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Sale temps pour les fonds en euros / Morningstar

Par Jean-François Bay, Directeur Général Morningstar France

2% de rendement net pour les fonds en euros contre 2.75% pour le Livret A : 2013 s’annonce comme un millésime difficile pour l’assurance vie !

 Introduction :

Alors que le nouveau gouvernement vient de confirmer une augmentation du plafond du Livret A et le maintien de la défiscalisation des revenus tirés de ce produit, les nuages s’accumulent au dessus de l’assurance vie en général et du fonds en euros en particulier, autre placement préféré des ménages français.

En effet, les chiffres sur 2012 semblent déjà annoncés une victoire nette en faveur du Livret A : L'encours total du livret A et du LDD était de 302 milliards € à fin juillet, en hausse de 2,56 milliards € sur un mois (selon la CDC). Depuis le début de l’année, la collecte nette s'élève à 15,21 milliards €. 2012 s’annonce donc comme un millésime record en terme de collecte. En 194 années d'existence, le Livret A n'a jamais dépassé 7,05 milliards de collecte nette annuelle, sauf en 2008 avec 18 milliards, 2009 avec 16 milliard et 2011 avec 17 milliards €.

De son côté, mois après mois, l’assurance vie n’en finit pas d’annoncer une collecte nette négative. Depuis le début de l’année, la collecte nette (cotisations-prestations) s’établit à - 4,70 milliards € et atteint près de -10 milliards € sur 1 an à fin juin 2012. Historiquement, l’assurance vie a toujours collecté en net entre 30 et 60 milliards €. Rappelons que les actifs gérés par l’assurance vie s’élève à 1370 milliards €, dont 85% en Fonds en euros et 15% environ en Unités de Compte.

 Plus que le succès du Livret A, c’est surtout la décollecte sur le fonds en euros qui inquiète :

Les raisons qui expliquent cette tendance à court terme en faveur du Livret A sont clairement identifiées : Une fiscalité plus avantageuse certes mais également une commercialisation forte de l’épargne bilancielle de la part des banques auprès des ménages, une dégradation de la conjoncture et une baisse du niveau de confiance des ménages qui les incitent à se tourner vers des produits plus liquides, l’aggravation de la crise de la zone euro et la recherche de placements non risqués si possible non investis en dette souveraine etc…

 En revanche, du côté de l’assurance vie, en dehors d’un arbitrage des épargnants au profit du Livret A et au détriment du fonds en euros, le mouvement de décollecte semble plus inquiétant et plus durable, alors même que le taux d’épargne des ménages français frôle les 17% selon l’INSEE, soit le plus haut niveau depuis 1983, et devrait profiter en théorie à l’assurance vie. Plusieurs raisons peuvent être avancées :

 

-          Les prestations vont augmenter avec les départs en retraite des "baby-boomers", ce qui augmentent mécaniquement la décollecte

 

 -          La baisse du taux de rendement des fonds en €uros devrait se poursuivre dans les mois à venir : Etant donné que les obligations constituent près de 90% des portefeuilles des fonds euros, les réinvestissements des anciennes obligations arrivant à échéance s’effectuent dans les conditions de marché nettement moins favorables : Les taux actuariels à 10 ans servis par l’Etat français sont aujourd’hui proches de 2% contre 5% dans les années 2000.

 

-          La crise des dettes souveraines en zone  Euro : Toujours sur le front des obligations détenues en portefeuille par les assureurs, cette poche est constituée pour moitié environ par des obligations d’entreprises et pour moitié par des Emprunts d’Etats pour des raisons de congruence (adossement en devise en valeur et en maturité). Les capitaux reçus des assurés doivent être placés dans des actifs sûrs, suffisamment rémunérateurs et liquides dans l'attente de la réalisation de la prestation, ce qui se traduit par des exigences réglementaires ou en matière de qualité et de répartition des actifs qui ont eu tendance à favoriser les investissements dans des Emprunts d’Etats de la zone euro et dans les obligations bancaires (bénéficiant d’excellentes notations de crédit à l’époque). En fait, en croyant acquérir des actifs sans risque hier, les assureurs ont surpondéré une classe d’actifs considérée comme très risquée aujourd’hui. Si la crise grecque est encore gérable, une contagion aurait des conséquences plus néfastes.

 

-          La réglementation (Solvency 2) aura un impact sur le rendement des actifs à long terme : Les nouvelles règles prudentielles pourraient avoir des conséquences sur les prix des produits (charge en capital supplémentaire) mais surtout sur les rendements servis aux assurés : Solvency 2 pénalise tous les actifs risqués. Se préparer à l'entrée en vigueur de la directive suppose donc d'investir massivement dans des Emprunts d'Etats de la zone euro, et principalement les moins risqués, ce qui ne rapporte pas grand-chose (1.30% sur le Bund à 10 ans actuellement)  !

 

-          L’inflation reste sur des niveaux élevés, au grand dam des assureurs : Les trente dernières années ont constitué une période exceptionnelle pour les obligations, et particulièrement les Emprunts d’Etat européens, qui ont profité d’une convergence des taux d’une part et d’une maitrise de l’inflation d’autre part dans le cadre de la construction de l’euro. Mais l’inflation reste cependant sur des niveaux non négligeables (autour de 2.5% en décembre 2011 et proche de 2% aujourd’hui). Par conséquent, net de l’inflation, les taux réels long terme sur les emprunts d’Etats sont nuls voire négatifs en Europe. Par conséquent, le rendement des fonds en euro compense à peine l’inflation aujourd’hui alors qu’il représentait trois fois l’inflation il y a encore quelques années (5.30% contre 1.70%).

 

-          L’inflation risque d’augmenter, favorisant le Livret A : Les politiques actuelles des Banques Centrales (injection de liquidités) risquent d’entraîner une hausse de l’inflation dans les années à venir. D’autres raisons sont avancées par les experts sur ce risque inflationniste (raisons géo-stratégiques expliquant une hausse du prix du pétrole, raisons démographiques ou climatiques expliquant une hausse des prix des produits agricoles etc…). Rien qu’en tenant compte du coût des matières premières en euro, l’impact du taux de change risque d’entrainer une hausse mécanique des prix. Et même en l’absence d’hyper-inflation (car les forces déflationnistes restent nombreuses) une simple hausse temporaire en Europe comme ce fut le cas en 2008 obligerait le gouvernement à procéder à une hausse du taux du Livret A. En effet, la formule de calcul des taux des livrets d’épargne réglementés est basée sur le niveau de l’inflation hors tabac. Remarquons qu’aujourd’hui, la rémunération du Livret A devrait déjà être à 2.75%. Elle a été maintenue à 2.25% sur la recommandation de la Banque de France.

 

-          L’alourdissement de la fiscalité, qui a épargné le Livret A : Les revenus des contrats d'assurance-vie sont déjà fiscalement et socialement imposables. Les règles ont été durcies en 2009 et 2010 et, parmi les mesures annoncées par le gouvernement et qui devraient se retrouver dans le PLF 2013, tous les revenus du patrimoine devraient devenir automatiquement imposables à l’IR et non plus au prélèvement forfaitaire libératoire, y compris ceux tirés de l’assurance vie. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2013 sera présenté en Conseil des ministres le 26 septembre prochain.

 

Conclusion :

On l’aura compris, la compétition entre le Livret A et le Fonds en euros risque d’être rude dans les prochains mois mais inégale : Le Livret A devrait l’emporter haut la main face à une assurance vie qui devra affronter des vents contraires. Ne serait ce qu’en terme de rendement net de la fiscalité, et selon nos estimations, si les taux à long terme restent sur leurs niveaux actuels et que l’inflation suit la remontée du prix des matières premières, on pourrait se retrouver en 2013 avec un rendement brut des fonds en euros inférieur à celui du Livret A (2.50% contre 2.75%). Net de la fiscalité, le rendement des fonds en euros atteindrait péniblement les 2% !

 Dans ce nouveau contexte, les unités de compte semblent se positionner comme une réelle alternative tant pour les assureurs que pour les assurés. En effet, pour l’assureur, le risque est reporté sur l’assuré et les exigences prudentielles sont beaucoup plus faibles. Pour les épargnants, la recherche de rendement va les inciter à investir sur des supports plus risqués pour au moins compenser l’inflation et continuer à profiter des avantages de l’assurance vie (patrimoniaux, successoraux…). Par ailleurs, même plus élevé, le plafond du Livret A restera une limite pour les plus gros patrimoines qui continueront à privilégier l’assurance vie. D’autant plus que de nouvelles solutions de gestion sont apparues ces derniers mois: Sécurisation des plus values, investissements progressifs, rééquilibrage automatique… Des nouvelles plateformes d’assurance 100% web comme Advize.fr, Spirica.fr, Linxea.com ou Assurancevie.com vont même jusqu’à proposer des formules de gestion conseillée dédiée aux épargnants à des prix attractifs. Nouvel environnement, nouvelles solutions : L’ère du simple fonds en euros pour tous semble révolue et les assureurs vont devoir développer de nouveaux services, faire preuve d’imagination, mettre en avant de nouvelles approches solutions plus que des produits s’ils veulent conserver leur part de marché dans le futur.

 

Source : Morningstar - 24 août 2012

 

 

 

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