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Les valeurs de santé européennes peuvent-elles surmonter les pressions politiques de Washington ?

Par Jane Bleeg, analyste recherche actions chez Alliance Bernstein  

Les valeurs de santé ont sous-performé cette année. En effet, les prix des médicaments sont de plus en plus contestés aux États-Unis, ce qui rend les marchés nerveux. De ce côté-ci de l’Atlantique, les craintes du secteur de la santé sont exagérées et les investisseurs sélectifs peuvent dénicher de bonnes opportunités.

Au niveau mondial, les valeurs de santé ont gagné 5,8% de janvier à fin avril 2019, s’inscrivant donc largement en retrait du marché. Certes, c’est en partie l’effet d’une préférence toute récente des investisseurs pour les valeurs technologiques les plus en vogue et les titres à bêta élevé, mais il faut aussi y voir les inquiétudes récurrentes que suscitent les pressions sur les prix des médicaments en raison de la réforme lancée par Washington afin de mieux maîtriser les prix.
Ces doutes sont donc fondés aux États-Unis. La plupart des acteurs européens du secteur sont présents dans le monde entier, en particulier les grands laboratoires pharmaceutiques, qui en sont les principaux représentants dans les indices d’actions du Vieux continent. Ils réalisent généralement de 30 à 50% de leur CA total sur les produits pharmaceutiques aux États-Unis. Par conséquent, toute modification importante du système de soins américain afin de réduire le coût des médicaments (un sujet important de la campagne présidentielle démocrate pour les élections de 2020 que l'on retrouve également dans les tweets de Donald Trump) aurait des retombées non négligeables sur les grands laboratoires pharmaceutiques européens.


Valeurs de santé et élections américaines

Les valeurs de santé sont toujours à la peine dans les 18 mois qui précèdent une élection présidentielle aux États-Unis. Pourquoi ? La part des dépenses de santé dans le PIB par habitant américain représente encore à peu près le double de celle des autres pays développés. Toute incertitude engendrée lors des campagnes électorales a donc tendance à ébranler le secteur. Ce poste de dépenses continue de progresser plus vite que le PIB et pèse de plus en plus lourd sur le budget des ménages, car le ticket modérateur ne cesse d’augmenter. L’inflation des coûts est ressentie à tous les niveaux (frais hospitaliers, médicaments, consultations, etc.), mais c’est pour les médicaments qu’elle est la plus visible.
Ainsi, la réduction du coût des médicaments, y compris ceux fabriqués et commercialisés par des laboratoires européens, restera un thème majeur de la vie politique américaine jusqu’aux élections de novembre 2020. Les déclarations à ce sujet continueront à chahuter le cours des valeurs de santé. Toutefois, une réforme d’ampleur, débouchant par exemple sur un système public universel à l’européenne, a peu de chances d’aboutir, selon nous. Aux États-Unis, la santé assure plus de 10% des emplois. Aucun candidat sérieux ne cherchera à mettre en jeu des millions d’emplois, qui sont souvent grassement payés. Toutefois, les laboratoires pharmaceutiques affichent des marges confortables aux États-Unis et les prix des médicaments resteront une cible politique tentante. Une réforme limitée pourrait être adoptée.


Opportunités dans la santé en Europe

Compte tenu du risque politique aux États-Unis, quelles possibilités offre le secteur européen de la santé en termes de performance ? Les investisseurs peuvent trouver refuge du côté des technologies et des appareils médicaux ; leurs produits sont moins visibles et constituent un élément moins sensible politiquement des dépenses de santé. Il s’agit souvent de titres chers. Le suédois Getinge, dont le portefeuille de produits et l’exposition géographique sont correctement diversifiés, nous semble être parvenu à réduire ses dépenses d’exploitation.
Les entreprises qui innovent en matière de traitement de référence des maladies graves peuvent également être intéressantes, car les pressions sur les prix ne sont pas au niveau de celles qui touchent les traitements classiques. En réalité, il est souvent plus facile de financer des traitements efficaces, mais coûteux, aux États-Unis que dans la plupart des pays d'Europe. La multinationale suisse Roche est un bon exemple à cet égard. Elle lance actuellement Hemlibra, qui représente une avancée considérable dans le traitement de référence de l’hémophilie, et a d’autres traitements en préparation ; ceux-ci concernent notamment l’amyotrophie spinale, maladie grave caractérisée par une dégénérescence musculaire touchant surtout les enfants, et la maladie de Huntington, qui provoque troubles moteurs et démence, et se déclenche en général vers 40 ans. Pourtant, le titre Roche affiche actuellement une décote par rapport à ses concurrents européens ; en effet, la concurrence des génériques pour trois de ses principaux médicaments soulève des inquiétudes.
D’après nos recherches, de nombreux investisseurs ont correctement mesuré l’impact des génériques, mais ne reconnaissent pas suffisamment la capacité de Roche à mettre au point des médicaments de pointe innovants qui font progresser les traitements de référence d’indications très variées. Pourtant, ces produits devraient protéger Roche des pressions exercées sur les prix aux États-Unis.
La prudence est de mise dans le secteur de la santé, car les risques liés à la politique américaine exercent une influence croissante. En revanche, des valeurs de santé sélectionnées avec soin peuvent constituer une source de performance importante dans un portefeuille d’actions européennes guidé par de profondes convictions.

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