Les gérants de portefeuille John Kerschner, Nick Childs et Thomas Polus
analysent les implications de la privatisation envisagée de Fannie Mae et
Freddie Mac pour les investisseurs en titres à revenu fixe.
• La privatisation de Fannie Mae et Freddie Mac
semble de nouveau à l’ordre du jour, plusieurs grandes banques ayant rencontré
le président Trump au cours des derniers mois pour discuter d’un rôle potentiel
dans une introduction en bourse (IPO).
• Selon nous, les investisseurs en titres
hypothécaires garantis par des agences (agency MBS) devraient avant tout se
concentrer sur la garantie gouvernementale qui soutient ces titres. Il est
important de noter que l’administration a déclaré officiellement que cette
garantie serait maintenue en cas de privatisation de Fannie et Freddie.
• Tout en suivant de près les évolutions, nous
maintenons notre opinion selon laquelle la privatisation aurait un impact
limité sur les marchés titrisés, et nous restons positifs quant aux
perspectives des MBS d’agences.
Un
sujet d’actualité
En
février, nous avons examiné la probabilité que Fannie Mae et Freddie Mac soient
privatisées à la suite de l’appel du président Trump à libérer ces deux
entreprises parrainées par le gouvernement (GSEs) du contrôle fédéral. Depuis,
Trump a rencontré plusieurs grandes banques souhaitant participer à une
éventuelle introduction en bourse (IPO) de Fannie et Freddie.
À la
lumière de ces développements, nous réévaluons la probabilité d’une
privatisation totale ou partielle. Mais, plus important encore, nous abordons
la manière dont les États-Unis pourraient gérer les garanties gouvernementales
sur les titres émis par les agences, en soulignant leur importance et les
implications pour les investisseurs en titres hypothécaires garantis par des
agences (agency MBS).
Une
introduction en bourse complète : un défi majeur
Pour
rappel, lorsque le gouvernement américain a renfloué Fannie Mae et Freddie Mac
en 2008, au moment de l’effondrement du marché immobilier, il a pris une
participation dans les deux sociétés via un accord d’achat d’actions
privilégiées de rang supérieur (SPSPA).
Le SPSPA
garantit que toute augmentation de la valeur des GSEs se traduit par une hausse
équivalente de la valeur de la participation du contribuable américain dans ces
entreprises. En 2019 et 2021, des amendements ont permis aux GSEs de commencer
à conserver du capital, une étape clé vers une éventuelle privatisation.
Cependant,
l’accord stipule également que plus les réserves de capital de Fannie et
Freddie augmentent, plus les montants dus au Trésor américain pour rembourser
les contribuables augmentent aussi.
La valeur
actuelle estimée de la position du Trésor avoisine 340 milliards de dollars –
une somme qui devrait soit être annulée par le Trésor (hautement improbable,
car il s’agit en pratique de fonds appartenant aux contribuables), soit être
remboursée via une introduction en bourse.
Aux
valorisations actuelles, les GSEs devraient lever plus de dix fois le montant
de la plus grande IPO jamais réalisée (celle d’Aramco en 2019, à 29 milliards
de dollars).
Une IPO
d’une telle ampleur paraît donc hautement improbable, rendant la privatisation
complète peu réaliste. Une privatisation partielle et progressive semble
beaucoup plus plausible — avec une première levée de fonds raisonnable suivie
d’émissions d’actions successives.
L’enjeu
majeur : la garantie gouvernementale sur les MBS d’agences
Si les
investisseurs en actions peuvent s’intéresser aux implications en capital d’une
privatisation, les investisseurs en MBS d’agences doivent se concentrer avant
tout sur la garantie gouvernementale (ou le soutien public) de ces titres.
À notre
avis, la question de la garantie a des implications bien plus importantes pour
les investisseurs obligataires que la question de savoir si, quand et comment
Fannie et Freddie seront privatisées.
L’administration
a déclaré que si Fannie et Freddie étaient privatisées, la garantie serait
maintenue.
Bien que
la garantie actuelle soit implicite, le marché la considère comme équivalente à
une garantie explicite. Nous ne pensons pas qu’une privatisation modifierait
cette perception : cette garantie a toujours été implicite, même avant la mise
sous tutelle gouvernementale des GSEs.
Un
processus de privatisation progressif
Compte
tenu des exigences de capital élevées et des questions entourant la position
préférentielle du Trésor, il semble probable que les GSEs se privatisent
progressivement et réduisent leur périmètre d’activité au fil du temps.
Plusieurs
leviers peuvent être utilisés, notamment :
• réduire les plafonds de prêts conformes,
• renforcer les critères de crédit minimum, ou
• augmenter les frais facturés pour la
garantie.
Par
ailleurs, il n’existe sans doute aucune raison de politique publique justifiant
que les GSEs financent des refinancements avec retrait de liquidités (cash-out)
ou des prêts pour résidences secondaires ou investissements locatifs.
Plusieurs
options sont donc envisageables pour réduire la portée des prêts émis par les
GSEs (et les garanties gouvernementales associées).
Une
combinaison de ces mesures paraît le scénario le plus probable.
Conclusion
En
résumé, si l’administration procède à la privatisation, il est attendu qu’elle
renforce la garantie gouvernementale sur les titres émis par les agences.
Il est
hautement improbable que le gouvernement privatise les GSEs sans aucun soutien
public, car cette garantie est essentielle à la liquidité et à l’attractivité
des MBS d’agences.
Elle
contribue aussi à maintenir des taux hypothécaires plus bas et à assurer le bon
fonctionnement du marché immobilier.
Du point
de vue des investisseurs, si les GSEs réduisent leur empreinte à travers
certaines des mesures évoquées, cela pourrait entraîner une offre nette moindre
et donc être favorable aux spreads des MBS d’agences sur le long terme.
Le projet
d’IPO de Fannie et Freddie reste une situation évolutive, susceptible de se
dérouler sur plusieurs mois, accompagnée de nombreuses rumeurs et spéculations.
Tout en suivant de près ces développements, nous maintenons notre opinion : la privatisation aurait un impact limité sur les marchés titrisés, et nous restons positifs sur les perspectives des MBS d’agences.


