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Plan Valls pour le logement : un enjeu de pouvoir

Par François Gagnon, Président ERA Europe et ERA France

« L'annonce par Manuel Valls, il y a quelque trois semaines, d'un plan d'action complet en faveur du logement a été accueillie très favorablement par la communauté professionnelle.

La raison est double. Il faut d'abord reconnaître que les mesures prévues sont satisfaisantes : qu'il s'agisse de donner plus de puissance au dispositif de défiscalisation pour les investisseurs dans le neuf, de l'incitation à faire une donation pour qu'elle soit suivie de l'achat d'un logement locatif, de l'amélioration du prêt à taux zéro ou encore de la simplification des normes de construction et de l'incitation à céder les terrains, on tend effectivement à redynamiser la demande et à permettre une offre plus accessible en termes de prix.

Il faut également reconnaître que jamais annonce de plan de relance n'avait été aussi politique: le Premier ministre a voulu marquer sa différence de ligne économique avec Cécile Duflot, et ouvrir ni plus ni moins qu'une alternance. La rupture avec les choix de la précédente ministre de l'égalité des territoires et du logement, flagrante, violente, a plu à la communauté immobilière, dont les rapports avec Madame Duflot avaient été rugueux. Du coup, entre la satisfaction de disposer de nouveaux leviers de marché objectivement efficaces et la saveur de voir désavouer une ministre qui avait agacé, les professionnels se sont abstenus de toute lecture plus fine.

Pourtant, il est utile de décoder politiquement le plan Valls-Pinel, au-delà de l'appréciation technique et de la réaction épidermique. D'abord, Madame Duflot mérite mieux que cette sorte d'effacement d'untrait de plume. Elle a mis en musique des engagements du candidat Hollande, devenu Président de laRépublique, et à ce titre, il serait injuste de lui faire porter la responsabilité de choix faits avant elle, etpour lesquels elle a été nommée ministre. En outre, Monsieur Valls n'était-il pas ministre dans lemême gouvernement que sa collègue Duflot. Ensuite, dans son action, on oublie que beaucouprestera comme utile au bon fonctionnement du marché: la loi de mobilisation foncière et la partieurbanistique de la loi ALUR ne sont pas critiquables. Nombre de dispositions relatives auxprofessionnels sont aussi louables. On retiendra aussi qu'elle a sauvé le principe de garder unmécanisme de défiscalisation locative, alors qu'il était prévu de l'enterrer.

D'ailleurs, ce que Monsieur Valls a appelé "détricotage" l'est-il vraiment ? On a pris pour argent comptant le terme et le concept... Un peu vite: la GUL est morte de ne pouvoir se financer, soit, etcette mort était annoncée. L'encadrement des loyers sera appliqué à titre expérimental avecparcimonie...et on attend la liste définitive des villes concernées: les propos du Premier ministre ontentraîné des demandes de maires qu'il sera difficile de négliger.

Bref, sur le fond, derrière l'apparence de la remise en question, il n'y a pas tant qu'on nous le dit.

Monsieur Valls a voulu s'attirer les bonnes grâces du secteur de l'immobilier, et il l'a fait à bon compte, comme devant le MEDEF quelques jours plus tôt, par des protestations d'estime envers les acteurs du logement. Il l'a fait pour reprendre politiquement pied. L'exercice était opportun, mais facile: Cécile Duflot n'avait pas soigné son propos, et il faut lui reconnaître qu'elle ne s'était pas employée à séduire. Si je puis dire, la ficelle est épaisse. Au demeurant, il faut désormais que les engagements du Premier ministre soient tenus : on attend le projet de loi de finances, qui va les traduire en texte, et son vote par un parlement loin d'être allégeant, on attend la simplification des normes, on attend la liste à jour des terrains de l'Etat cessibles et surtout leur cession, on attend.

Dans le geste du Premier ministre pour regagner la confiance des professionnels, fût-il plus optique que réel, il y a tout de même un point positif majeur: l'apaisement des relations entre le pouvoir et l'immobilier. L'Etat, après deux ans de gouvernement de la majorité actuelle, est considérablement affaibli. Il ne peut emprunter d'autre voie que celle de la confiance faite aux forces vives, singulièrement dans l'univers du logement :
- sans l'envie de construire des promoteurs,
- sans leur envie de promouvoir les nouvelles mesures auprès du public,
- sans la didactique des agents immobiliers et des administrateurs de biens pour rassurer les investisseurs après la grande peur de l'encadrement et de la GUL, il ne se passera rien. Surtout,
- sans le sentiment des ménages d'un paysage législatif stabilisé et serein, les achats s'étioleront. Le marché continuera à suffoquer.

Il ne fait pas de doute que Manuel Valls a agi pour l'immobilier davantage par calcul politique, pour soigner sa popularité, regagner du terrain dans sa propre majorité et préempter les suffrages des électeurs pour l'avenir, que par conviction. Il n'importe finalement. Le philosophe Kant, à la fin de sa vie, plus pragmatique que jamais, constatait que la raison s'imposait plus souvent pour des motifs égoïstes que pour de beaux motifs, et il avouait que l'essentiel était qu'elle s'impose. Pour une fois, l'immobilier profite de considérations politiciennes. Il faut seulement que les professionnels et ceux qui les représentent ne soient pas dupes, et restent en éveil : les calculs de circonstance ne vaudront jamais tant que les convictions économiques. Continuer à convaincre du besoin de resolvabiliser les ménages et de desserrer les contraintes qui pèsent sur les acteurs est un impératif catégorique. En quelque sorte, conduire nos dirigeants à passer d'une logique de pouvoir à une logique de création de valeur. »

http://www.erafrance.com/

 

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