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Politiques monétaires : cela semblait si facile !

Décryptage de Thierry Jabes,  directeur général et stratégiste de 360 Asset Managers.

La combinaison d’une incitation monétaire quasi infinie et d’une économie chinoise capable de connaître une croissance à deux chiffres a généré des gains importants pour les actifs financiers, qui anticipaient une forte reprise économique liée à ces deux phénomènes.

Au cours du mois dernier, les investisseurs ont subitement pris conscience que le « dopage » financier de la part de la FED allait s’atténuer, voire disparaitre dès 2014, et que les nouveaux dirigeants chinois allaient plus insister sur les déséquilibres de l’économie et de la croissance chinoise plutôt que d’avoir une forte croissance à n’importe quel prix.

La forte poussée des taux longs que nous anticipions le mois dernier s’est donc matérialisée, plus rapidement que prévu, comme c’est généralement le cas lors du dégonflement d’une bulle : marchés obligataires déjà en 1994 et 2003, marchés actions après la bulle internet des années 2000, marché de matières premières et de l’or cette année, effondrement du yen depuis le mois de novembre dernier, après de longues, trop longues années de surévaluation, pour l’économie et les exportateurs japonais ! Du coup, les taux d’Etat se retrouvent à des niveaux, qui s’ils sont nettement plus élevés que les années précédentes, ne sont pas, loin s’en faut, à des niveaux extrêmes. Le 10 ans US est à 2,75%, le 10ans allemand à 1,7%, et le 10ans français est à 2,40%, ce qui représente une hausse de près de 100 points pour les Etats-Unis (57%) et de 50 points (30%) pour la France et l’Allemagne au cours des trois derniers mois. Cela n’a rien de dramatique pour l’économie réelle, même si une remontée des taux longs pourrait fragiliser le redressement du secteur immobilier et retarder l’assainissement des bilans des agents privés et publics. Dans l’esprit des investisseurs, le redressement du marché immobilier est l’élément clef de confiance sur les perspectives économiques aux Etats-Unis. En Europe, le spectre d’un véritable krach obligataire ne semble pas d’actualité, car la BCE est dans une position opposée à celle de la FED, ne souhaitant pas freiner, mais plutôt assouplir sa politique d’incitation monétaire.

Lors de la conférence de presse de « Super Mario », le 4 juillet dernier, eût lieu une véritable révolution : depuis sa création, la doctrine de la BCE était de ne jamais laisser prévoir sa future politique monétaire, avec la phrase d’usage « we never pre-commit » ; jeudi dernier, Mario Draghi a prononcé la phrase suivante : « les taux vont rester bas longtemps ». Peut-être n’est-elle pas aussi importante que ses commentaires de juillet 2012, où il laissait entendre que « la BCE ferait tout pour sauver l’euro », mais cette déclaration a le mérite de rassurer les investisseurs, en leur donnant de la visibilité. Seule la FED semble ainsi se lancer dans un programme de durcissement monétaire tout à fait limité et conditionnel à une bonne tenue de l’économie américaine et une diminution du taux de chômage. Dans les autres principaux partenaires des européens, (Grande-Bretagne, Japon), les autorités monétaires sont également au diapason de la BCE.

Le point intéressant est bien évidemment les conséquences de ces changements de politique monétaire : il semble qu’à cause de l’écart de conjoncture entre l’Europe et les Etats-Unis, de la réduction du QE américain et d’un risque politique plus important en Europe, le dollar a toutes les raisons de s’apprécier, ce qui est parfait pour nos entreprises européennes.
L’euro ne s’est que peu déprécié depuis la crise des dettes souveraines européennes, et beaucoup d’économistes considèrent qu’un euro à 1,3 dollar est un frein pour notre croissance, d’ autant plus que le yen a perdu 25% de sa valeur contre l’euro et le dollar depuis sept mois. Le différentiel de croissance entre L’Europe et les Etats-Unis n’a pas joué en faveur du dollar, mais le différentiel de taux qui augmente en faveur du dollar devrait influencer positivement les cours du dollar. En outre, la BCE, du fait de pressions inflationnistes inexistantes, ne pourra qu’applaudir une baisse de l’euro face aux monnaies concurrentes.

Les autorités monétaires britanniques, sous l’impulsion du nouveau gouverneur (canadien !) de la Banque d’Angleterre, vont également tenter de déprécier le Sterling.
Ensuite la hausse des taux longs, sans hausse de l’inflation pour le moment, provoque une hausse des taux réels, qui est particulièrement négative pour l’or. Pour les marchés actions, la réponse est certainement bien plus difficile et aléatoire : il est certain qu’une hausse des taux longs peut peser à court terme sur le marché actions ; mais sur le long terme, cela est beaucoup moins évident. Si cette hausse de taux n’est que la matérialisation d’une reprise de l’activité économique, les actions devraient connaître un très bon second semestre. Néanmoins, cette hausse des taux longs provoque également une hausse de ces mêmes taux longs dans les pays ayant des problèmes de financement (Europe du Sud notamment), qui pourrait remettre en cause très rapidement leurs progrès et efforts récents. Les investisseurs se sont focalisés – à juste titre- sur le changement de politique monétaire de la FED au cours du mois précédent : pour nous, cette mauvaise nouvelle est déjà intégrée. Le réel danger vient probablement d’une désaffection pour les marchés émergents, et notamment pour la Chine, où la politique des autorités monétaires va être scrutée par les investisseurs : les autorités veulent-elles remettre de l’ordre dans le secteur des banques chinoises, quitte à provoquer des tensions dans le système bancaire ; la hausse sans précédent des taux courts doit-elle être considérée comme un avertissement ? Un « credit crunch » est-il possible ? Le risque est donc d’avoir pendant quelques mois un marché actions mondial sans tendance claire, pris entre la faiblesse économique des uns et le resserrement monétaire des autres.

Dans ce contexte assez erratique, 360 AM a souvent privilégié les actions américaines, grâce à la visibilité de la politique monétaire de la FED. N’est-il pas temps de changer quelque peu d’allocation d’actifs, et réduire les allocations en actions émergentes, pour se concerter sur l’Europe et le Japon, zone où les politiques monétaires deviennent lisibles et où l’euro et le yen devraient continuer à s’affaiblir, ce qui générera une nouvelle bouffée d’oxygène pour ces économies convalescentes ?

Rédaction achevée le 9 juillet 2013

www.360-am.com

 

 

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