La
région Bretagne regorge de ressources organiques naturelles ou issues des
industries de production. Ces
ressources, aussi nommées biomasses, trouvent des terrains de valorisation
insoupçonnés.
Le 18 novembre, Biotech Santé Bretagne
a organisé avec succès la première édition de Connect’Biomasses, qui a réuni
plus de 100 participants lors de cette rencontre entre producteurs de biomasse
et transformateurs en quête de matières premières durables. Des coproduits issus
de l’agriculture aux ressources issues de la pêche, la Bretagne transforme ses
déchets en opportunités industrielles. Exemples concrets.
Même si les filières ne
sont pas toutes mises en place, les biomasses sont très prisées et de plus en
plus recherchées, notamment pour répondre à la demande croissante en énergies
renouvelables par l’intermédiaire de chaufferies ou de méthaniseurs. Cependant,
pour éviter les conflits d’usage, la valorisation des biomasses doit respecter
le principe de hiérarchisation, priorisant successivement cinq axes :
l’alimentation, le retour au sol, la valorisation de la matière, la chimie, et
enfin l’énergie. La première édition de Connect’Biomasses illustre cette
ambition collective : faire de la Bretagne un modèle européen d’économie
circulaire, où chaque ressource est utilisée à son meilleur potentiel et
devient un levier d’innovation, de durabilité et de compétitivité.
Biotech Santé Bretagne,
centre d’innovation technologique dédié aux filières de la santé et des
biotechnologies en région Bretagne, joue un rôle central dans cette
exploitation des biomasses et notamment pour les ressources marines, la
Bretagne étant la première région française pour les biotechnologies marines.
« La Bretagne dispose
d’un potentiel exceptionnel en biomasses marines, mais aussi terrestres. Notre
rôle est de favoriser les synergies entre les acteurs pour que rien ne se
perde, et que chaque coproduit devienne une ressource. » explique Stéphane
Tarrade chargé de projets « Transformation des biomasses » chez Biotech Santé
Bretagne.
Transformation de la moule en matériau isolant biosourcé
Bysco exploite les byssus de
moules, filaments qu’elles produisent naturellement pour s'accrocher aux
rochers et pieux de culture. Jusqu'ici considérés comme déchets mytilicoles,
Bysco les récupère pour concevoir des non-tissés techniques entièrement
recyclables, car composés de 80% à 95% de cette matière biosourcée. Collectés
à Cancale, l’entreprise les transforme en rouleaux isolants ou panneaux légers
pour isoler camping-cars et bâtiments. Avec une ressource valorisable nationale
estimée à environ 4 500 tonnes/an valorisable, l’entreprise a levé 300 000 € en
début d’année et finalise une deuxième levée de fonds de 700 000€ pour lancer
l’industrialisation de sa production en Ille-et-Vilaine. Elle vise le recyclage
100 tonnes de byssus par an.
Coproduits de coquilles
Saint-Jacques transformée en peinture extérieure et en biocides
Algo Paint, pionnière française
dans la peinture bio sourcée à base d’algues, vient de lancer une nouvelle
gamme de peinture d'extérieur conçue à partir de coquilles Saint-Jacques. Elle
apporte blancheur et bon pouvoir couvrant ainsi qu’une bonne résistance aux UV.
Autre originalité, pour sa teinte anthracite, l’entreprise a intégré des
coquilles de moules issues de filières bretonnes pour obtenir une pigmentation
naturelle et minérale.
Chaque année, plus de
60 000 tonnes de coquilles Saint-Jacques sont débarquées en baie de
Saint-Brieuc. Si la noix est valorisée, une grande part de la ressource reste
sous-exploitée. Porté par l’IUT de Saint-Brieuc et financé le Fonds
européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), le projet de
recherche JACADIT a mis au point un protocole d’extraction douce et de
criblage de molécules antibiofilm. Testés sur des souches de bactéries Listeria
et Pseudomonas, certains extraits peuvent devenir une alternative naturelle aux
biocides chimiques et ouvrent la voie à de futures applications dans
l’industrie agroalimentaire et dans la fabrication de produits d’entretien éco
conçus.
Les algues, ressources
aux multiples applications
Grâce à ses 2700
kilomètres de côtes baignées par des eaux tempérées et préservées, la Bretagne
est le premier producteur d’algues en Europe et le dixième au monde (près de 65
000 tonnes cueillies par an). Avec plus de 800 variétés poussant dans ses eaux,
le potentiel d’actifs est riche et bien souvent encore méconnu. Pour le
développer Biotech Santé Bretagne a intégré le projet de recherche BIOCHAINS
Atlantic du programme européen Interreg Atlantic Area. Démarré en
octobre dernier, son objectif est d’organiser et optimiser la chaîne de valeur
algale depuis la récolte jusqu’à la commercialisation pour développer des
innovations à destination des secteurs alimentaires et cosmétiques.
De nombreux actifs à
base d'algues bretonnes sont déjà exploités. Spécialiste des ingrédients
cosmétiques issus de biomasses locales, Odycea basée à Lannion, dans les
Côtes-d'Armor, a récemment mis au point, OPAL ALGA GW™. Issu de la Cystoseira
tamariscifolia, algue marine endémique sur les côtes bretonnes, cet actif lutte
contre les effets du vieillissement cutané et les signes de fatigue grâce à une
étonnante réponse de l’algue aux variations de lumière induites par les
marées.
De son côté, Abyss
ingredients,
biotech bretonne experte en ingrédients naturels marins pour la nutraceutique,
avance sur son projet Alg4health (Programme France 2030) dédié à l'amélioration
des performances cognitives à partir d’une variété de macro-algue. Elle dispose
déjà de prototypes, dont un qui sera communicable à ses clients en 2026.
Algaia, implantée à Lannilis
(Finistère), accélère sa montée en puissance dans la filière des biostimulants
à base d’algues brunes. Un nouveau bâtiment va lui permettre de multiplier par
5 l’extraction sous forme liquide des sucres de l’algue brune, utilisés comme
stimulants des plantes. Elle valorise déjà les sucres complexes pour produire
des alginates utilisés comme gélifiants ou texturants naturels et dans une
logique d’économie circulaire, elle optimise la réutilisation de ses
coproduits. Le substrat d’algues, résidu après extraction, est au cœur de son
projet de R&D pour l’alimentation animale, en fertilisation ou comme bio
matériau pour le bâtiment. Une approche de bioraffinerie intégrale qui permet
de réduire ses déchets et de diversifier ses débouchés.
Déchets de pomme,
colza, betterave, œufs, etc. pour la cosmétique et l’agriculture
Extr’Apple intensifie la
valorisation de la biomasse cidricole et lance une huile de pépins de pomme
issue de coproduits cidricoles pour le secteur cosmétique. Cette innovation
s’inscrit aussi dans une logique de circuit court : avec marc et pépins
collectés auprès de la filière cidricole bretonne. L’huile revendique un profil
riche en acides gras, en vitamine E et un toucher léger, l’huile est adaptée
aux soins visage, corps et cheveux et est proposée aux marques et formulateurs
de la « clean-beauty ».
Issue des recherches
universitaires de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Rennes, SurfactGreen
développe des tensioactifs d’origine végétale issus de biomasse de
betteraves et de colza, pour remplacer les agents de surface pétrochimiques. Ce
rare français de la chimie végétale, détenteur d’une quinzaine de brevets
internationaux, vise le soin capillaire et cosmétique avec sa gamme
CosmeGreen® et les émulsions bitumineuses pour la
construction routière avec EmulGreen™ RB. cible les émulsions bitumineuses pour
la construction routière.
Spécialisé dans la
valorisation de biomasses sous-valorisées pour la nutrition des plantes,
AgWI dispose de trois brevets dont un engrais fabriqué à partir de
phosphore recyclé. Récupéré dans les eaux usées de stations d’épurations
communales ou les rejets d’industries de l’agroalimentaire, il est enrichi
d’extraits d’autres plantes. La commercialisation a commencé auprès de
coopératives et sociétés de négoces pour les agriculteurs. La start-up
travaille aussi à la valorisation des coquilles et membranes d’œufs issus de
l’agroalimentaire, en solution de fertilisation et biostimulation agricole.
Coquilles d’œufs et
plumes revalorisées
Terremo’Logic valorise chaque année
6 200 tonnes de coquilles d’œuf en les transformant en amendement calcaire
naturel, une alternative locale et durable à la chaux, particulièrement adaptée
aux sols acides bretons. Issues des casseries, les coquilles sont stérilisées,
séparées de leurs membranes puis micronisées avant d’être commercialisées,
Véritable boucle d’économie circulaire : du poulailler à la casserie, puis du
champ… à nouveau au poulailler via les céréales produites. L’entreprise
développe également des débouchés innovants, en intégrant les coquilles dans la
fabrication de bioplastiques et de peintures, ouvrant de nouvelles perspectives
dans les matériaux durables.
La start-up bretonne
Circul’Egg
vient de sécuriser son sourcing en coquilles d’œufs environ 30 000 tonnes/an,
soit près de 75 % du gisement français grâce au soutien de cinq acteurs majeurs
de la filière ovopro¬duits (Igreca, Les Œufs Geslin, Ovoteam, Œuf du Breil et
Société Normande d’Ovoproduits). Ce partenariat, assorti d’un apport de 1,3
million d’euros, va lui permettre de tripler sa production et de transformer
son site de Janzé en véritable outil industriel.
Pionnière dans la
valorisation des coquilles d’œufs par séparation mécanique sans solvants de la
coque et de la membrane organique, elle produit deux actifs : CARBIO™ carbonate
de calcium recyclé, pour peintures, sols, composites et REGGENERATE™, riche en
collagène, élastine, acide hyaluronique pour la nutraceutique, la cosmétique et
l’agroalimentaire.
BCF Life Sciences, spécialiste breton de la valorisation de biomasse kératinique de plumes issues de la filière avicole, vient de déposer un deuxième brevet international pour sa technologie Leafamine®, un biostimulant 100 % naturel. Il protège un procédé unique d’extraction d’acides aminés libres à très forte concentration (82%) favorisant la résilience végétale, la croissance racinaire et la réduction des intrants chimiques. Basée dans le Morbihan, la PME transforme aussi les plumes en ingrédients à haute valeur ajoutée pour la nutrition humaine, animale et végétale. En parallèle, un programme de sobriété hydrique est en cours sur le site breton pour réduire de 30% la consommation d’eau d’ici 2026.


