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Vœux du président de l’AMF, Gérard Rameix, à la presse

Mesdames et Messieurs, Chers amis,

C’est avec un plaisir tout particulier que je m’adresse à vous pour cette traditionnelle cérémonie des vœux à la presse qui permet au Président de l’Autorité de régulation de marché de faire le point sur la situation de la Place et sur ses priorités.

En effet, si vous êtes des familiers de cette cérémonie, c’est quant à moi la première fois que j’en suis en quelque sorte l’acteur principal.

Je le suis avec des sentiments très partagés. Partagés entre la fierté de présider une institution qui va, à la fin de l’année, fêter son 10ème anniversaire et qui a, je crois, tenu la feuille de route qui lui avait été assignée lorsque les autorités politiques avaient choisi de regrouper le CMF et la COB.

Plaisir de présider un Collège qui regroupe des expériences très solides en même temps que très diverses. Diversité, et j’en forme ici le souhait, qui pourrait encore être renforcée par une meilleure représentation des entreprises moyennes et des épargnants individuels.

Plaisir aussi de pouvoir m’appuyer sur des services compétents, passionnés, encore renforcés depuis que j’en ai quitté la direction il y a 4 ans. Ils sont placés sous la responsabilité de Benoît de Juvigny que je remercie d’avoir accepté cette fonction et d’y consacrer complètement son énergie et son talent.

Mais je suis aussi animé par un double sentiment d’urgence à l’égard d’une Place de Paris qui

s’interroge sur son avenir et de responsabilité envers des épargnants qui sont souvent déroutés et déçus par l’évolution de la sphère financière.

Je commencerai par cette dernière interrogation. Malgré de nombreux efforts faits depuis 15 ans pour améliorer l’information financière, mettre à niveau les procédures d’enquête, de contrôle et de sanction, promouvoir une meilleure commercialisation des instruments et produits financiers, les investisseurs individuels n’ont pas confiance et se détournent, pour partie, du marché des actions et plus généralement des placements financiers à risque.

La crise a, tout à la fois, entraîné un certain découragement des investisseurs et réduit les capacités de transformation des banques et plus généralement celles d’investissement à moyen et long terme de nos grands acteurs financiers, banquiers et assureurs dans les instruments financiers de haut de bilan des entreprises.

Il résulte de tout ceci un écart inquiétant entre les besoins de financement des entreprises –à l’exception des plus grandes d’entre elles- et les ressources d’épargne. Ce sera, sans nul doute, un des défis que nous allons rencontrer comme régulateur dans l’année et même les années à venir.

Nous devons être ouverts à toutes les solutions -qu’elles passent par le marché ou par la gestion d’actif-permettant aux entreprises moyennes et intermédiaires d’accéder à des ressources longues - qu’il s’agisse de fonds propres ou d’instruments de dette. Sans bien sûr rien céder sur la protection des épargnants sollicités de relayer les banques sur ce terrain.

L’AMF assumera, bien évidemment, toute sa responsabilité. Mais l’effort à faire pour financer notre tissu d’entreprises nationales et régionales impose, à vrai dire, une mobilisation associant les autorités publiques et les acteurs privés. A défaut, notre capacité à prendre le vent de la croissance lorsqu’il soufflera de nouveau risque d’être sérieusement entamée.

Abordons maintenant la situation de la Place de Paris et plus généralement le rôle de la finance dans notre économie. Ne nous laissons pas aller au pessimisme que pourraient entraîner quelques constats cruels :

- Le marché des actions dans son rôle d’apporteur de fonds propres aux entreprises est presque au point mort tant pour les levées de fonds sous forme d’introductions en bourse que par la voie d’augmentations de capital.

- Le nombre des actionnaires individuels a baissé de plus d’un tiers par rapport au début du siècle.

- La défiance à l’égard du monde de la finance est forte et semble gagner le monde politique.

- La constitution d’un marché financier européen entraîne le déclin dans notre pays de certaines activités et on voit souvent les plus brillants sujets issus de notre système de formation et attirés par la finance s’expatrier pour mieux exprimer leurs talents et leur ambition.

De tout cela nous sommes très conscients à l’AMF. Mais, en même temps, nous devons considérer nos atouts qui restent considérables et doivent nous permettre de rebondir :

- Une épargne qui reste l’une des plus abondantes du monde occidental.

- De grands émetteurs qui ont accès au marché international, particulièrement celui des obligations corporate en pleine expansion, mais mesurent certainement le prix qui s’attache à conserver dans leur pays d’origine une base d’actionnaires, de conseils et d’opérateurs.

- Des banques solides qui ont accru leurs fonds propres comme jamais et traversé la crise mieux que d’autres.

- Une gestion d’actifs qui est l’une des plus développées et des plus solides d’Europe.

Tout cela pèse et doit être pris en compte au moment où le sort d’Euronext, tel qu’il fut imaginé il y a un peu plus de 10 ans comme une entreprise de marché fédérant 4 bourses de la zone Euro, est de nouveau en balance. Ne nous y trompons pas, la décision de ICE de racheter NYSE Euronext et de se déclarer ouvertement prêt à isoler et céder le secteur opérant en zone euro est majeure. Elle offre la possibilité aux places concernées de retrouver davantage d’autonomie et à tous les acteurs qui ne croyaient pas au rapprochement avec NYSE de promouvoir une solution plus européenne. Si nous ne saisissons pas cette opportunité, nous ne devrons pas regretter plus tard de ne pas disposer de la force et de l’autonomie qu’assure la proximité avec une entreprise de marché qui est bien plus qu’un prestataire de services informatiques, comme je l’entends parfois affirmer. Une mobilisation de tous les acteurs des quatre places concernées est donc nécessaire.

Croyez que, pour ce qui est de sa compétence, l’AMF sera particulièrement vigilante pour que les évolutions capitalistiques qui lui seront soumises garantissent la totale sécurité du fonctionnement du marché, s’articulent avec une solution fiable pour la compensation des opérations, clarifient aussi la question de l’évolution future du contrôle de la partie opérant en zone euro.

Le plus pessimiste se croit souvent, à tort, le plus clairvoyant. Je ne crois pas que cela soit vrai. Que n’entendions-nous pas au seuil de l’année qui vient de s’écouler ? La France venait de perdre son triple AAA et aurait bientôt des difficultés à se financer. La zone Euro état menacée d’implosion, les banques européennes ployaient sous le poids de la dette grecque.

Un an après tout n’est pas résolu mais l’horizon s’est singulièrement éclairci comme le confirme un CAC en progression de 15% sur 12 mois. Qui l’eût dit, qui l’eût cru ?

Des décisions majeures ont été prises au plan européen avec un rôle singulièrement renforcé par la Banque Centrale, demain une nouvelle régulation prudentielle européenne des banques de taille significative, un instrument prêt à intervenir pour parer le risque systémique, une détermination nouvelle et crédible des Etats à remettre de l’ordre dans leurs finances. Tout ceci ne crée pas la reprise mais rend possible le redressement et la croissance si nous savons nous donner les moyens d’une politique courageuse de compétitivité.

Dans cet environnement, le régulateur s’attache à redéfinir sa stratégie et ce devrait être fait pour cet été. Les grandes priorités sont d’ores et déjà évidentes. Tout faire pour remettre la finance au service de l‘économie réelle qui seule lui donne tout son sens. Pour cela, je l’ai déjà mentionné, ne pas hésiter à développer toutes les solutions de financement à notre disposition : bourse de l’entreprise pour les émetteurs moyens et intermédiaires, intensification de l’activité obligataire à Paris, solutions professionnelles et crédibles de titrisation.

Au-delà nous devons contribuer à créer un cadre favorable à une épargne de long terme nécessaire à un développement sain de nos entreprises. Nous devons convaincre les uns et les autres que ce n’est ni forcément risqué pour l’épargnant, qui doit pouvoir considérer un rapport rendement/risque satisfaisant, ni forcément contraire à une nécessaire justice fiscale. Il conviendra dès lors, dans la foulée des travaux menées par les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre sur la réforme de l’épargne, d’en tirer toutes les conséquences.

De la même façon, nous avons besoin dans notre pays, à la fois, de banques commerciales puissantes tournées vers les particuliers et les entreprises pour leurs dépôts, leurs placements et leurs crédits, et de banques de financement et d’investissement capables, en particulier, d’épauler nos grandes entreprises dans leurs opérations de financement et de fusion-acquisitions.

L’évolution de notre système bancaire qui, s’il relève de la loi pour son organisation et de l’ACP pour sa surveillance, joue un rôle crucial pour les métiers financiers régulés par l’AMF. Nous avons de grands acteurs qui se sont développés avec succès en France et à l’international sur l’ensemble des métiers. Devons-nous le regretter ? Je ne le crois pas. Certaines de ces activités sont-elles plus risquées que d’autres et doivent-elle être mieux régulées ? Je le pense très sincèrement.

C’est ce choix, qui, je crois a conduit le gouvernement à proposer un schéma réaliste de filialisation de certaines activités de marché. Ce schéma garantit qu’une activité de banque de marché pour compte propre sera isolée des activités en direction de la clientèle de particuliers et d’entreprises. C’est un choix sage et au demeurant conforme à la tradition bancaire française qui n’a jamais eu pour vocation de développer des prises de risque excessives pour compte propre.

L’AMF devra aussi poursuivre et intensifier sa présence dans les instances européennes et internationales pour défendre un modèle de marchés financiers régulés et transparents, des règles claires et compréhensibles pour les acteurs. Nous devons convaincre que la part prépondérante des transactions doit s’effectuer sur des marchés transparents et régulés, que les instruments sophistiqués permettant le trading à haute fréquence doivent être contrôlés et cantonnés.

Cette présence, l’AMF va continuer à l’assurer mais elle ne peut pas tout faire toute seule. La Place doit se mobiliser en conséquence et participer davantage aux travaux et consultations européens en cours, soit auprès de la Commission Européenne et du Parlement Européen, soit auprès de l’ESMA, l’autorité européenne des marchés financiers dont le rôle s’accroit tous les jours. En revanche, une fois que le droit européen est fixé, quelque soit son niveau, l’AMF demandera à tous les acteurs français de l’appliquer loyalement afin que le « level playing field » entre nos acteurs et ceux des autres places soit préservé.

Enfin, nous ne devons pas craindre d’assumer notre rôle de gendarme, prêt à enquêter et si nécessaire à punir au terme de procédures permettant à chacun de présenter complètement sa défense. En quelques années, les progrès en ce domaine ont été spectaculaires et je veux saluer ici particulièrement ceux qui contribuent à notre efficacité en ce domaine, surveillants, contrôleurs, juristes et enquêteurs bien sûr mais aussi bien évidemment les membres de la Commission des sanctions.

Vous l’aurez compris l’activité sera intense en cette nouvelle année mais les perspectives sont moins sévères que beaucoup ne le disent et il nous incombe de travailler à les démentir.

Mais permettez-moi, avant de vous laisser la parole pour une séance de questions/réponses, de vous présenter, en mon nom personnel et en celui de l’AMF, mes vœux les plus chaleureux et les plus sincères pour vous-mêmes et pour tous ceux qui vous sont chers.

Le 23 janvier 2013

 

 

 

 

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