Point Marché réalisé par Serge Pizem, Directeur général de Swiss Life Gestion Privée.
Quel regard portez-vous
sur l’évolution des marchés ces derniers mois ?
S. Pizem : Le rallye se
poursuit, alors même que les mois de septembre et octobre sont généralement
volatils et plutôt négatifs. C’est avant tout la conséquence du changement de
politique monétaire aux États-Unis. La Fed a enclenché un mouvement de baisse
de taux, justifié par des chiffres de l’emploi très faibles et qui répond aux
pressions exercées, depuis le début de l’année, par la Maison-Blanche. Parmi
les autres faits marquants de ces trois derniers mois, on peut aussi noter
l’explosion du cours de l’or, la stabilisation du dollar – après sa forte
baisse du premier semestre – et celle des taux d’intérêt à long terme. Ces
derniers se sont maintenus à un niveau satisfaisant pour l’économie américaine,
essentiellement parce que les États-Unis ont émis peu de dette sur la période
récente, notamment comparé à l’Europe et au Japon.
Enfin, les investissements dans l’intelligence artificielle n’ont pas ralenti. C’est essentiel étant donné les niveaux de valorisation très exigeants atteints par les valeurs technologiques qui bénéficient de l’essor de l’IA. La concentration de la cote américaine autour des sept magnifiques, reste importante : le S&P 500 progresse ainsi de 16,3% depuis le début d’année, mais si l’on isole ces sept valeurs technologiques, le S&P 493 qui en résulte se contente d’une hausse de 9%, le tout en dollars.
Les perspectives bénéficiaires
des entreprises américaines restent en outre bien orientées : les profits
devraient croître de 11,1% cette année, contre 9,9% estimés au printemps. Pour
l’instant, elles ne pâtissent pas de la politique tarifaire de Donald Trump, à
la différence des entreprises européennes dont les révisions de bénéfices
s’inscrivent en baisse.
Avez-vous, malgré tout,
des motifs d’inquiétude pour l’économie et les marchés américains ?
On observe une
dichotomie dans la consommation américaine. D’un côté, la frange aisée de la
population continue de consommer beaucoup. Mais de l’autre, une masse – bien
plus importante – commence à souffrir économiquement, notamment du fait des
dizaines de milliers d’emplois détruits, ce qu’illustre par exemple la hausse
des défauts dans les crédits automobiles. Or, ce sont souvent des électeurs de
Donald Trump qui sont touchés. Aujourd’hui, 60% des Américains estiment que la
politique économique du président est mauvaise. Ce mécontentement s’est
matérialisé récemment par trois échecs électoraux des Républicains, à New York,
dans le New Jersey et en Virginie. Donald Trump va devoir s’occuper de cette
Amérique en souffrance. Début mai 2026, il placera vraisemblablement à la tête
de la Fed un de ses soutiens : la banque centrale devrait se retrouver beaucoup
moins indépendante que par le passé. C’est un facteur à surveiller de près, car
elle pourrait être tentée d’ignorer les signaux d’une inflation qui augmente,
sachant que cette dernière est aujourd’hui à un niveau stable, mais élevé, de 3%.
Un tel scénario est dangereux pour les marchés, car il pourrait entraîner,
probablement de manière atténuée, un retour des difficultés de 2022, avec une
hausse des taux et une chute des Bourses.
Comment se porte le reste du monde, hors États-Unis ?
On constate une
certaine résilience de l’économie mondiale : le taux de croissance pour 2025 a
été révisé par le FMI de 2,8% en avril à 3,2% en octobre. Cette dynamique est
avant tout tirée par les États-Unis, mais aussi par le Japon et une partie des
pays européens. Le cours du pétrole reste à un niveau faible depuis le début
d’année, ce qui favorise les pays émergents et l’Europe. Cette dernière voit
d’ailleurs son indicateur d’activité avancé, l’indice PMI composite, progresser
de manière notable, pour atteindre 52,2. L’économie européenne apparaît donc en
expansion, essentiellement grâce à l’Allemagne – qui profite des effets de son
plan de relance massif – mais aussi des pays d’Europe du Sud (Espagne,
Portugal, Italie). Il faudra toutefois surveiller la petite remontée de
l’inflation en Europe, qui est désormais à 2,1%.
Quels ajustements
avez-vous apportés aux portefeuilles dans un tel contexte de marché ?
Comme la pause que l’on pouvait attendre en septembre ou octobre ne s’est pas matérialisée sur les marchés, nous avons continué de prendre nos profits sur les valeurs américaines, notamment technologiques. D’une manière générale, nous avons réduit notre exposition au marché actions dont le poids est désormais proche de la neutralité. L’objectif étant d’avoir des liquidités pour nous repositionner en cas de respiration des Bourses.


