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[Tribune] BDL Capital Management - Quel capitalisme souhaitons-nous ?

Par Laurent Chaudeurge, Porte-Parole de la Gestion de BDL Capital Management

Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase, la plus grande banque au monde, a récemment publié sa lettre annuelle aux actionnaires. Il évoque un thème particulièrement intéressant : la désillusion grandissante vis-à-vis des marchés cotés. Dimon constate que le nombre d’entreprises américaines cotées en bourse est en chute libre, il y en avait 7 300 en 1996, il n’en reste plus que 4 300 aujourd’hui. A l’inverse, le nombre d’entreprises privées détenues par des fonds de private equity est passé de 1 900 à 11 200.

Le premier titre listé aux Etats-Unis date de 1792. Après 200 ans d’augmentation du nombre d’entreprises cotées, le phénomène s’est inversé. Chez BDL Capital Management, nous voyons des avantages et des inconvénients à ce mouvement du public vers le privé, mais dans l’ensemble c’est une mauvaise nouvelle pour la transparence de l’information et les petits épargnants. La bourse démocratise le capitalisme et permet à chacun de profiter de la croissance économique. Plus les entreprises sont privées et détenues par les fonds de Private Equiy, plus l’enrichissement est l’affaire de quelques « happy few ».

Il y trois grands excès qui affaiblissent les marchés cotés : une bureaucratie tentaculaire, un pouvoir démesuré des agences de conseil en votes et une influence grandissante de la gestion passive.

- Premier excès, le visage de la bureaucratie se dessine notamment dans l’augmentation exponentielle des normes, directives et autres obligations de reporting auxquelles les entreprises cotées doivent se conformer. Sur une longue période, ce phénomène asphyxie et décourage. Nous avons pris l’exemple des rapports annuels des entreprises cotées pour constater l’étendue des « dégâts » sur les 20 dernières années. Celui de BNP Paribas par exemple, faisait 276 pages en 2003 et compte 800 pages au titre de l’exercice 2023, une augmentation de presque 200%. Sur la même période, celui de Total Energies est passé de 238 à 675 pages, et celui de L’Oréal de 101 à
458 pages. En tant qu’investisseurs, avons-nous besoin de trois fois plus d’informations aujourd’hui qu’en 2003 pour nous faire une bonne idée de la performance, des atouts et des risques de ces entreprises ? la réponse est Non. Est-ce que ces entreprises décident volontairement de noyer leurs actionnaires sous trois fois plus d’informations ? la réponse est Non. Elles se conforment aux nouvelles règles et se protègent des risques juridiques grandissants.

- Deuxième excès, les agences de conseil en vote qui sont un duopole non réglementé entre ISS et Glass Lewis. Elles ont pris trop de pouvoir et biaisent la gouvernance des entreprises cotées. Elles prodiguent des conseils de vote suivis par la majorité des investisseurs. Ces conseils sont normatifs et parfois dogmatiques. Le sujet du PDG est un bon exemple : ces agences sont de facto contre l’unification des rôles de Directeur Général et de Président. Pourtant, il existe des situations où l’intérêt de l’entreprise est qu’une seule personne, honnête et compétente, ait les deux rôles. Le sujet de la rémunération est aussi révélateur. Dans l’exemple récent d’Astrazeneca, le laboratoire pharmaceutique anglais, les agences se sont opposées au projet d’augmentation de la rémunération du Directeur Général sous prétexte que son niveau de salaire était aligné avec celui des DG concurrents. Cependant, plusieurs gros investisseurs comme GQG Partners ou Norges Bank Investment Management ont voté pour car ils constatent que le Directeur Général a fait un travail remarquable sur longue période et ne veulent pas risquer de le voir partir, ce qui affaiblirait l’entreprise dont ils sont actionnaires. C’est en reprenant la main sur la gouvernance de « leurs » entreprises que les investisseurs renforceront la crédibilité des marchés cotés.

- La gestion passive constitue le troisième excès. Elle offre des coûts très bas mais elle affaiblit et discrédite aussi le fonctionnement des marchés cotés en favorisant une déconnexion entre le prix et la réalité économique des entreprises. Elle n’achète que les grandes sociétés cotées et celles qui ont le plus monté. Elle accentue les tendances et favorise les bulles spéculatives. Elle n’offre plus les nécessaires forces de rappel assurées par la gestion active. Elle est un actionnaire sans opinion qui s’en remet aux recommandations des agences de votes. Elle ne finance pas non plus les entreprises qui souhaitent venir en bourse car ces dernières ne sont pas dans les indices.

Le pessimisme qui s’installe concernant les marchés cotés n’est pas souhaitable. Ces derniers assurent la transparence et la démocratisation de l’épargne. Il faut tout faire pour qu’ils attirent plutôt que ne repoussent les entreprises. Pour cela, trois évolutions sont nécessaires. Tout d’abord, il faut un meilleur équilibre concernant les obligations de reporting et les risques juridiques des sociétés cotées et non cotées, ensuite les investisseurs doivent rester maîtres de la gouvernance des entreprises, enfin les régulateurs doivent cesser de légiférer en favorisant la gestion passive.

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