiant, respectueux du partage des rôles entre nous.

J’ai conscience que la procédure contentieuse devant le Conseil d’État puis le Conseil Constitutionnel a pu induire un certain attentisme. Mais la décision rendue le 21 octobre dernier a clarifié la situation. Désormais, tout doit être fait pour rendre les services attendus par les intermédiaires. La structuration des associations et leur mise en place opérationnelle, avec un système d’information capable de gérer les données des adhérents en toute confidentialité, sont des objectifs prioritaires et, je l’espère, désormais atteints par les 7 associations agréées. Trois sujets justifieront à court terme de notre part une attention particulière : que la représentativité puisse être acquise dans le délai de 2 ans prévu par la loi, que les moyens mis en place soient bien dimensionnés pour assumer les missions dévolues par la loi, que la prévention des conflits d’intérêt sur laquelle les dirigeants se sont engagés lors de leur agrément soit effective, sans ambiguïté.

Ces associations deviendront, je l’espère, des partenaires de l’ACPR pour que tous les professionnels concernés soient au meilleur standard de conformité.

Enfin, pour conclure, quelques mots sur le thème mis en exergue de notre journée : « la supervision face à l’incertitude ». Oui, l’environnement économique voire géopolitique, n’a sans doute jamais été plus incertain. Et pourtant, le travail du superviseur doit nécessairement s’inscrire en continuité, pour que soit préservée la stabilité financière et que la clientèle soit protégée des aléas conformément aux contrats dont elle bénéficie.

Cela nous oblige à la rigueur, à la vigilance. Et cela justifie que le superviseur fasse valoir le bénéfice que le secteur financier dans son ensemble tire de la supervision fondée sur une réglementation claire et stricte.

Je qualifierai même pour conclure cette réglementation d’avantage compétitif à l’encontre de tous ceux qui semblent y voir une question face à des concurrents extra européens. En cette période de révision des directives européennes, et singulièrement de Solvabilité II, tout « désarmement prudentiel » serait une atteinte à la crédibilité de nos institutions financières. Je veux croire que lors d’une prochaine conférence du contrôle nous pourrons faire le bilan des ajustements en cours en toute sérénité, en ayant surmonté ainsi au moins l’une des incertitudes qui justifient le thème du jour.

Merci de votre attention.

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