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Rémunération des conseillers : quel avenir pour les indépendants ?

Par Frédéric Picard, fondateur de MyFlow

Même si c’est difficile à avaler, il semble acquis maintenant que le modèle actuel de partage des frais de gestion entre les sociétés de gestion, les plateformes et les conseillers indépendants vit ses derniers moments. Pour les conseillers, il s’agirait d’un délire législatif à l’initiative de quelques députés « étrangers » et « verts » de surcroit qui dans un zèle consumériste voudrait interdire les commissions pour toute l’industrie de la finance…

A défaut d’y arriver, le conseiller indépendant serait donc le bouc émissaire d’un monde politique qui n’aime pas la finance et voudrait faire payer les errements des années 2000. C’est faire fi d’un travail législatif démarré depuis une dizaine d’années qui vise à organiser un marché en faisant jouer la concurrence tout en donnant à l’investisseur des moyens de limiter les déconvenues. Pour la France, le rapport Delmas Marsalet de novembre 2005, sous un gouvernement de droite, faisait date dans sa prise en compte des conditions de commercialisation des produits financiers.

Qu’en est-il sorti ? Un prospectus simplifié qui s’est fondu dans la création du DICI avec la mise en place d’une information sur le niveau de risque (synthetic risk and reward indicator) venant compléter le travail de classification du régulateur.

L’Europe à son tour dans le cadre de MIF2 s’intéresse à la distribution des produits et donc à la rémunération des intermédiaires. Le tout dans un contexte de crise financière exceptionnelle qui, est-il nécessaire de le rappeler, a confirmé l’incapacité des professionnels eux-mêmes à gérer les risques systémiques. Face aux dégâts, les élus restent sous la pression de l’opinion publique.

Le problème dépasse de loin la simple question de la rémunération des conseillers qui ne pèse pas lourd face à la nécessité de réduire le coût de la distribution dans une perspective de rendements plus faibles que dans la décennie passée. En clair tout le monde va faire des efforts. Il y aura aussi des remises en question chez les Assets Managers. Car n’oublions pas que ce sont eux qui ont mis en place ce modèle de distribution donnant 50% des frais aux plateformes qui en reversent 85% aux conseillers. Les temps changent et les rentes de situation ne durent pas.

Les propos sont volontairement alarmistes dans cette période d’élaboration des textes réglementaires. Est-ce pour autant le moment d’abandonner le métier comme certains le font actuellement ? Les associations se battent pour faire reculer l’échéance, gagner du temps et l’ensemble des conseillers doit profiter de ce répit pour se préparer à des lendemains peut-être plus difficiles mais surement pas moins intéressants. Si quelques rentiers vont passer la main, il y a aussi la nouvelle génération de conseillers qui va créer son propre modèle de développement.

Si l’exercice de prospective est toujours délicat, quelques tendances se mettent en place :

La première solution, la plus triste, est l’arrêt du métier. De nombreux conseillers envisagent de vendre leur cabinet pour retourner en tant que salariés dans les banques ou les sociétés d’assurance quand il ne s’agit pas tout simplement d’opter pour un changement de carrière. Anticipant, la dévalorisation de leurs actifs qui ne manquerait d’arriver en cas d’arrêt plus ou moins rapide des rétrocessions, ces conseillers tentent de vendre leur cabinet à un collègue ou à des sociétés de type Primonial ou Vendyssée finance.

Une autre solution est l’intégration verticale. Il s’agit de regrouper les activités de gestion et de distribution dans une même entité ou au sein du même groupe. La version la plus aboutie en France est le groupe Primonial avec Primonial Reim, Primonial Asset management,

Primonial Derivatives et pour la distribution Primonial Services qui regroupent les anciens réseaux Wfinance, Advisiale (CGPI associés), Cortal Consor Select et de nombreux autres cabinets. Cette approche fondée sur un réseau de CGP affiliés est pour les plateformes également un moyen d’améliorer leur rentabilité. La création de sociétés de gestion ou le développement de fonds dédiés avec un Asset Manager sont des versions dégradées de ce modèle qui fait évoluer le conseiller en commercial de la société de gestion même avec participation à la définition du fonds.

A l’intégration verticale on peut opposer une intégration horizontale. A l’exemple de nombreuses professions de conseils, le regroupement de compétences est un moyen d’élargir sa base de clientèle et de mutualiser ses coûts. On voit ainsi les conseillers se rapprocher des experts comptables, des notaires ou de cabinets d’avocats afin de constituer des pôles de compétences en gestion de patrimoine à l’instar de ce qui existe dans les professions de santé. Ce modèle permet de conserver son indépendance, d’élargir son domaine d’expertise et de migrer plus aisément vers une rémunération en honoraires.

Il y a encore d’autres solutions en jouant des niches plus ou moins importantes (l’épargne salariale, la prévoyance et santé, …). En tout cas, le changement de mode de rémunération n’est pas obligatoirement la fin des indépendants. L’indépendance vécut pour de nombreux conseillers dans la solitude va évoluer vers diverses formes d’associations qui ne sont pas antinomiques avec la notion d’indépendance. Les groupements auront donc un rôle prépondérant dans les années à venir, ils sont une des possibilités du nouveau logiciel des indépendants. Pour cela il faudra créer plus de valeur pour leurs membres en développant la formation, un marketing et une stratégie commerciale en s’inspirant de ce que certains ont fait il y a 30 ans dans le domaine de la grande distribution. C’est tout le mal qu’on peut leur souhaiter.

Les discussions autour d’un changement de rémunération des conseillers permettent de rebattre les cartes entre les acteurs. Les Assets Managers sont mis sous pression par la croissance exponentielle des ETFs qui ont des frais beaucoup plus faibles. Comme par ailleurs, la gestion active peine à prouver sa valeur ajoutée par rapport à la gestion passive, diminuer le coût de distribution devient un enjeu important. En même temps, de nombreuses sociétés de gestion vivent avec la distribution externe. Néanmoins, peu de sociétés se sont mobilisées pour défendre le système actuel à l’exception de l’amendement « Carmignac », ce qui est la moindre des choses envers une profession qui a fait la fortune de cette société. Du côté des plateformes, elles ne voient pas d’un mauvais œil une évolution de la profession vers les honoraires et la possibilité ainsi d’abaisser le coût d’acquisition d’un distributeur.

Un changement de modèle économique est un traumatisme pour une entreprise, une profession. Mais les conseillers auraient tort de ne pas rester optimistes car les français sont de plus en plus nombreux à considérer qu’il est opportun d’épargner davantage pour faire face à un avenir incertain (enquête d’opinion de l’INSEE – Nov 2012). Près de 70% d’entre eux se déclarent mal informés, voire très mal informés sur les produits financiers de type actions, obligations, SICAV, … Ce qui ouvre des perspectives intéressantes pour une profession qui fait mission de conseil.

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